Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, et deux autres ministres du gouvernement Legault se sont retirés de la marche pour le climat, vendredi, devant une foule hostile qui huait les élus.

Au lendemain du débat des chefs, des milliers de personnes ont envahi les rues de Montréal, vendredi, pour manifester « contre le manque d’audace des propositions des partis politiques » face à l’urgence climatique. Un évènement où les politiciens en campagne électorale n’étaient pas tous les bienvenus.

Les manifestants s’étaient donné rendez-vous devant le monument à George-Étienne Cartier, au parc du Mont-Royal. Quelques milliers de personnes ont assisté aux discours des organisateurs, une coalition de syndicats, d’associations étudiantes et de groupes communautaires, avant d’entamer leur marche en direction de la place du Canada. Selon les organisateurs, 15 000 personnes ont participé à la marche.

Le ministre Benoit Charette a donné un point de presse au parc Jeanne-Mance, quelques minutes avant le début officiel de la manifestation. Il était notamment accompagné de Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, et de Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation.

PHOTO ALEXIS AUBIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, a répondu aux questions des journalistes lors de la marche pour le climat, vendredi, à Montréal.

« On a un bilan très intéressant », a soutenu M. Charette. Son allocution a rapidement été perturbée par de nombreux manifestants venus lui dire qu’il n’était pas le bienvenu. Les élus de la CAQ ont ensuite tenté de se joindre à la manifestation, mais ont finalement rebroussé chemin devant l’hostilité de la foule qui les huait.

Un agent de la Sûreté du Québec affecté à la sécurité des élus de la CAQ leur a indiqué que « ce n’était pas une bonne idée de rester ». Les trois ministres ont quitté les lieux sous les « nah nah nah hey hey goodbye ».

Échanges corsés

« Ce n’est pas à moi à dire qui est bienvenu ou pas dans la manifestation, parce que je ne l’ai pas organisée. Mais je comprends les jeunes de ne pas s’être sentis écoutés par François Legault. […] Je mentirais si je disais que je suis surpris de l’accueil que la CAQ a reçu aujourd’hui », a déclaré le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, qui a participé à l’évènement en compagnie de Manon Massé.

Sur Twitter, le ministre Benoit Charette a réagi aux propos du leader solidaire. « Vous avez raté une belle occasion de dénoncer la violence et l’intimidation exprimées à la manifestation pour le climat. Le #PCQ a ses extrémistes. Vous devez admettre que vous avez les vôtres. Tous les gestes de violence et d’intimidation doivent être dénoncés. »

« Je veux que les choses soient bien claires et je veux qu’il n’y ait absolument aucune ambiguïté. Je condamne et Québec solidaire condamne toute forme de violence, d’intimidation ou de menace à l’intégrité physique des personnes. C’est inadmissible en général et c’est inadmissible envers les élus », a déclaré Gabriel Nadeau-Dubois, au cours d’une mêlée de presse où il répondait aux propos de Benoit Charette.

Moi, ce que j’ai vu cet après-midi, ce sont des jeunes […] scander des slogans pour exprimer leur désaccord envers un parti politique, la CAQ. Ça s’est fait pacifiquement, ça s’est fait oralement, et je pense que dans une société où on aime notre liberté d’expression, c’est correct.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

« Si j’étais allé dans une manifestation pour le pétrole, je pense que les gens m’auraient hué. C’est très désagréable, mais ça fait partie d’une société où il y a la liberté d’expression. »

De son côté, après un imbroglio sur sa présence, Dominique Anglade a finalement participé à la marche pour le climat. Questionnée pour savoir pourquoi les manifestants ne lui demandaient pas de partir, Dominique Anglade a réitéré que « la lutte aux changements climatiques, j’y crois. » « Je suis tellement plus crédible. Ils [les élus de la CAQ] n’ont pas l’air de prendre ça au sérieux. »

Revendications et présence d’élus

Dès le départ, les organisateurs de la marche avaient clairement fait savoir qu’ils s’attendaient à ce que les politiciens participant à l’évènement appuient leurs revendications. Ils demandaient qu’ils marchent derrière les manifestants, et non parmi ceux-ci, « en signe d’humilité ».

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

« Quand on marche [dans une manifestation], c’est qu’on appuie les revendications », a expliqué Véronique Laflamme, du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), l’un des groupes qui ont organisé l’évènement. Les organisateurs réclament que le gouvernement du Québec prenne les moyens pour atteindre sa cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.

Si les jeunes étaient très nombreux à y participer, des parents et grands-parents se sont joints aux manifestants. C’est le cas notamment de Françoise David, ancienne solidaire, qui était présente en compagnie de son conjoint et de sa petite-fille âgée de 6 ans.

« Mon fils vit aux Îles-de-la-Madeleine. Avec ce qui se passe en ce moment [l’ouragan Fiona], je suis inquiète », dit-elle. Si l’environnement et les changements climatiques préoccupent davantage les jeunes, Mme David rappelle que beaucoup de parents et de grands-parents se sentent concernés. « On sent que le premier ministre [François Legault] est pas mal déconnecté », ajoute-t-elle.

Le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, n’a pas participé à la manifestation, évoquant un horaire déjà bien rempli. « Je ne participe à aucune manifestation ou à peu près pas sauf celles qu’on organise », a-t-il ajouté. Il propose de donner le feu vert au projet de GNL Québec et d’exploiter les gaz de schiste, une position en porte-à-faux avec les revendications des manifestants.

Avec la collaboration de Fanny Lévesque, de Mylène Crête et d’Hugo Pilon-Larose, La Presse

En savoir plus
  • 37,5 %
    Le Québec a pour cible de réduire de 37,5 % ses émissions de GES d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990.
    Source : Gouvernement du Québec