« L’histoire du Canada, c’est beaucoup de mots, beaucoup de plans et pas assez d’action. » Le commissaire à l’environnement et au développement durable, Jerry DeMarco, a dévoilé jeudi cinq rapports clés qui critiquent sévèrement Ottawa pour le manque d’actions « fortes » face à la crise climatique et au déclin de la biodiversité au pays.

2 milliards d’arbres : peu de chances d’atteindre l’objectif

Dans son premier rapport intitulé Les forêts et les changements climatiques, le commissaire à l’environnement et au développement durable critique sévèrement Ottawa quant à son programme visant à planter 2 milliards d’arbres d’ici 2031. « Il est peu probable que le programme […] atteigne ses objectifs, à moins que des changements importants soient apportés », signale-t-on. Le rapport précise également que le fédéral n’avait pas encore établi comment il allait assurer le suivi des arbres plantés, « ce qui signifie qu’il ne saura pas si ces arbres ont survécu ni s’ils procurent les bienfaits prévus à la population canadienne ». On signale aussi que le programme « ne permettra vraisemblablement pas de réaliser les réductions d’émissions [de GES] prévues au départ, même si sa mise en œuvre est complète ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le commissaire à l’environnement et au développement durable, Jerry DeMarco

Espèces menacées : des plans d’action absents

Ottawa enregistre ses pires notes, selon Jerry DeMarco, quant à ses efforts pour assurer la protection des espèces menacées. Le deuxième rapport, intitulé Suivi sur le rétablissement des espèces en péril, indique entre autres que plus de la moitié des plans d’action nécessaires au rétablissement de nombreuses espèces n’ont toujours pas été produits. Or, depuis 20 ans, les pressions sur les espèces sauvages s’intensifient et le nombre d’espèces menacées augmente. Signalons qu’en 2022, 640 espèces végétales et animales étaient identifiées comme espèces en péril au Canada. « Il n’y a aucune baguette magique qui fera revenir à la vie les espèces disparues pour limiter les effets les plus graves des changements climatiques et de la perte de la biodiversité », a affirmé Jerry DeMarco en conférence de presse jeudi.

Espèces menacées : Ottawa n’utilise pas ses pouvoirs

Dans son troisième rapport, Les pouvoirs discrétionnaires pour protéger les espèces en péril, Jerry DeMarco reproche à Environnement et Changement climatique Canada de ne pas utiliser les pouvoirs à sa disposition pour mieux protéger les espèces menacées. Le commissaire note que le fédéral n’a adopté que trois décrets d’urgence en 20 ans pour protéger des espèces et leur habitat, et chaque fois « à la suite de pressions externes exercées sur le gouvernement fédéral ». Notons que deux des trois décrets ont servi à protéger la rainette faux-grillon de l’Ouest au Québec. Le rapport signale que le fédéral « n’a pas utilisé de façon proactive les informations déjà disponibles sur les espèces sauvages et leurs habitats, sur les tendances en matière de déclin des populations d’espèces et sur la protection inadéquate de l’habitat essentiel sur le territoire non domanial ».

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Une rainettes faux-grillon de l’Ouest, à La Prairie

Changements climatiques : du retard dans l’évaluation des risques

Ottawa doit mieux évaluer, et vite, les risques financiers liés aux changements climatiques. C’est le principal constat du 4rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable. « Les incendies de forêt peuvent causer des dommages importants aux propriétés et ainsi réduire la capacité des ménages à rembourser leurs prêts hypothécaires, ce qui pourrait entraîner des pertes pour les institutions financières », signale-t-on pour illustrer les nombreux risques posés par le réchauffement planétaire. Jerry DeMarco salue le fait que le Bureau du surintendant des institutions financières a commencé à déployer une stratégie « pour gérer les risques financiers », mais juge qu’il faudra des années avant qu’elle ne « soit pleinement mise en œuvre ».

Gaz à effet de serre : des mesures efficaces ?

Réduire les gaz à effet de serre, c’est bien, mais savoir quelles mesures permettent d’y arriver, c’est encore mieux. C’est, en gros, le constat du 5e et dernier rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable. Selon Jerry DeMarco, « en raison de l’approche adoptée par le Ministère [Environnement et Changement climatique Canada] pour mesurer les émissions », celui-ci n’est pas capable « d’attribuer les émissions à des règlements en particulier ». Le rapport indique que « sans information complète sur les répercussions, le gouvernement fédéral ne sait pas s’il utilise les bons outils pour réduire les émissions ». Le document précise également qu’Ottawa « ne pouvait avoir la certitude que le règlement visant à limiter les émissions de méthane avait aidé le Canada à atteindre ses cibles ».

PHOTO OLIVIER MORIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Un ours polaire, près de Churchill, au Manitoba. Le rétrécissement de la banquise de l’Arctique causé par le réchauffement climatique menace l’espèce.

Réactions : le NPD demande une refonte

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) a rapidement réclamé une refonte du programme de plantation des 2 milliards d’arbres afin d’atteindre les cibles fixées. De son côté, la Société pour la nature et les parcs, au Québec, a salué les rapports du commissaire DeMarco, qui démontrent qu’Ottawa n’est pas proactif dans ses efforts de protection des espèces en péril, selon l’organisme. Le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, et son collègue aux Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, ont précisé par voie de communiqué que leurs ministères « ont déjà pris des mesures pour répondre à un certain nombre de recommandations du commissaire et se sont engagés à prendre de nouvelles mesures pour continuer à améliorer l’exécution des programmes conformément aux observations du commissaire ».

Consultez les cinq rapports du commissaire à l’environnement et au développement durable
En savoir plus
  • 2,3 %
    Après deux ans, le programme de plantation de 2 milliards d’arbres ne pourrait atteindre que 2,3 % de son objectif global.
    Sources : rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable
    44 %
    Près de la moitié des espèces inscrites au registre fédéral des espèces menacées n’affichaient pas de progrès « quant à la réalisation des objectifs établis en matière de population et de répartition ».
    Sources : rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable