La France vient d’instaurer un « bonus réparation » pour les appareils électriques, afin d’allonger la durée de vie des équipements et de réduire les déchets. Est-ce que le Québec devrait faire de même ?

Depuis la mi-décembre, les Français peuvent bénéficier d’un « bonus » pour faire réparer leurs appareils électriques, des sommes qui vont de 10 euros (environ 14 $) pour une bouilloire ou un grille-pain à 45 euros (environ 65 $) pour un ordinateur.

Une trentaine de types d’appareils sont admissibles pour l’instant, en vertu d’une « loi anti-gaspillage pour une économie circulaire » créant un fonds de réparation doté de 410 millions d’euros (environ 489 millions CAN) pour six ans. D’autres s’ajouteront en 2024 et en 2025.

Consultez le site de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire

Le financement de cette mesure est assuré par des industriels, par l’entremise d’éco-organismes chargés de gérer la fin de vie des appareils.

Les consommateurs français peuvent donc se rendre chez l’un des 500 premiers réparateurs agréés et profiter d’une ristourne forfaitaire sur leur drone ou leur hotte en panne. Le nombre de réparateurs agréés sera graduellement étendu : 1500 sont espérés à l’horizon 2023, et 10 000 pour 2027.

Un bon levier

On estime à 10 millions le nombre de réparations réalisées chaque année en France, où circulent environ 1,5 milliard d’équipements électriques et électroniques. L’objectif est d’accroître ce volume de réparations de 20 %.

« C’est vraiment un bon levier », dit Sophie Bernard, professeure à Polytechnique Montréal et spécialiste de l’économie circulaire. « Est-ce que le Québec devrait se doter d’une telle chose ? Absolument », opine-t-elle.

« Notre système, en ce moment, est très peu construit pour la réparation », déplore la professeure Sophie Bernard. Il est, selon elle, nécessaire de reconnaître l’ampleur du problème et de s’ajuster en conséquence.

Une étude d’Équiterre sur l’accès à la réparation au Canada, publiée en octobre, suggère que moins de 19 % de la population canadienne fait réparer ses appareils électroménagers et électroniques brisés, un taux qui monte à 25 % au Québec.

Consultez l’étude d’Équiterre sur l’accès à la réparation au Canada Consultez l’étude d’Équiterre sur la réparation des appareils électroménagers et électroniques au Québec

« La fabrication de ces produits demande une grande quantité de ressources et leur courte durée de vie est problématique, souligne Équiterre. Leur réparation permet d’allonger leur durée de vie et ainsi limiter les impacts environnementaux et socioéconomiques liés à leur fabrication. »

Les freins à la réparation pour les consommateurs notés par Équiterre incluent la perception que les produits sont irréparables et les coûts de réparation. Les réparateurs québécois, eux, souhaitent avoir un meilleur accès aux pièces de remplacement et aux manuels des appareils qu’ils réparent, en plus d’incitatifs financiers pour favoriser ce choix chez les consommateurs.

Consultez l’étude d’Équiterre Entretiens avec des réparateurs et réparatrices au Québec

Selon Julian Guzman, copropriétaire de Réparation Flash à Montréal, c’est le manque d’information et les coûts prohibitifs qui font en sorte que les gens ne font pas réparer plus souvent leurs appareils. « Si la France crée cette mesure d’encouragement pour aider les gens, c’est certain que ça va aider », dit-il.

Le réparateur affirme que la vaste majorité des électroménagers peuvent être réparés, mais que les gens ne sont pas toujours au courant. Ils peuvent aussi préférer acheter du neuf en raison des soldes, omniprésents pendant le temps des Fêtes.

Mieux informer les consommateurs

En plus du « bonus réparation », un « indice de réparabilité » est mis en place progressivement en France sur certains équipements afin d’aider le consommateur dans son choix au moment de l’achat.

« Ça, c’est un outil puissant parce que ça envoie des signaux à tout le monde », dit Sophie Bernard. D’une part, le consommateur peut faire un choix plus éclairé et, d’autre part, le producteur dispose d’une mesure d’encouragement potentiellement monnayable pour améliorer la réparabilité de ses produits.

Dans la foulée de son étude, Équiterre recommande justement de faciliter le recours à la réparation au Québec, notamment par des « mesures d’écofiscalité » et la mise en place d’un « indice de durabilité ».

Interrogé à savoir si le Québec compte emboîter le pas à la France, le cabinet du ministre de l’Environnement, Benoit Charette, répond simplement que la question « sera étudiée le moment venu ». La démarche sera faite « en concertation avec nos partenaires, dont Recyc-Québec », précise son attachée de presse, Mélina Jalbert.

Recyc-Québec indique pour sa part suivre « activement le dossier de la réparation depuis quelques années ». « Il nous fera plaisir de collaborer avec les différents ministères et organismes » si une initiative réglementaire ou législative en ce sens venait à germer, dit la porte-parole Véronique Boulanger.

Avec l’Agence France-Presse

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