Comment ils sont passés de la parole aux actes

Le brassage de la bière génère un résidu céréalier, la drêche, qui se retrouve bien souvent à la poubelle. Mais pour Brasseurs du Monde et la Crème boulangerie pâtisserie, la drêche, c’est un trésor.

« La drêche est un produit unique et inégalable », lance le PDG et fondateur de la microbrasserie Brasseurs du Monde, Gilles Dubé.

Pour l’entrepreneur de Saint-Hyacinthe, l’environnement a toujours été une priorité. « Dès notre lancement en 2011, nous avons établi des partenariats avec des agriculteurs locaux, qui utilisent notre drêche pour nourrir leur bétail », explique-t-il.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Gilles Dubé est PDG des Brasseurs du Monde. Il est entouré de Marie-Eve Pinsonneault (à gauche) et de sa fille Karelle Canuel-Dubé (à droite), copropriétaires de la Crème boulangerie pâtisserie.

L’idée était de ne pas la traiter comme un déchet, de trouver un moyen de la valoriser.

La drêche est un mélange de céréales (orge, blé, malt…) et d’eau, qu’on récupère au début du processus de brassage de la bière. « C’est un peu comme du multigrain, c’est extrêmement nutritif », note Gilles Dubé. On y retrouve notamment des protéines, des fibres et des minéraux comme du fer.

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La microbrasserie Brasseurs du Monde et la Crème boulangerie pâtisserie sont situées à Saint-Hyacinthe, à quelques pas l’une de l’autre.

Il n’en fallait pas plus pour que Marie-Eve Pinsonneault et Karelle Canuel-Dubé, copropriétaires de la Crème boulangerie pâtisserie, située à quelques pas de la microbrasserie, décident d’intégrer la drêche à leurs recettes.

Plusieurs tests plus tard, elles sont fières de pouvoir offrir plusieurs produits à base de drêche à leurs clients : pain, craquelins, boules d’énergie, granola, financiers et biscottis trônent sur leurs présentoirs.

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Le trempage se fait dans une cuve, à température contrôlée.

Démystifier la drêche

Offrir des créations boulangères et pâtissières nutritives tout en favorisant l’économie circulaire, c’est une chose. Mais convaincre les gens de les acheter, c’en est une autre.

Les gens ne connaissent pas la drêche. Et lorsqu’on leur explique ce que c’est, ils craignent que ça goûte la bière, alors que ce n’est pas du tout le cas. Ça goûte les céréales, et c’est très bon pour la santé.

Marie-Eve Pinsonneault, copropriétaire de la Crème boulangerie pâtisserie

Selon Karelle Canuel-Dubé, il y a un important travail d’éducation à faire. Sur la drêche, d’une part, mais également sur la culture de l’entreprise. « Les clients se demandent souvent pourquoi nos présentoirs ne sont pas très garnis, dit-elle en montrant les pains et viennoiseries derrière le comptoir. C’est très important pour nous de privilégier de petites quantités, afin de limiter le gaspillage. »

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La drêche qui est retirée de la cuve est humide. Alors qu’on l’utilise telle quelle pour certaines recettes, d’autres nécessitent de la faire sécher. Pour ce faire, les boulangères la font sécher au four sur une plaque.

Les copropriétaires de la Crème boulangerie pâtisserie utilisent également des bières en fin de vie pour faire des sirops, du pain perdu et des croissants aux amandes. « Nous essayons vraiment de réduire les pertes au minimum », lance fièrement Karelle Canuel-Dubé.

« Grâce à l’ensemble de nos partenariats, nous générons à peine 1 % de déchets », note Gilles Dubé, qui est aussi le père de Karelle Canuel-Dubé. Tel père, telle fille.

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La Crème boulangerie pâtisserie confectionne une panoplie de produits mettant la drêche en vedette. Parmi ceux-ci, on trouve du pain, des boules d’énergie, des craquelins, des financiers et du granola.

Une vaste initiative régionale

Le projet d’économie circulaire entre Brasseurs du Monde et la Crème boulangerie pâtisserie est chapeauté par le conseil régional de l’environnement (CRE) de la Montérégie, par l’entremise de son projet Symbiose agroalimentaire. La mission de ce projet ? Que les déchets des uns deviennent les trésors des autres.

L’économie circulaire, c’est éviter d’extraire de nouvelles ressources et de générer des déchets. L’idée est de réutiliser les matières en boucle.

Laurence Roger, chargée de projet en économie circulaire au CRE de la Montérégie

Par l’entremise de son projet Symbiose agroalimentaire, lancé en 2019, le CRE de la Montérégie offre un service d’accompagnement gratuit. « On fait du maillage entre les entreprises, on les met en relation s’il y a un potentiel de synergie », explique Laurence Roger.

Au total, plus de 110 synergies agroalimentaires ont été concrétisées grâce au projet du CRE de la Montérégie. Grâce à ces projets, d’innombrables matières résiduelles ont été échangées et de nombreuses ressources ont été valorisées, estime l’organisme.

En savoir plus

D’autres entreprises se sont donné comme mission la valorisation de la drêche. Par exemple, la Coopérative Boomerang récupère la drêche de microbrasseries montréalaises pour en faire de la farine qui est vendue à des boulangeries et des épiceries locales. Idem pour l’entreprise zéro déchet Still Good, qui vend de la farine de drêche moulue et de la préparation pour crêpes enrichie de drêche à des particuliers, sur sa boutique en ligne. Leur objectif ? Réduire le gaspillage alimentaire, un sac de farine à la fois.

Consultez le site de la Coopérative Boomerang Consultez le site de Still Good