Tous les indices étaient là et une équipe de scientifiques vient de confirmer l’évidence. Les changements climatiques sont les principaux responsables des incendies de forêt qui ont frappé le Québec ces derniers mois, conclut une étude du World Weather Attribution.

Ce qu’il faut savoir

  • Un réseau international de scientifiques conclut que les incendies de forêt auraient été beaucoup moins intenses sans les changements climatiques.
  • Depuis le début de 2023, une superficie de 5,3 millions d’hectares a été touchée par les incendies de forêt au Québec, une année record.
  • Ce sont les conditions extrêmes en forêt qui expliquent l’intensité des incendies et non leur origine, qu’elle soit naturelle ou humaine.

Dans sa plus récente étude d’attribution, le World Weather Attribution (WWA), un réseau international de scientifiques, s’est intéressé aux incendies de forêt survenus cette année dans le Nord québécois. Une équipe de 17 chercheurs a conclu que les changements climatiques avaient doublé le risque que les conditions météorologiques favorisent de tels incendies. Ces changements ont aussi rendu la sévérité de la saison des incendies de 2023 au Québec 50 % plus intense.

Une saison des incendies aussi grave avait aussi sept fois plus de chances de se produire en raison du réchauffement planétaire, conclut l’étude, qui n’a pas encore été révisée par des pairs.

Parmi les auteurs de l’étude, on retrouve notamment les chercheurs québécois Yan Boulanger et Jonathan Boucher, du Service canadien des forêts, ainsi que Philippe Gachon et François Roberge, de l’UQAM. Alexandrine Bisaillon, du consortium Ouranos, a participé à la révision du rapport avec sept autres chercheurs.

Année record

En conférence de presse mardi, la climatologue Friederike Otto, cofondatrice du WWA et coauteure du rapport, a indiqué que l’équipe avait « une grande confiance dans ces résultats estimés de manière prudente ». Selon elle, l’influence des changements climatiques sur les incendies au Québec est probablement encore plus grande que les estimations des chercheurs.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Paysage ravagé par le feu, dans la région de la Baie-James ce mois-ci

Rappelons qu’à ce jour, près de 14 millions d’hectares ont été brûlés au Canada en 2023, une saison record qui fracasse la marque établie en 1989 avec 7,6 millions d’hectares de forêts incendiées. Au Québec seulement, tout près de 5,3 millions d’hectares ont été touchés par des incendies jusqu’à présent, une année record.

En entrevue avec La Presse, le chercheur Yan Boulanger rappelle que ce qui compte avant tout, ce n’est pas l’origine des incendies, mais les conditions qui règnent sur le terrain, qui permettent au feu de se propager. « Si ça n’avait pas été de ces conditions extrêmes, on n’aurait pas eu autant de feux. »

Le Canada a connu les mois de mai et juin les plus chauds depuis 1940, pulvérisant l’ancienne marque par 0,8 degré, souligne l’étude. L’indice d’humidité relative en forêt était également très bas, ce qui a créé les conditions parfaites pour permettre au feu de se propager.

« Le 1er juin, la foudre à elle seule a déclenché 120 incendies », mentionne M. Boulanger, tout en précisant que les incendies provoqués par la foudre font plus de dégâts que ceux d’origine humaine. « Les feux anthropiques sont plus proches des communautés, on peut intervenir plus rapidement », précise le chercheur.

« Mais que ce soit la foudre ou les humains, ce sont les conditions [du milieu] qui sont les plus importantes », ajoute-t-il.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Épisode de smog à Montréal provoqué par la fumée des incendies de forêt, le 25 juin dernier

Un principe que les campeurs connaissent bien, par ailleurs. Allumer un feu de camp sous la pluie ou avec du bois mouillé représente tout un défi. Or, en plus des températures élevées, la plupart des régions touchées par les incendies au Québec ont reçu « des précipitations anormalement faibles », précise l’étude.

Mieux comprendre les données

Fondé en 2014, le World Weather Attribution est un réseau de scientifiques qui se spécialisent dans les études d’attribution permettant de déterminer les causes des évènements météo extrêmes. Récemment, le WWA a publié une étude montrant que les vagues de chaleur en Chine, aux États-Unis et dans le sud de l’Europe étaient au moins 50 fois plus probables en raison des changements climatiques.

« Les techniques [pour réaliser ces études] se sont raffinées, les modèles sont plus robustes et on a plus de données, signale Yan Boulanger. Ce sont des études qui sont importantes, à la fois pour la communauté scientifique et pour la population en général. »

Selon Friederike Otto, ce genre d’étude permet aussi de rattacher ce que vivent les populations touchées avec des données plus abstraites sur le climat.

« Elles sont de plus en plus reprises par des politiciens, mais pas encore au niveau qu’on souhaiterait. On aimerait qu’elles aient encore plus d’influence », reconnaît-elle.

Depuis le début de l’année, plus de 150 000 personnes ont dû être évacuées au Canada en raison d’incendies de forêt. Ceux qui ont frappé le Québec ont provoqué des épisodes de smog dans plusieurs villes de la province et même aux États-Unis.

Consultez l’étude (en anglais)
En savoir plus
  • 1 milliard
    Le Service canadien des forêts estime que les incendies de forêt de 2023 au pays ont relâché à ce jour plus d’un milliard de tonnes d’émissions de CO2 dans l’atmosphère.
    Source : ministère des Ressources naturelles du Canada
    2
    Une étude publiée en 2022 par le Global Forest Watch, le World Resources Institute et l’Université du Maryland a conclu que les incendies de forêt dans le monde détruisent maintenant deux fois plus de superficies qu’il y a 20 ans.
    Sources : Global Forest Watch, World Resources Institute et Université du Maryland