Elle vient tout juste d’être déclarée espèce menacée au Québec alors que son avenir est plus incertain que jamais. Si la tendance se maintient, les chances de survie de la rainette faux-grillon pourraient bien reposer sur le travail d’une équipe de chercheurs qui veulent aider la plus petite des grenouilles à reprendre sa place dans la nature.

Officiellement menacée au Québec

Depuis le 21 juin 2023, la rainette faux-grillon de l’Ouest est officiellement une espèce menacée au Québec, un statut qu’elle détient au fédéral depuis 2008. Minuscule amphibien mesurant moins de 3 cm et pesant à peine 1 g à l’âge adulte, cette espèce ne compte plus que quatre populations toujours viables dans la province, estime Tommy Montpetit, directeur de la conservation à l’organisme Ciel et Terre.

Trouver la bonne recette

Voilà maintenant trois ans qu’une équipe de scientifiques mène un projet de recherche afin de réintroduire l’espèce dans la nature. L’Université d’Ottawa, le Biodôme de Montréal, le ministère de l’Environnement du Québec et l’Université Laval espèrent trouver la bonne « recette » pour assurer la survie de la rainette faux-grillon. Une mission d’autant plus importante que moins du quart des populations qui subsistent à ce jour « seraient capables de se maintenir à moyen terme si les conditions demeuraient telles quelles », estime un rapport de l’ancien ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), publié en 2021.

  • Depuis le 21 juin 2023, la rainette faux-grillon de l’Ouest est officiellement une espèce menacée au Québec. Une équipe de scientifiques mène un projet de recherche afin de réintroduire l’espèce dans la nature. Dans le cadre de ce projet, 300 jeunes rainettes ont récemment été relâchées au parc du Mont-Saint-Bruno.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Depuis le 21 juin 2023, la rainette faux-grillon de l’Ouest est officiellement une espèce menacée au Québec. Une équipe de scientifiques mène un projet de recherche afin de réintroduire l’espèce dans la nature. Dans le cadre de ce projet, 300 jeunes rainettes ont récemment été relâchées au parc du Mont-Saint-Bruno.

  • Jeanne Dudemaine, étudiante à la maîtrise en science du bois à l’Université Laval, nous montre une jeune rainette qui a grandi dans l’un des 24 bacs appelés mésocosmes qui ont été installés au parc du Mont-Saint-Bruno. Leurs aménagements ne sont pas tous pareils : on essaie de trouver celui qui convient le mieux à la rainette faux-grillon.

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    Jeanne Dudemaine, étudiante à la maîtrise en science du bois à l’Université Laval, nous montre une jeune rainette qui a grandi dans l’un des 24 bacs appelés mésocosmes qui ont été installés au parc du Mont-Saint-Bruno. Leurs aménagements ne sont pas tous pareils : on essaie de trouver celui qui convient le mieux à la rainette faux-grillon.

  • La biologiste Lyne Bouthillier, du ministère québécois de l’Environnement, relâche de jeunes rainettes dans l’un des étangs spécialement aménagés pour cette espèce au parc du Mont-Saint-Bruno. Une fois adultes, les rainettes quittent le milieu humide pour la terre ferme environnante, où elles passeront le reste de l’année.

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    La biologiste Lyne Bouthillier, du ministère québécois de l’Environnement, relâche de jeunes rainettes dans l’un des étangs spécialement aménagés pour cette espèce au parc du Mont-Saint-Bruno. Une fois adultes, les rainettes quittent le milieu humide pour la terre ferme environnante, où elles passeront le reste de l’année.

