Le ministère des Transports du Québec (MTQ) devra vraisemblablement retourner à la table à dessin s’il veut mener à bien son projet de prolongement de l’autoroute 25, après s’être buté à la réglementation visant à protéger les espèces menacées.

C’est ce qui ressort d’un ensemble d’avis ministériels rendus publics cette semaine dans le cadre du processus d’évaluation environnementale du projet.

Parmi les nombreux enjeux soulevés par différents ministères appelés à se prononcer sur le projet de prolongement autoroutier, celui du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) ressort plus particulièrement.

Ses fonctionnaires, dont le sous-ministre adjoint au Développement durable et à la qualité de l’environnement, Jacob Martin-Malus, s’inquiètent de le voir traverser deux « écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE), soit ceux de Saint-Alexis et de Saint-Esprit.

En juillet dernier, le MTQ avait dévoilé dans son avis de projet son intention d’empiéter sur des milieux où l’on retrouve pourtant 779 érables noirs, plusieurs centaines de plants d’ail des bois et 100 000 spécimens de cardamine, trois espèces pourtant considérées comme vulnérables au Québec.

Espèces menacées

Or, c’est justement en raison de la présence de cette espèce que le projet pourrait ne pas voir le jour dans sa forme actuelle, puisqu’il ne pourra être autorisé en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables (LEMV), précise le MELCC.

« […] Toute activité qui porterait atteinte à une espèce désignée menacée ou vulnérable, occasionnée par un projet de développement, ne peut faire l’objet d’une autorisation en vertu de la LEMV », prévient-on.

Dans ces circonstances, l’« évitement » des EFE « demeure la seule solution à envisager ». Le MELCC rappelle ensuite que deux projets entraînant la destruction d’érables noirs ont d’ailleurs été refusés dernièrement pour ce motif.

  • Carte tirée d’un recueil d’avis d’experts sollicités dans le cadre de l’évaluation environnementale du projet de prolongement de l’autoroute 25 dans Lanaudière. En vert, les deux « écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE).

    IMAGE FOURNIE PAR LE SITE DU MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT
    ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

    Carte tirée d’un recueil d’avis d’experts sollicités dans le cadre de l’évaluation environnementale du projet de prolongement de l’autoroute 25 dans Lanaudière. En vert, les deux « écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE).

  • Carte tirée d’un recueil d’avis d’experts sollicités dans le cadre de l’évaluation environnementale du projet de prolongement de l’autoroute 25 dans Lanaudière. En vert, les deux « écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE).

    IMAGE FOURNIE PAR LE SITE DU MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT
    ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

    Carte tirée d’un recueil d’avis d’experts sollicités dans le cadre de l’évaluation environnementale du projet de prolongement de l’autoroute 25 dans Lanaudière. En vert, les deux « écosystèmes forestiers exceptionnels » (EFE).

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Joint jeudi, l’avocat au Centre québécois du droit à l’environnement (CQDE) Philippe Biuzzi s’est dit « agréablement surpris » de voir la LEMV appliquée « de façon aussi rigoureuse ».

Par le passé, cette réglementation prévoyait en effet certaines mesures d’exception, dont le déplacement d’une espèce menacée. Or, la « version actualisée » de la loi ne laisse plus de marge de manœuvre à Québec, un aspect mis en relief dans la réponse du MELCC.

« Selon les orientations juridiques actualisées dernièrement par le MELCC à l’égard de l’application de la LEMV, le projet [de prolongement de l’autoroute 25] tel que présenté ne serait pas acceptable », précise d’ailleurs le Ministère.

« Pour moi, ça va nécessiter une modification du tracé, sinon ils n’auront pas l’autorisation », estime Philippe Biuzzi en soulignant la réponse « sans ambiguïté » du MELCC aux fonctionnaires des Transports.

D’autres enjeux

L’absence d’autres tracés envisagés semble également poser problème aux fonctionnaires du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), qui notent de leur côté que cela « constitue en quelque sorte un enjeu ».

« Sur la base des informations fournies par le promoteur, il n’est pas possible d’évaluer si des tracés alternatifs pourraient avoir un impact moins grand sur les deux EFE présents », indiquent-ils dans leur avis. Ils invitent d’ailleurs le promoteur du projet, le MTQ, « à documenter et à transmettre les informations sur les variantes analysées pour ce projet ».

Mais ces deux ministères ne sont pas les seuls à émettre des réserves par rapport au prolongement de l’autoroute 25.

« Le projet aura un impact significatif sur le paysage agricole qui caractérise la zone d’étude, puisque l’emprise traversera des secteurs boisés ainsi que des terres en culture », soulignent, par exemple, les fonctionnaires du ministère de la Culture et des Communications (MCC) qui insiste sur l’importance « de lutter contre l’uniformisation et la banalisation des paysages ».

Une route de « type national »

Le ministère des Transports n’a pas répondu à La Presse jeudi quant à savoir s’il allait envisager de modifier le tracé.

Le projet de prolongement de l’autoroute 25, entre les municipalités de Saint-Esprit et de Sainte-Julienne, dans Lanaudière, doit s’étendre sur 9,12 km.

La route de « type national » que souhaite y construire le MTQ serait constituée de deux voies dans chacune des directions et d’un fossé peu profond entre les deux chaussées. La limite de vitesse serait de 90 km/h. Une piste pour les cyclistes, les véhicules tout-terrain et les motoneiges serait aménagée en bordure de la nouvelle route, explique l’avis de projet.

Le MTQ souhaite réaliser les travaux entre la fin de 2024 et la fin de 2027.

Une version précédente de ce texte attribuait à la municipalité de Sainte-Julienne une citation dont elle n’était pas la source. Nos excuses.