Le soleil n’était pas encore levé que des dizaines de manifestants se sont rassemblés à Montréal contre l’ouverture de la COP15 sur la biodiversité et dénoncer « l’hypocrisie » des États qui y participent.

« Bloquons la COP » : plusieurs dizaines de manifestants regroupés derrière une banderole rouge et blanche de la Coalition anticapitaliste et écologiste contre la COP15 ont parcouru le centre-ville de Montréal pendant une bonne partie de la journée mercredi.

Ils se sont rassemblés dès 7 h sur la place d’Armes dans le Vieux-Montréal. Sous un crachin monotone, les manifestants, principalement vêtus de manteaux sombres, de tuques et de masques, ont refusé de parler avec La Presse.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Dans un discours enflammé, un organisateur a qualifié la COP15 « d’écran de fumée » et de moyen de « protéger les riches ». La veille, la Coalition anticapitaliste et écologiste contre la COP15, responsable de l’évènement, avait indiqué dans un communiqué que son but est d’envoyer un message clair : « L’ouverture de la COP15 nous revient. Les États organisent des conventions soi-disant écologistes depuis trop longtemps pour que leur hypocrisie passe encore inaperçue. »

« La pression doit venir de l’extérieur »

En périphérie de la Place d’Armes, deux jeunes participants de la COP15 venus d’Europe, qui ont préféré ne pas s’identifier, ont décidé de participer à la contestation. « La méthode parlementaire est importante, a soutenu l’un d’eux, mais les manifestations sont aussi importantes pour la démocratie. La pression doit venir de l’intérieur [de la COP] et de l’extérieur. »

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Un imposant contingent policier patrouillait dans le secteur.

Le mouvement s’est mis en marche vers l’ouest, entouré d’une imposante présence policière à vélo, à cheval et en voitures de police. « L’eau, l’air et les rivières ont besoin de révolutionnaires ! » et « Le capital détruit la terre, guerre au capital », ont scandé les participants en prenant la rue.

Le groupe a perdu des membres au fur et à mesure qu’il parcourait le Vieux-Montréal. Une fois près du Palais des Congrès, certains manifestants ont revêtu des masques à gaz. La manifestation est toutefois demeurée pacifique. Après avoir fait le tour du quadrilatère où se tient la COP15, les manifestants ont poursuivi leur route vers le Cégep du Vieux Montréal.

Arrivés un peu avant 9 h, les manifestants sont entrés dans l’établissement d’enseignement durant quelques dizaines de minutes pour se réchauffer et prendre un café, laissant leur large banderole à l’entrée. Les policiers attendaient à l’extérieur.

Quelques dizaines de nouveaux manifestants se sont joints à la marche à partir du cégep. « J’aurais aimé voir plus de monde », a confié Emmanuel Cree, militant du Syndicat industriel des travailleurs et travailleuses. « Je pense que c’est important, en tant que syndicaliste, de participer, parce que beaucoup de décideurs, de conglomérats et de gens avec beaucoup d’argents sont regroupés [à la COP15] pour prendre des décisions qui concernent la vie sur terre », a expliqué l’homme de 34 ans.

La population « veut des gestes concrets », dit Plante

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, s’est de son côté adressée aux jeunes manifestants mercredi, lors d’une brève allocution. « Aujourd’hui et au cours des prochains jours, on a différents groupes qui se mobilisent, qui seront dans les rues de Montréal. Des jeunes, des étudiants et membres de la société civile. Pour nous, c’est bon signe. C’est très pertinent de pouvoir se prononcer sur ces enjeux-là », a-t-elle dit lors d’une séance du comité exécutif.

Selon la mairesse, le politique doit surtout entendre, « que l’on soit pour ou contre le format de la COP », que « la population veut des gestes concrets ». « La population est prête pour qu’on aille plus loin », a-t-elle jugé.

Mme Plante promet d’ailleurs des « cadeaux verts » aux Montréalais après la COP15, avec des mesures « très concrètes » qui « vont rester » après la tenue de l’évènement international. La Ville devrait faire plusieurs annonces au cours des prochains jours, a-t-elle clairement évoqué.

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Au passage, elle a félicité le premier ministre François Legault pour le Plan nature de 650 millions qu’il a présenté mardi, et son engagement à protéger 30 % du territoire d’ici 2030. « C’est absolument nécessaire. On n’a pas le temps de niaiser. C’est ça, la réalité, quand il est question de la protection de la biodiversité », a dit la mairesse. « L’élément qui me réjouit particulièrement, c’est que cette volonté de protéger le territoire se fasse dans le sud, là où c’est le plus difficile, mais le plus pertinent. Et ça touche aussi la grande région de Montréal, où on se positionne très bien dans la protection du territoire », a-t-elle encore insisté.

Près de 20 000 étudiants en grève

Après leur arrêt au Cégep du Vieux Montréal, les marcheurs ont recommencé à parcourir les rues du centre-ville sous une pluie continue. Lors de leur passage devant le Palais des congrès, ils ont cheminé devant des participants à la Convention, qui attendaient de pouvoir entrer dans le bâtiment. « Je pense que c’est bien qu’ils manifestent et qu’ils élèvent leurs voix », a affirmé à La Presse Brayden White, un participant à la Convention venu du territoire mohawk d’Akwesasne, situé à cheval entre la Montérégie, l’Ontario et l’État de New York. « Ça oblige à être responsables, parce que pas tout le monde n’est d’accord avec les décisions qui vont être prises. »

Vers 10 h 30, les manifestants se sont regroupés à l’Université du Québec à Montréal où de nouvelles personnes se sont jointes à eux. Sur place, du chocolat chaud et du chili ont été servis à partir d’une camionnette sur laquelle était inscrit People’s Potato. La petite foule rassemblait une centaine d’individus. La troupe s’est ensuite remise en route. En début d’après-midi, des manifestants ont renversé et lancé des cônes oranges près du Palais des congrès. Aucune altercation majeure avec les policiers n’a toutefois été rapportée.

La manifestation s’est terminée vers 14 h quand les manifestants se sont assis à l’angle de la rue Saint-Urbain et de l’avenue du Président-Kennedy pendant une quinzaine de minutes.

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Mardi, la Coalition anticapitaliste et écologiste contre la COP15 avait annoncé des « manifestations de grande ampleur, considérant que plus de 19 500 étudiants seront en grève pour au moins une journée lors de l’ouverture de la COP15 ». Plusieurs autres manifestations sont prévues au courant de la semaine.

Rappelons que plus de 18 000 participants à la COP15 ont été accrédités par le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, dont le siège social est à Montréal. Un record dans l’histoire de ces rencontres internationales qui se tiennent tous les deux ans.

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