L’avenir des grandes villes passe-t-il par la mise sur pied de zones carboneutres, où le transport collectif et actif prédomine par rapport à la circulation automobile ? Au Royaume-Uni, Londres croit que oui et vient d’étendre sa « ultra-low emission zone » à toute la région métropolitaine. De quoi donner des idées à ceux et celles qui défendent cette idée sur le sol québécois, surtout à Montréal.

« À la fin, la santé publique compte plus que l’opportunisme politique. Cinq millions de personnes supplémentaires vont pouvoir respirer un air plus pur. »

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Le Tower Bridge de Londres. Le gouvernement du Royaume-Uni veut étendre sa « ultra-low emission zone » à toute la région métropolitaine.

Ce sont les propos du maire de Londres, Sadiq Khan, alors que son administration annonçait, à la fin de novembre, que la zone de faibles émissions de gaz à effet de serre (GES) serait élargie à tout le Grand Londres, où vivent 9 millions de personnes. Restreinte au centre de Londres lors de son introduction en 2019, ladite zone avait déjà été considérablement élargie en 2021.

Dans la métropole québécoise, cette idée fait son chemin depuis un moment déjà. L’administration Plante a d’ailleurs clairement exprimé son souhait de créer une « zone zéro émission » au centre-ville d’ici 2030.

« On travaille présentement à étudier les différents scénarios d’implantation. Ultimement, le but serait de faire un premier projet pilote d’ici 2025. Nous collaborons d’ailleurs avec Londres et d’autres métropoles du monde sur cette mesure », affirme l’attachée de presse au cabinet de la mairesse, Marikym Gaudreault.

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L’avenue du Mont-Royal était encore une fois piétonne l’été dernier.

Elle rappelle que « plusieurs paramètres » sont à considérer, « comme les infrastructures déjà en place dans certains secteurs, l’équité sociale de la mesure et l’impact sur les commerçants ». « C’est un travail d’une grande ampleur qui est réalisé en ce moment. [...] On doit bien choisir le secteur et on doit la déployer au bon rythme et au bon moment pour assurer le succès de ce projet », ajoute Mme Gaudreault.

Une occasion… mais aussi des risques

À l’Institut national de la recherche scientifique, la professeure associée Louise Hénault-Ethier, qui est spécialisée en adaptation aux changements climatiques, est convaincue qu’une zone zéro émission ferait beaucoup avancer Montréal.

« On a vu pendant la pandémie à quel point la piétonnisation des rues, par exemple, a finalement été très positive pour les commerçants. Une zone pareille structurerait la ville à échelle encore plus humaine, tout en réduisant son empreinte carbone. C’est une voie à prendre sans hésitation », tranche-t-elle.

Certes, avoue toutefois la professeure, la gestion du changement sera « énorme ». « On parle d’une gigantesque transition. L’idée n’est pas de brusquer les gens. Ça va prendre toute une communication en amont, avec une signalisation fantôme ou des choses comme ça, par exemple », note Mme Hénault-Ethier.

« Il faut préparer l’appropriation citoyenne et commerçante de ces futures zones-là, notamment en les aidant à faciliter l’utilisation de l’espace public. Surtout, il ne faut pas que ce soit vu comme un affront aux automobilistes », persiste-t-elle.

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Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace

Chez Greenpeace, le porte-parole Patrick Bonin salue aussi la volonté d’en faire plus, mais prévient toutefois l’administration Plante de potentielles dérives d’une zone zéro émission au centre-ville. « Ça peut devenir un inconvénient pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter un véhicule moins polluant, et qui se retrouveraient sans solution de rechange pour accéder à leur lieu de travail. Ça va à l’encontre du principe de filet de sécurité sociale », fait-il valoir.

Son groupe privilégie davantage la mise en place au Québec – et d’abord à Montréal – d’un « programme de bonus-malus à l’achat d’un véhicule neuf ». « Ainsi, ceux qui ont les moyens de s’acheter un véhicule neuf feraient face à une mesure d’encouragement ou à une surtaxe pour favoriser l’achat de véhicules écoénergétiques », insiste M. Bonin. « On ne peut pas, du jour au lendemain, arriver avec des mesures comme ça. Une zone zéro émission, c’est bien, mais encore faut-il développer les solutions de rechange autour avant d’y arriver », renchérit le porte-parole.

Québec ne compte pas intervenir

En entrevue avec La Presse, le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, soutient quant à lui que « les municipalités qui souhaitent aller de l’avant avec ce type de réglementation ont la possibilité de le faire », mais qu’elles auront « à aller chercher l’adhésion de leur propre population ».

« Le gouvernement du Québec n’a pas à intervenir et, bien honnêtement, compte tenu de la disparité des réalités municipales, je ne pourrais pas avoir un règlement qui fixe ou qui impose une solution. Les villes ont toute la latitude pour le faire », affirme le ministre.

Celui-ci refuse par ailleurs de se prononcer sur le bien-fondé d’une zone zéro émission. « Je laisse aux élus municipaux la possibilité d’identifier leurs priorités. Si on peut les accompagner, par contre, naturellement, on sera là pour les accompagner », offre-t-il toutefois, en insistant sur le fait que les quelque 1100 municipalités québécoises ont « des réalités chacune très différentes ».

Avec Jean-Thomas Léveillé, La Presse

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