Un groupe de médecins sonne l’alarme par rapport à la crise climatique et affirme que le système de santé du Canada n’est pas préparé à l’aggravation de ses effets.

Selon la médecin de famille montréalaise Claudel Pétrin-Desrosiers, les changements climatiques sont un « amplificateur de risque » global qui menace la qualité de l’air et l’accès à la nourriture et à l’eau tout en exacerbant les allergies saisonnières et la maladie de Lyme transmise par les tiques.

Finola Hackett, médecin suppléante travaillant dans les communautés rurales du sud de l’Alberta, affirme que le fait d’ignorer les risques de la crise climatique pour la santé « coûterait très cher à long terme », à la fois « en termes de dollars et de vies ».

Les deux médecins estiment qu’agir dès maintenant pourrait sauver des vies.

« C’est suffisamment motivant pour nous inciter à faire le travail », soutient la Dre Pétrin-Desrosiers.

La Dre Hackett et la Dre Pétrin-Desrosiers sont les principales co-autrices d’un compte-rendu sur le Canada publié la semaine dernière aux côtés d’un rapport mondial produit par le « Lancet Countdown on health and climate change », lui-même publié par la revue médicale The Lancet.

Le rapport du Lancet relève les risques du réchauffement climatique pour la santé, citant comme exemple le « dôme de chaleur » qui s’était installé au-dessus de la Colombie-Britannique à l’été 2021.

Le « dôme de chaleur », qui avait causé plus de 600 décès dans la province, aurait été « pratiquement impossible » sans l’influence de la crise climatique, indique le rapport soutenu par des experts.

Le compte-rendu canadien atteste que le système de santé a le potentiel d’atténuer les risques sanitaires liés au climat, mais qu’il est loin d’être prêt, d’autant plus que la pandémie de COVID-19 y ajoute un poids considérable depuis plus de deux ans.

Il prévient également que les vagues de chaleur pourraient augmenter le nombre de visites aux urgences de 10 à 15 %, ce qui mettra à rude épreuve le travail des professionnels de la santé et réduira la qualité des soins.

La Dre Hackett affirme qu’en Alberta, elle observait des patients souffrant d’asthme et de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) lors des périodes de pollution de l’air causée par la fumée des incendies de forêt.

Les deux médecins se disent également préoccupées par les effets des changements climatiques sur la santé mentale, affirmant avoir vu une augmentation des cas de trouble de stress post-traumatique à la suite d’évènements météorologiques extrêmes comme des inondations.

La Dre Pétrin-Desrosiers juge ce phénomène inquiétant, car l’accès aux soins de santé mentale fait déjà défaut, le système public canadien étant aux prises avec de longues listes d’attente.

La propre évaluation de Santé Canada sur le climat et la santé, publiée plus tôt cette année, indique que le réchauffement climatique « affecte déjà la santé des Canadiens » et que sans action concertée, il continuera d’entraîner des blessures, des maladies et des décès.

Un réchauffement plus important entraînera des risques plus importants, mais de nombreux problèmes pourraient être évités « si le Canada intensifie rapidement et considérablement ses efforts d’adaptation », soutient le rapport.

Les liens entre les changements climatiques et la santé sont également au cœur du rapport annuel de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, publié la semaine dernière.

Le rapport indique qu’« une action urgente de santé publique est nécessaire pour se préparer, se protéger et répondre aux impacts actuels et futurs des changements climatiques sur la santé ».

Les rapports de Santé Canada et de Mme Tam soulignent l’importance de faire participer les personnes les plus touchées par les changements climatiques à la planification de l’adaptation, précisant que cette vulnérabilité est souvent liée à d’autres inégalités sociales, comme un faible revenu, un logement inadéquat et une insécurité alimentaire.

De tels rapports, ainsi que certaines mesures provinciales, montrent une certaine prise de conscience des risques pour la santé engendrés par les changements climatiques, reconnaît la Dre Hackett. Elle précise toutefois que lorsqu’il est question de mesures instaurées dans les cliniques, les hôpitaux et les organisations de santé, le Canada n’en est « qu’aux premiers stades ».

Le compte-rendu indique également que les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec avaient pris des mesures pour évaluer les liens entre les changements climatiques et la santé, mais la Dre Hackett affirme que de telles initiatives sont « fragmentées » et manquent de coordination nationale.

De même, la Dre Pétrin-Desrosiers souligne que Santé Canada s’était engagée sur papier à améliorer la résilience du système de santé, mais que cet engagement ne s’est pas encore traduit en action et que le rythme actuel n’est pas suffisant pour préparer le système de santé aux défis à venir.

Le compte-rendu des médecins recommande que les autorités sanitaires provinciales et territoriales entreprennent des analyses de résilience climatique pour identifier les actions prioritaires. Il demande également à Ottawa de créer un secrétariat national « pour coordonner la transformation du système de santé du Canada » en un système résilient aux effets des changements climatiques.

Il suggère aussi que les professionnels de la santé soient formés par rapport aux risques climatiques, et que des plans d’urgence en matière de soins de santé soient mis en place en cas d’évènements météorologiques extrêmes.

Le gouvernement fédéral devrait mettre la dernière main à une stratégie nationale d’adaptation aux changements climatiques d’ici la fin de cette année, la santé et le bien-être faisant partie de l’un des cinq domaines clés.