La Fonderie Horne pourrait réduire ses émissions d’arsenic à un niveau qui permettrait d’atteindre une concentration de 20 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3), beaucoup plus près de la norme de 3 ng/m⁠3 que ce que laisse entendre le gouvernement québécois.

Le cabinet du premier ministre François Legault affirmait lundi dernier que l’entreprise avait proposé un seuil de 60 ng/m⁠3 dans la demande de renouvellement de son autorisation ministérielle, déposée en mai ; une proposition que Québec disait avoir rejetée.

Lisez « La Fonderie Horne veut émettre 20 fois plus que la norme »

Or, « les propositions de l’entreprise se retrouvent dans un plan d’action déposé par la fonderie en février 2022 et non dans la demande de renouvellement de l’autorisation ministérielle », a reconnu jeudi le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

La Fonderie Horne a transmis à La Presse le document en question, qui ne fait nullement mention d’un seuil de 60 ng/m⁠3 ; il évoque plutôt « une plage de concentration potentielle » d’arsenic entre 20 et 64 ng/m⁠3.

Ce large écart est attribuable à plusieurs facteurs, explique le document : la précision à « plus ou moins 50 % » du modèle de dispersion atmosphérique, la performance réelle des solutions proposées, les interrelations entre les différentes solutions et la « variabilité » des vents, qui a une influence sur les concentrations mesurées dans l’air.

Les calculs ont été raffinés depuis le dépôt de ce plan et la Fonderie Horne a transmis au gouvernement une proposition révisée à la baisse, qu’elle ne souhaite toutefois pas dévoiler publiquement pour l’instant, a déclaré à La Presse Alexis Segal, porte-parole de l’entreprise.

Le cabinet du ministre de l’Environnement de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, a soutenu jeudi que la limite de 60 ng/m⁠3 « a été évoquée comme moyenne lors des rencontres de travail avec la fonderie ».

Des réductions… d’ici 2027

La Fonderie Horne affirme dans son plan d’action que la réduction de ses émissions pourrait se concrétiser « d’ici 2027 », le temps de mettre en place les solutions proposées.

Cet échéancier correspond à l’expiration prévue de sa prochaine autorisation ministérielle, qui doit théoriquement couvrir la période de 2022 à 2027 — ce document, qui permet de déroger à l’interdiction de polluer prévue dans la Loi sur la qualité de l’environnement, s’appelait auparavant « attestation d’assainissement ».

Outre la réduction des émissions d’arsenic, le plan d’action de l’entreprise détaille la réduction attendue des émissions de dioxyde de soufre (SO2), qui pourrait atteindre 40 %, et des émissions de poussières totales, qui pourrait être de 10 %.

Il ne propose toutefois pas de limite spécifique pour les autres métaux lourds émis par la fonderie, comme le mercure, le nickel, le plomb, l’antimoine, le chrome, le cadmium ou le béryllium.

L’attestation d’assainissement de la fonderie actuellement en vigueur n’impose d’ailleurs pas de limite spécifique pour d’autres métaux que l’arsenic.

Neuf solutions

Le plan d’action de la Fonderie Horne est une exigence prévue à l’attestation d’assainissement de l’entreprise actuellement en vigueur, a précisé à La Presse la porte-parole du MELCC, Sophie Gauthier.

Il détaille neuf solutions proposées par la fonderie pour réduire les concentrations de contaminants qu’elle génère, qui représentent des investissements totaux de 500 millions de dollars.

Du lot, le projet PHENIX présente le plus grand potentiel de réduction des émissions d’arsenic ; ce nouveau procédé, qui réduit le nombre d’étapes requises pour la transformation du cuivre, pourrait à lui seul engendrer une diminution de 10 à 15 % des émissions.

L’aménagement en cours d’une « zone de transition » entre la fonderie et les premières résidences du quartier Notre-Dame devrait se traduire par une réduction de 5 à 10 % des concentrations d’arsenic dans l’air.

C’est que l’acquisition de ces résidences par l’entreprise lui permettra d’éloigner la station « légale » d’échantillonnage de l’air de ses installations, en la déplaçant à la nouvelle limite de sa propriété.

Ce déplacement engendrerait un problème méthodologique, déplore l’avocat Philippe Biuzzi, du Centre québécois du droit de l’environnement.

« Vous ne pourrez plus comparer les données prises à un point A avec les données prises à un point B », explique-t-il.

Parmi les autres propositions de l’entreprise pour réduire ses émissions figurent l’augmentation de l’entreposage intérieur des concentrés qu’elle fond, pour « réduire l’entraînement éolien de poussières », l’asphaltage des voies de circulation et de l’aire de déchargement des concentrés, l’amélioration des dépoussiéreurs en place, ou encore la captation et le traitement de l’air provenant de certains évents de toit.

Qu’est-ce que la norme de 3 ng/m⁠3 ?

La norme de 3 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) est souvent présentée comme la limite permise des émissions d’arsenic d’une entreprise, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une « norme de qualité de l’air ambiant et non d’une norme d’émissions atmosphériques à la source », explique Sophie Gauthier, porte-parole du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, qui précise que ladite norme est tirée du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère. La norme précise donc que la concentration d’arsenic dans l’air aux limites du terrain de la Fonderie Horne ne devrait pas excéder 3 ng/m⁠3, peu importe la quantité d’arsenic émise, mais l’entreprise est autorisée à déroger à cette norme.

En savoir plus
  • 100 ng/m⁠3
    Limite spéciale de concentration d’arsenic dans l’air accordée à la Fonderie Horne, alors que la norme québécoise est de 3 ng/m⁠3
    Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques