(Québec) Les impacts de la pandémie de COVID-19 sur l’économie ont permis au Québec de dépasser largement pour l’année 2020 ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) sous leur niveau de 1990, avec une baisse de 26,6 % plutôt que les 20 % ciblés. La fin des mesures sanitaires risque toutefois d’influencer le prochain bilan, et ce gain sur l’objectif initial pourrait fondre.

Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, n’a pas chiffré mercredi les impacts de la pandémie sur la réduction des GES dans la province en 2020 comparativement à la cible qui était prévue. Il promet de divulguer cette estimation ultérieurement, en comparant les résultats de 2020 aux émissions de GES émis l’année suivante, avec la reprise économique.

« La pandémie a clairement joué un rôle important, c’est pour ça qu’on ne peut pas pavoiser », a affirmé M. Charette. Il a ensuite ajouté qu’il « n’y a rien qui nous indique qu’on n’aurait pas atteint la cible de 2020 sans la pandémie, [mais qu’on] ne l’aurait certainement pas dépassé ».

L’objectif du Québec est de réduire de 37,5 % d’ici 2030 ses émissions de GES sous leur niveau de 1990. Le gouvernement Legault a déposé au cours du dernier mandat un Plan pour une économie verte, qui prévoit des fonds de sept milliards sur cinq ans. Il a identifié à ce jour environ 50 % des mesures pour atteindre son objectif de 2030.

Détails du calcul 

En 2020, le gouvernement visait de réduire de 20 % ses émissions de GES sous leur niveau de 1990. Le rapport publié mercredi établit que les émissions de GES ont diminué de 10,5 % en 2020 par rapport à 2019, ce qui équivaut à une diminution de 13,2 % sous leur niveau de 1990.

Or, le gouvernement affirme qu’il a atteint en 2020 une baisse de 26,6 % par rapport à 1990. Pour en arriver à ce résultat, le ministère de l’Environnement inclut les effets de sa participation au marché du carbone avec la Californie. Ce marché, rappelle-t-il, « contraint les grandes entreprises et les citoyens à opter […] pour des activités de plus en plus sobres en carbone », ce qui permet « aux deux gouvernements de financer leurs actions climatiques ».

Québec a donc dévoilé mercredi « qu’en 2020, les émetteurs québécois ont acheté des droits d’émission équivalant à des réductions de 11,4 Mt éq. CO2 auprès de son partenaire californien ».

« En vertu de l’entente de liaison conclue entre les deux parties, ces réductions ne seront comptabilisées que par le Québec dans le calcul de l’atteinte de sa cible climatique. Cette réduction générée à l’extérieur de son territoire et attribuable au Québec équivaut donc à une réduction de 13,4 % des émissions québécoises de GES pour l’année 2020 », explique-t-on.

Au cours des prochaines années, estime Benoit Charette, le Québec devra accélérer la réduction des GES sur son territoire, notamment avec la mise en œuvre du Plan pour une économie verte, et pourra moins compter sur l’achat de droits d’émission sur le marché californien, où l’État prévoit augmenter ses cibles de réduction de GES d’ici 2030.

Les groupes environnementaux en veulent plus 

Du point de vue des groupes environnementaux et des partis d’opposition à Québec, les résultats dévoilés par le ministre Charette sont loin d’être suffisants.

« Je ne sabrerais pas le champagne. C’est un contexte pandémique qui est exceptionnel. Le portrait [qui sera publié] l’an prochain, celui de 2021, sera plus réaliste et plus juste de nos efforts climatiques », a affirmé Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques chez Équiterre.

L’organisme qu’il représente milite pour que le Québec augmente sa cible de réduction des émissions de GES en 2030 à 65 % sous leur niveau de 1990. La cible actuelle, qui est de 37,5 %, est une « vieille » mesure qui ne répond plus aux connaissances scientifiques sur les changements climatiques, a-t-il dit.

Sabaa Khan, directrice générale pour le Québec et l’Atlantique à la Fondation David Suzuki, partage cet avis. « On sait que 37,5 %, ça ne représente pas la juste part du Québec, considérant qu’on est historiquement au Québec des émetteurs [importants] de GES si on se compare à d’autres pays », a-t-elle affirmé.

« L’an prochain ce sera différent, car le rapport démontre que malgré la pandémie, le Québec demeure un des États dans le monde qui émet le plus de GES. […] On va se le dire, c’est quand même gênant que la seule fois de l’histoire où le Québec a atteint ses objectifs de réduction de GES, c’est parce que le monde entier était sur pause », a également dénoncé Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire.

Un défi dans les transports

M. Nadeau-Dubois a rappelé que « c’est encore et toujours le transport qui est notre talon d’Achille » dans les émissions de GES au Québec. Selon lui, le gouvernement Legault « empire le problème en sous-finançant le transport en commun et en encourageant l’étalement urbain avec des projets comme le 3lien » autoroutier entre Québec et Lévis.

Le ministère de l’Environnement a dévoilé mercredi un nouveau tableau de bord, publié en ligne, qui permet de suivre l’évolution de l’action climatique du gouvernement et l’atteinte de ses cibles de réduction de GES d’ici 2030. À ce jour, le secteur des transports est toujours celui qui pollue le plus au Québec, représentant près de 43 % de l’ensemble des GES émis en 2020. Il est suivi des industries (30,6 %), du secteur agricole (10,6 %), des bâtiments (9,6 %) et des matières résiduelles (6,1 %).

Concernant les véhicules électriques sur les routes, par exemple, le gouvernement calcule avoir atteint, en date du 31 mars 2022, 8,6 % de sa cible pour l’horizon 2030 sur le nombre de véhicules légers électriques qui circulent dans la province. Il calcule aussi avoir atteint 10 % de sa cible du pourcentage de taxis électriques, 3,6 % du pourcentage d’autobus urbains électriques et 3 % du pourcentage d’autobus scolaires électriques.

Pour Joël Arseneau du Parti québécois, la baisse d’achalandage observée dans les transports en commun est un signal d’alarme qui indique que la pollution émise par le secteur des transports n’est pas en diminution. « Ça veut dire que l’automobile en solo a pris beaucoup plus de place [au cours des dernières années]. On va avoir un retour du balancier [dans les prochains bilans] et le gouvernement n’a pas mis des mesures pour aider les sociétés de transport à développer une plus grande attractivité », a-t-il déploré.

« L’amélioration constatée cette année en termes de réduction d’émission de GES ne doit pas nous faire oublier qu’elle découle largement de la réduction de l’activité économique causée par la pandémie de la COVID-19, et qu’elle est donc temporaire. Le travail à effectuer au cours des prochaines années n’a pas diminué, au contraire, le Québec doit redoubler d’efforts », a déclaré pour sa part Désirée McGraw du Parti libéral.