Inondations, sécheresse, eaux chaudes baignant trois côtes – mais surtout fumée des incendies de forêt d’un océan à l’autre et outre-mer. Oui, ce sont les changements climatiques, disent les scientifiques, et s’attendent à plus de bizarreries météorologiques à venir.

« Ça a été une saison et une année d’extrêmes », reconnaît d’emblée Danny Blair, codirecteur du Centre du climat des Prairies, à l’Université de Winnipeg.

La sécheresse en est un exemple. En raison de sa grande superficie, le Canada compte toujours quelques régions plus sèches, mais jamais la sécheresse n’avait été d’une telle ampleur à l’échelle du pays.

La carte de la sécheresse du 30 juin d’Agriculture Canada montre que la majeure partie du pays était anormalement sèche. De vastes étendues des Prairies ont subi une sécheresse au moins modérée, poussant à l’extrême dans le sud de l’Alberta.

En Colombie-Britannique, autrefois la « côte humide », 28 des 34 bassins fluviaux affichaient les deux niveaux de sécheresse les plus élevés de la province. Les éleveurs en sont réduits à vendre du bétail, car ils n’arrivent plus à produire suffisamment de foin pour nourrir les bêtes, et les faibles débits des cours d’eau menacent les montaisons de saumon.

Chaleur accablante

Et il fait chaud. Bien que les températures dans l’Est du pays se situaient plus près des normales saisonnières, on ne pouvait pas dire la même chose de l’Ouest.

De mai à juillet, Kelowna, en Colombie-Britannique, a connu 36 jours de températures supérieures à 30 °C alors que la température normale est de 16 °C. Norman Wells, non loin du cercle polaire arctique dans les Territoires du Nord-Ouest, a établi un nouveau record de 38 °C le 8 juillet.

Le climatologue principal d’Environnement Canada, Dave Phillips, a totalisé le nombre de records de température chaude établis cet été par rapport au nombre de records de froid.

« Si le climat était équilibré, vous auriez autant de records de froid que de records de chaud », explique-t-il.

Ce n’est malheureusement pas ce qui s’est produit. Pour 372 records de chaleur, on en a dénombré 55 pour des températures plus froides.

La chaleur ne s’est pas non plus limitée à la terre. M. Phillips rapporte que les eaux au large des trois côtes canadiennes n’ont jamais été aussi chaudes.

La baie d’Hudson est jusqu’à 3 ℃ plus chaude. La côte Pacifique est entre 2 ℃ et 4 ℃ plus chaude. Les côtes de l’Atlantique et de l’Arctique sont en hausse de 5 ℃ par rapport à la moyenne.

Catastrophes et désastres

Ensuite, il y a eu les inondations.

Le 21 juillet, Halifax a reçu trois mois de pluie en 24 heures. Au moins trois personnes sont mortes dans les inondations et jusqu’à 600 ont dû évacuer leurs maisons. Des pannes d’électricité ont touché 80 000 personnes. Des routes ont été emportées et au moins sept ponts ont dû être réparés ou remplacés.

Il y a également eu des incendies qui ont répandu de la fumée sur tout le continent et en Europe. Les « incendies de forêt canadiens » ont fait la une des journaux du New York Times aux nouvelles du soir en Allemagne.

Avec plus de 13 millions d’hectares noircis, ce fut la pire saison des incendies de forêt de l’histoire de l’Amérique du Nord. Les 13 provinces et territoires ont été touchés, souvent en même temps. Des dizaines de milliers de personnes ont été chassées de chez elles, des centaines de maisons ont été détruites et quatre pompiers ont été tués.

Au fil des ans, des villes comme Calgary et Edmonton se sont habituées aux « journées enfumées ». Cette année, ce club malheureux s’est agrandi pour inclure Ottawa (171 heures de fumée), Montréal (100 heures de fumée) et Toronto, qui, le 30 juin, avaient la deuxième pire qualité de l’air au monde.

Les changements climatiques en cause

« Il n’est pas inhabituel pour nous d’avoir un temps sec ou un temps chaud, relève Danny Blair. Mais la fréquence et la gravité de cette température hors de l’ordinaire, et sa coïncidence avec d’énormes conditions météorologiques extrêmes aux États-Unis et dans le monde, suggèrent à beaucoup de gens que quelque chose a changé. »

World Weather Attribution, un groupe au Royaume-Uni qui estime la contribution des changements climatiques aux évènements météorologiques individuels, a déjà déclaré que les vagues de chaleur aux États-Unis et en Europe cet été auraient été « pratiquement impossibles » sans eux. Son analyse des incendies de forêt au Canada est attendue plus tard cet automne.

« Je n’ai aucun doute que la conclusion sera que ces évènements sont bien en dehors de la ligne de variabilité naturelle », prévoit M. Blair.

« C’est un changement climatique criant. C’est exactement ce dont nous parlons depuis des années », poursuit-il.

Un retour à la normale n’est d’ailleurs pas dans les prévisions à court terme.

« Nos modèles pour le mois d’août ne montrent aucune région du Canada plus froide que la normale », indique M. Phillips.

Si vous voulez plus de fraîcheur, vous devrez vous rendre sur la côte est de l’île de Baffin. Partout ailleurs, les chaleurs devraient être normales ou un peu plus accablantes.

Cela durera jusqu’en septembre, pour le meilleur ou pour le pire, a déclaré M. Phillips.