  • Émiko Wong, vétérinaire et scientifique principale au Biodôme de Montréal, Jeanne Dudemaine, étudiante à la maîtrise en science du bois à l’Université Laval, et Sophie Tessier, coordonnatrice conservation et éducation à la SEPAQ, ont participé au relâchement d'environ 300 jeunes rainettes le 21 juin dernier. Selon Jeanne Dudemaine (au centre), entre 10 % et 25 % des rainettes relâchées dans la nature sont toujours en vie le printemps suivant.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Émiko Wong, vétérinaire et scientifique principale au Biodôme de Montréal, Jeanne Dudemaine, étudiante à la maîtrise en science du bois à l’Université Laval, et Sophie Tessier, coordonnatrice conservation et éducation à la SEPAQ, ont participé au relâchement d'environ 300 jeunes rainettes le 21 juin dernier. Selon Jeanne Dudemaine (au centre), entre 10 % et 25 % des rainettes relâchées dans la nature sont toujours en vie le printemps suivant.

  • Les quelque 300 jeunes rainettes sont transportées dans deux glacières. Elles sont relâchées au moment où elles sont prêtes à commencer leur vie adulte.

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    Les quelque 300 jeunes rainettes sont transportées dans deux glacières. Elles sont relâchées au moment où elles sont prêtes à commencer leur vie adulte.

  • Depuis l’adoption de la Loi sur les espèces en péril, en 2003, seulement trois décrets d’urgence ont été adoptés au Canada pour protéger une espèce en péril et la rainette faux-grillon en revendique deux. Le premier a été adopté en 2016 à La Prairie et le deuxième, en 2021, à Longueuil. Dans les deux cas, les projets avaient été préalablement approuvés par Québec avant qu’Ottawa n'intervienne.

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    Depuis l’adoption de la Loi sur les espèces en péril, en 2003, seulement trois décrets d’urgence ont été adoptés au Canada pour protéger une espèce en péril et la rainette faux-grillon en revendique deux. Le premier a été adopté en 2016 à La Prairie et le deuxième, en 2021, à Longueuil. Dans les deux cas, les projets avaient été préalablement approuvés par Québec avant qu’Ottawa n'intervienne.

  • Linda Paetow, technicienne en soins animaliers, s’occupe entre autres du programme de reproduction des rainettes faux-grillon au Biodôme de Montréal. Les jeunes amphibiens relâchés au parc du Mont-Saint-Bruno ont vu le jour au début du printemps.

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    Linda Paetow, technicienne en soins animaliers, s’occupe entre autres du programme de reproduction des rainettes faux-grillon au Biodôme de Montréal. Les jeunes amphibiens relâchés au parc du Mont-Saint-Bruno ont vu le jour au début du printemps.

  • L’équipe a choisi le parc du Mont-Saint-Bruno, un lieu protégé, pour mener ce projet de recherche sur la rainette faux-grillon. Les étangs aménagés se trouvent d’ailleurs dans un secteur plus difficilement accessible du parc. Mais la majorité des habitats abritant l’espèce en 2023 se trouvent sur des terres privées.

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    L’équipe a choisi le parc du Mont-Saint-Bruno, un lieu protégé, pour mener ce projet de recherche sur la rainette faux-grillon. Les étangs aménagés se trouvent d’ailleurs dans un secteur plus difficilement accessible du parc. Mais la majorité des habitats abritant l’espèce en 2023 se trouvent sur des terres privées.

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Le défi de la reproduction en captivité

Chaque printemps, la biologiste Lyne Bouthillier, du ministère québécois de l’Environnement, se rend dans un bois de Longueuil pour capturer des rainettes adultes, mâles et femelles, qui seront envoyées au Biodôme de Montréal. Dans la nature, c’est à cette période de l’année que les mâles entament leur chant pour séduire les femelles. Mais en captivité, c’est une autre histoire. Pendant des années, le Biodôme a essayé sans succès diverses méthodes pour favoriser la reproduction des rainettes. C’est finalement grâce aux travaux du chercheur Vance Trudeau, de l’Université d’Ottawa, qu’on a pu adapter à l’espèce une technique qui était d’abord destinée aux grenouilles léopards.

