Les propriétaires d’un vaste domaine bordant le fleuve Saint-Laurent, à Beauharnois, ont obtenu gain de cause au terme d’une bataille judiciaire d’une dizaine d’années contre Elkem Métal Canada, responsable de la contamination aux métaux lourds de leur propriété.

La Cour supérieure a condamné l’entreprise à réhabiliter les sols de la pointe Saint-Louis, un site de 18 hectares qui appartient encore aujourd’hui aux descendants du sénateur Charles-Séraphin Rodier, et à leur verser près de 200 000 $ en dommages-intérêts.

L’exploitation de 1973 à 1991 de l’usine de ferromanganèse et de ferrosilicium Union Carbide, acquise en 1984 par la multinationale norvégienne Elkem, a lourdement contaminé le site voisin de la pointe Saint-Louis.

Québec avait d’ailleurs exigé la restauration de la pointe Saint-Louis et du terrain d’Elkem quelques années après la fermeture de l’usine, en vain.

Le jugement rendu le 2 septembre ordonne maintenant à l’entreprise de réaliser les travaux nécessaires pour abaisser la concentration de manganèse dans le sol sur l’ensemble de la pointe Saint-Louis à 1000 microgrammes par kilogramme (µg/kg).

Le tribunal ordonne aussi le retrait des résidus de fusion massifs (scories) et d’autres résidus de métaux lourds qui ont été dispersés sur une partie de la pointe Saint-Louis ainsi que sur les rives du lac Saint-Louis, que constitue l’élargissement du fleuve à cet endroit.

L’entreprise devra en outre restaurer la flore au terme des travaux de réhabilitation du site.

La Cour donne un peu moins de trois ans à Elkem Métal Canada, qui appartient maintenant à des intérêts chinois, pour réaliser l’ensemble des travaux.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

D’autres terrains contaminés ?

La commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) portant sur le plan de restauration des berges du fleuve Saint-Laurent bordant le terrain de l’ancienne usine, en 2010, avait révélé l’ampleur de la contamination causée par l’entreprise.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Des résidus de métaux lourds contaminent aussi une partie de la pointe Saint-Louis ainsi que les rives du lac Saint-Louis.

On y apprenait notamment que la contamination des sols de la pointe Saint-Louis au manganèse, qui était rejeté dans l’air par l’usine et qui retombait aux alentours, excède par endroits la limite permise même pour un usage industriel.

Un quartier résidentiel avec une école, un centre de la petite enfance et des parcs se trouve aussi à quelques centaines de mètres de là.

Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n’avait pas encore répondu aux questions de La Presse au moment d’écrire ces lignes, notamment sur sa volonté d’échantillonner les sols dans le secteur.

Autorisée à polluer à Saguenay

Le terrain où se trouvait l’ancienne usine d’Elkem à Beauharnois appartient désormais au Groupe Saint-Pierre, qui y avait notamment remorqué le Kathryn Spirit, un cargo en décrépitude dont le démantèlement laborieux a fait couler beaucoup d’encre.

Elkem Métal Canada est en revanche toujours présente à Saguenay, dans l’arrondissement de Chicoutimi, où elle fabrique du ferrosilicium, qui entre dans la fabrication de l’acier et de la fonte, et du silicium métal, qui entre dans la fabrication du silicone, de l’aluminium et de différents produits chimiques utilisés dans les composants électroniques.

Son usine fait d’ailleurs partie de la courte liste des huit établissements industriels que Québec autorise à déroger aux normes environnementales en vigueur.

Il lui est permis de générer une moyenne annuelle de particules fines de 244 microgrammes par mètre cube (µg/m⁠3), soit plus de 8 fois la limite québécoise de 30 µg/m⁠3.

Elle est aussi assujettie à une limite de 456 µg/m⁠3 pour les particules totales, ce qui est près de quatre fois plus que la limite québécoise de 120 µg/m⁠3.

Le président d’Elkem Métal Canada, Jean Villeneuve, a déclaré à La Presse : « Nous avons pris connaissance du jugement et sommes en train de l’analyser attentivement. »

La famille Hone-Bellemare a indiqué réserver ses commentaires jusqu’à l’expiration du délai d’appel, qui est de 30 jours après le jugement.

Lisez notre article de juin 2021 sur le sujet
En savoir plus
  • 1866
    Année de l’acquisition de la pointe Saint-Louis par le sénateur Charles-Séraphin Rodier
    Source : famille Hone-Bellemare