Réunis pour un sommet à Sapporo, au Japon, en fin de semaine, les pays industrialisés du G7 se sont engagés à « accélérer » leur « sortie » des énergies fossiles dans tous les secteurs, mais sans se fixer de nouvelle échéance.

Après être reparties à la hausse en 2021, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada vont renouer avec une tendance baissière, prédit le ministre l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault, une affirmation dont doute toutefois Greenpeace Canada.

En entrevue de Sapporo, au Japon, Steven Guilbeault a réagi dimanche à la publication du plus récent Rapport d’inventaire national par Ottawa vendredi dernier⁠1.

Selon ce dernier, les émissions de GES ont augmenté de 1,8 % au pays par rapport à 2020 – une hausse attribuable essentiellement au secteur des transports et à celui de l’extraction de pétrole et de gaz.

Or, selon Steven Guilbeault, il s’agit surtout d’une correction par rapport à la période pandémique où l’économie du Canada roulait au ralenti.

Qualifiant 2020 « d’anomalie », le ministre préfère prendre pour référence 2019, la dernière année complète exempte de toute mesure sanitaire, et note que le Canada a enregistré une diminution de 53 mégatonnes (Mt) de ses émissions de GES en comparaison, soit plus de la moitié des GES annuels émis au Québec.

PHOTO KYODO, FOURNIE PAR REUTERS

Steven Guilbeault (deuxième à partir de la droite) flanqué de ministres et de délégués internationaux à Sapporo, au Japon, samedi

« En 2021, par rapport à 2019, on est vraiment sur une tendance où nos émissions diminuent », dit-il en avançant avec « sa boule cristal » que 2022 s’ancrerait dans la même tendance. « Ce qu’on constate lorsqu’on gratte vraiment ce rapport-là des inventaires, c’est que le secteur de l’électricité accélère sa décarbonation à vitesse grand V. »

Mais « clairement, dans le secteur du pétrole et du gaz, c’est là où il faut faire le gros de l’effort », nuance-t-il.

Un rebond complet ?

Responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada, Patrick Bonin doute toutefois des affirmations du ministre Guilbeault à savoir que les émissions de GES iront en diminuant au Canada « à court terme ».

« On a vu un rebond en 2021 et je doute que ce rebond soit complet parce qu’en 2021, on avait encore des périodes de confinement, un rythme de vie pandémique qui ralentissait l’économie », explique-t-il.

Patrick Bonin prend pour exemple le secteur du pétrole et du gaz, qui n’a pas réduit ses émissions drastiquement, et celui du transport, où l’arrivée des véhicules électriques se fait au compte-gouttes. « Je vais le croire quand je vais le voir », résume-t-il par rapport à une possible baisse des émissions de GES dans le Rapport d’inventaire national qu’Ottawa publiera l’an prochain.

Une porte entrebâillée pour le gaz naturel

À l’échelle internationale, les pays du G7 ne sont pas parvenus à s’engager en particulier sur une date de sortie du charbon dans le secteur de l’électricité, tandis que le Canada poussait pour les convaincre d’adopter l’échéancier de 2030. « On n’a pas tout à fait atteint cet objectif-là », a d’ailleurs commenté Steven Guilbeault.

Aussi le G7 a-t-il reconnu, comme l’an dernier, que des investissements dans le gaz naturel « pouvaient être appropriés » pour aider certains pays à traverser la crise énergétique actuelle, tout en insistant sur l’importance d’une transition énergétique « propre » et la nécessité de réduire la demande de gaz.

Ce qu’on dit, c’est qu’on ne ferme pas la porte complètement [au gaz naturel], mais il faut que ce soit fait dans un contexte très spécifique.

Steven Guilbeault, ministre l’Environnement et du Changement climatique

En fin de compte, ce dernier dresse un bilan en demi-teinte de cette rencontre avec ses homologues à Sapporo. « Est-ce que c’est suffisant ? Non, ce n’est pas suffisant. Le dernier rapport du GIEC nous rappelle à quel point on doit accélérer le pas », insiste-t-il d’ailleurs.

« Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les actions nationales s’alignent sur les paroles du G7, en particulier en ce qui concerne la transition énergétique, comme de nombreux pays ont récemment approuvé de nouveaux projets d’infrastructures pétrolières et gazières », a réagi la directrice de Réseau action climat Canada, Caroline Brouillette

La fin de la pollution plastique

Concernant la pollution plastique, les pays du G7 ont promis de la réduire à zéro d’ici 2040, grâce notamment à l’économie circulaire et la réduction ou l’abandon des plastiques jetables et non recyclables.

À ce sujet, le Canada fonde de grands espoirs dans l’entente internationale « légalement contraignante » qui pourrait être signée d’ici la fin de 2024, à la suite de négociations entreprises dans le cadre de l’assemblée générale de l’agence des Nations unies pour l’environnement en février 2022.

Quatre sessions de négociations seront nécessaires pour y parvenir, indique Steven Guilbeault, qui aimerait voir l’une d’entre elles se tenir au Canada.

Par ailleurs, cet engagement n’émeut pas Patrick Bonin, de Greenpeace Canada, qui rappelle que le Canada visait déjà 2030 pour l’élimination de la pollution plastique.

« Il faut fermer le robinet à la source, et pour ça, ça prend beaucoup plus d’objectifs de remplissage, de réutilisation. Le G7 qui vise 2040, c’est un recul par rapport aux objectifs de l’ONU pour le développement durable », explique-t-il.

Avec l’Agence France-Presse

1. Lisez « Gaz à effet de serre : les émissions du Canada repartent à la hausse »