Un philtre d’amour pour rainettes seulement

C’est sous la supervision d’Émiko Wong, vétérinaire et scientifique principale au Biodôme, qu’on injecte à chaque rainette un cocktail d’hormones pour favoriser l’accouplement. Une femelle peut pondre jusqu’à 500 œufs. Les têtards, une fois sortis de l’œuf, ont des branchies, comme un poisson. En quelques semaines, ils se transforment et atteignent le stade de métamorphes. À ce moment-là, les futures rainettes modifient leur système digestif et respiratoire et peuvent commencer à respirer à l’air libre. C’est là qu’une partie des « grenouillettes » sont transférées au parc du Mont-Saint-Bruno dans des bacs appelés mésocosmes.

Reproduire un milieu naturel

Avec ces mésocosmes, on cherche à reproduire le milieu naturel des rainettes faux-grillon, explique Jeanne Dudemaine, étudiante à la maîtrise en science du bois à l’Université Laval. « On a remarqué que les métamorphes se transforment plus rapidement en milieu naturel », explique-t-elle. Pendant leur transformation qui dure quelques jours, les amphibiens cessent de s’alimenter puisque leur système digestif se modifie lui aussi. Ils survivent grâce aux réserves alimentaires stockées dans leur queue, appendice qui finira lui aussi par disparaître.

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La queue des jeunes rainettes disparaît au cours de leur transformation.

Des étangs temporaires

À quelques kilomètres de l’emplacement où se trouvent les mésocosmes, l’équipe de recherche a fait aménager quatre étangs pour la rainette faux-grillon. Ces étangs doivent être temporaires, c’est-à-dire qu’ils doivent s’assécher naturellement au cours de l’été. Ce n’est pas pour rien que la rainette choisit ce type de milieu humide éphémère pour s’y reproduire : les chances d’y trouver des prédateurs comme des poissons ou des grenouilles vertes sont moins élevées. Une fois adultes, les rainettes quittent le milieu humide pour la terre ferme où elles passeront le reste de l’année.

300 nouvelles recrues

C’est dans ces étangs que l’équipe a relâché plus de 300 jeunes rainettes, le 21 juin dernier. Celles-ci proviennent du Biodôme où elles ont grandi dans un environnement contrôlé. Les jeunes qui se trouvent dans les mésocosmes sont relâchées dans les étangs presque quotidiennement à cette période de l’année. Au préalable, les amphibiens ont été identifiés grâce à un minuscule transpondeur injecté sous la peau. Ce sera la façon de retrouver celles qui auront survécu l’année suivante. Celles qui n’ont pas été mangées par un prédateur pendant l’été doivent cependant survivre à l’hiver. Malgré sa taille minuscule, l’espèce a une capacité étonnante d’entrer en hibernation. Malgré tout, seulement 40 % des individus survivent aux hivers québécois.

Se préparer au pire

« L’objectif est d’accumuler les connaissances pour être éventuellement en mesure d’agir si nécessaire, explique la biologiste Lyne Bouthillier. On teste des choses. Peut-être qu’un jour, on devra faire du soutien de population avec notre projet. » Mais la biologiste est bien consciente qu’il faut d’abord protéger l’habitat de cette espèce qui se fait de plus en plus rare. Or, le projet de recherche tire à sa fin : faute de financement, il ne sera pas reconduit. Financé conjointement par le fédéral et le provincial, celui-ci bénéficiait d’une enveloppe de 120 000 $. Toute l’équipe se croise les doigts pour l’année prochaine.

Regardez une présentation du Biodôme de Montréal sur le projet de recherche
En savoir plus
  • 2030
    Selon le ministère fédéral de l’Environnement, la destruction de l’habitat de la rainette faux-grillon est si rapide dans les banlieues du sud-ouest du Québec que les populations risquent de disparaître d’ici 2030.
    Source : Environnement et changement climatique Canada
    90 %
    Au cours des 60 dernières années, l’espèce a perdu 90 % de son aire de répartition en raison du développement urbain et des activités agricoles.
    Source : Environnement et changement climatique Canada