Il serait vain de tenter de sauver la biodiversité sans l’aide des Autochtones, disent des chefs présents à la COP15 qui se déroule actuellement à Montréal.

Jennifer Corpuz, une avocate autochtone des Philippines, dit que les peuples autochtones sont depuis longtemps les meilleurs protecteurs de la nature, mais les autorités les ont exclus de la conservation.

« Si les participants présents ne collaborent pas avec les peuples autochtones, nous ne nous rendrons pas au bout de la route. La gestion autochtone et les gardiens autochtones sont plus efficaces que les aires protégées », soutient Me Corpuz.

Selon elle, il est crucial que tout accord négocié au cours de la COP15 reconnaisse les droits des Autochtones, la notion de territoire traditionnel dans les cibles de conservation et l’accès direct au financement visant à protéger la biodiversité.

« Le sort des peuples autochtones et l’état de la planète sont en jeu », lance Me Corpuz.

Elle mentionne que l’ébauche d’un cadre international sur la biodiversité comprend des éléments de langages sur les droits autochtones.

Toutefois, le souhait des peuples autochtones de voir leurs droits dans leurs territoires traditionnels être reconnus demeure une source de discorde. L’objectif des participants est de protéger 30 % des habitats terrestres et marins d’ici 2030.

Me Corpuz raconte que plusieurs groupes autochtones ont vécu de mauvaises expériences avec les efforts de conservation, lesquels visent à exclure une population à vivre dans une zone donnée.

Elle signale que plusieurs souhaitent s’assurer qu’aucune aire protégée ne sera créée sur leurs territoires sans leur permission et sans qu’ils l’administrent eux-mêmes. Certains demandent de la souplesse : ils veulent que leurs terres soient incluses dans le 30 % sans qu’elles soient expressément désignées.

« Les territoires autochtones existent depuis des milliers d’années. Les Autochtones sont efficaces, alors pourquoi ne pas les reconnaître ? », demande Me Corpuz.

Ronald Brazeau, le directeur par intérim du département des Ressources naturelles de la nation anishnabe de Lac-Simon, en Abitibi-Témiscamingue, conçoit que tous les groupes autochtones ne partagent pas les mêmes intérêts ou les mêmes réalités.

Mais ce qui les unit se résume en un seul mot : « terre ». Vendredi, il s’est joint avec d’autres responsables du Canada, du Brésil et de l’Indonésie, pour réclamer un plus grand apport autochtone dans les efforts de conservation.

M. Brazeau dit que sa communauté peut témoigner des effets des changements climatiques et du recul de la biodiversité. Il croit que les gouvernements ne vont pas assez loin dans le domaine de la conservation de la nature, même dans les zones protégées.

Il déplore que le Québec autorise l’exploitation forestière, même dans certaines aires protégées. Le gouvernement diffère souvent d’opinion avec les Autochtones pour déterminer les territoires qui doivent être protégés.

« Nous voulons une terre où nous pourrons pratiquer nos activités sans la présence d’une entreprise forestière. Une fois qu’une entreprise s’y installe, elle va tout raser », dit celui qui souhaite un taux de conservation supérieur à 30 %.

Les Autochtones sont fort présents à la COP15. Un espace leur a été créé dans le Vieux-Montréal pour accueillir des expositions culturelles et des conférences.

Me Corpuz dit que si les Autochtones présents se réjouissent de pouvoir exposer leurs doléances dans plusieurs endroits, ils ont besoin d’une plus grande visibilité là où les décisions sont finalement prises.

« L’espace qu’ils occupent présentement [à la table des négociations] est très limité. C’est souvent sur des problèmes très, très techniques », déplore-t-elle.

M. Brazeau dit connaître de nombreux Autochtones qui ont décidé de boycotter la COP15 parce qu’ils ne croient pas qu’elle apportera des résultats positifs. Lui-même se déclare sceptique.

Mais il est prêt à participer pour le bien des futures générations.

« Si je ne le fais pas pour notre avenir, qui le fera ? »