La protection de 30 % des aires marines d’ici 2030 – proposition phare débattue à la COP-15 – ne doit pas se faire au détriment des petits pêcheurs. Voilà le cri d’alarme lancé mercredi par des pêcheurs artisanaux et autochtones lors du sommet international sur la biodiversité qui s’est ouvert à Montréal.

« Si on n’est pas assis à la table, on va être sur le menu pour être mangés », a expliqué Felicito Núñez Bernandez, venu porter la voix des pêcheurs de la communauté des Garifunas du Honduras dans un panel portant sur la pêche à petite échelle.

« Nous ne sommes pas contre le 30 % de protection des eaux, on veut savoir ce qu’ils vont offrir aux communautés locales quand ils vont décider de fermer des territoires de pêche. C’est le point sur lequel nous sommes venus nous battre », a-t-il ajouté en marge de la conférence qui comptait parmi ses hôtes le Canada, l’Islande et l’organisme WWF.

Ce dernier précise que les communautés qui subsistent de la pêche se sont souvent senties échaudées par les projets d’aires protégées.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Si on n’est pas assis à la table, on va être sur le menu pour être mangés », a expliqué Felicito Núñez Bernandez.

[Trop fréquemment] les règles sont établies sans le consentement des populations locales.

Felicito Núñez Bernandez

Ce sentiment est partagé par Alfonso Simon Raylan, pêcheur établi dans la région autochtone de Ngöbe-Buglé, au Panama. Il affirme que sa communauté s’est sentie pénalisée par la mise en place d’aires écologiques. « Sur notre territoire, il s’est passé plusieurs choses. Tout ce qu’on nous a promis était des mensonges », a déploré le président du syndicat des travailleurs de la mer Sitramar après avoir écouté le panel.

« De tous les temps, nous, les peuples autochtones, avons vécu dans la tranquillité notre relation avec la nature […] Nous savons comment conserver. Nous ne sommes ni scientifiques ni biologistes, en revanche, nous savons quoi prendre et quoi laisser », a-t-il ajouté.

Le système alimentaire au cœur des débats

La COP15, qui se déroule au Palais des congrès de Montréal, vise à établir un nouveau cadre mondial pour la protection et la restauration de la nature d’ici 2030. L’une des principales mesures débattues est la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030 à l’échelle du globe.

Le système alimentaire est au cœur des discussions. Les 196 pays membres doivent notamment débattre de la cible 18. Elle propose d’éliminer les subventions gouvernementales nuisibles à la biodiversité à hauteur de 500 milliards américains à l’échelle de la planète, en particulier celles destinées aux secteurs de l’agriculture et des pêches, pour les rediriger vers des projets qui respectent la nature. Le texte propose d’ailleurs de prioriser l’implication des peuples autochtones et locaux dans cette démarche.

« L’humanité a besoin de se nourrir. L’ennemi de la biodiversité ce n’est pas nous, ce n’est pas la pêche artisanale, au contraire, la pêche artisanale c’est l’amie de la biodiversité », a affirmé Sandrine Thomas, présidente de l’association des Femmes de la mer en France.

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Sandrine Thomas, présidente de l’association des Femmes de la mer en France

Oui, plus d’aires marines protégées, mais avec les marins pêcheurs artisanaux qui vont pouvoir exercer leur activité.

Sandrine Thomas, présidente de l’association des Femmes de la mer en France

« Le futur que je veux pour mes enfants, ce n’est pas que le littoral soit couvert de stations touristiques ou balnéaires, de manger du saumon d’élevage et que les navires de 120 mètres continuent à exploiter les fonds marins. Je préfère imaginer qu’on est capables de garder toutes ces communautés, ces endroits où toute la vie dépend de la pêche », a-t-elle ajouté.