(Ottawa ) Le gouvernement Trudeau met 64 millions de dollars sur la table afin d’accueillir à Montréal en décembre la deuxième partie de la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15).

L’espoir de voir le grand rendez-vous sur la biodiversité dans la métropole est donc près de se concrétiser. Cet évènement pourrait attirer entre 12 000 et 15 000 personnes venant de quelque 190 pays – une manne économique importante tandis que les restaurants, les hôtels et l’industrie touristique commencent à se relever de deux ans de pandémie.

Depuis quelques semaines, le gouvernement Trudeau multiplie les démarches en coulisses pour sauver la tenue de cette importante conférence, a appris La Presse de plusieurs sources.

Les travaux de la COP15 ont été lancés à Kunming, en Chine, en octobre 2021, en format hybride, et ils devaient se poursuivre du 25 avril au 8 mai derniers dans cette même ville. Mais ils ont dû être reportés à quatre reprises déjà à cause des mesures de confinement strictes imposées par Pékin pour maîtriser les cas de COVID-19.

En réponse à l’incertitude qui plane sur la conférence en Chine, les Nations unies ont commencé à évaluer d’autres options, rejetant l’idée qu’elle soit de nouveau repoussée.

En mettant de l’argent sonnant sur la table, Ottawa se trouve à répondre à la secrétaire exécutive de la Convention sur la diversité biologique (CDB), Elizabeth Maruma Mrema, qui disait récemment que Montréal pourrait être « l’option par défaut », si « le gouvernement est prêt à en assumer le coût ».

De passage à Montréal il y a une dizaine de jours, elle avait évoqué la possibilité que la métropole prenne le relais de Kunming si la situation sanitaire en Chine ne s’améliorait pas. Elle évaluait alors les chances que Montréal accueille l’évènement « à 8 sur 10 ». La métropole abrite déjà le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique des Nations unies.

Un défi pour le pays hôte

Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, mènent conjointement depuis quelques semaines les efforts du Canada visant à prendre le relais de la Chine dans l’organisation de la COP15 sur la biodiversité.

Le premier ministre Justin Trudeau a donné sa bénédiction à leur démarche, et un budget initial de quelque 64 millions de dollars a été approuvé la semaine dernière pour l’organisation de la conférence, selon nos informations. L’ONU exige que le pays hôte paie les frais liés à l’organisation de la rencontre.

« Le Canada s’engage à soutenir la réussite de la COP15 en 2022, y compris l’adoption d’un ambitieux Cadre mondial pour la biodiversité post-2020. Nous comprenons que le Bureau de la COP15 étudie toujours les options pour l’emplacement de la COP15 en 2022 », a indiqué une source au ministère de l’Environnement.

Le pays hôte d’une telle conférence internationale dispose normalement de deux ans pour l’organiser. Le Canada devra donc mettre résolument les bouchées doubles pour relever le défi d’organiser une telle conférence en quatre ou cinq mois seulement, a-t-on indiqué.

« On essaie de sauver la COP15. Ce n’est pas confirmé à 100 %, mais ça augure bien. Les Chinois ne peuvent pas l’organiser cette année. Il y a eu des tractations pour savoir qui pourrait la récupérer. C’est sûr que ce sera un énorme défi. Il faudra mobiliser tout le monde très rapidement », a indiqué une autre source gouvernementale bien au fait du dossier.

Cibles de conservation ambitieuses et mesurables

Un texte présenté en juillet 2021, qui sert de base aux discussions de la COP15, fixait notamment comme cibles, d’ici 2050, « qu’au moins 30 % des zones terrestres et des zones maritimes […] soient conservées grâce à des systèmes de zones protégées et d’autres mesures de conservation efficaces », ou de limiter les pollutions agricoles ou plastiques. Les pourparlers devaient aussi permettre d’établir un volet financier et des moyens pour suivre les engagements des États.

L’Union européenne a déjà fait savoir qu’elle comptait défendre un cadre « ambitieux, avec des objectifs mesurables et assortis d’échéances, avec des jalons et des cibles pour que tous les écosystèmes mondiaux soient restaurés, résilients et protégés de manière adéquate d’ici 2050 ». La protection « d’au moins 30 % des terres et des océans d’ici 2030 » est notamment évoquée, de même que des processus de contrôle et de financement.

Un rapport publié en 2019 par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui relève de l’ONU, soulignait que plus d’un demi-million d’espèces terrestres ont un habitat insuffisant pour leur survie à long terme. Ces espèces risquent donc de disparaître, à moins que leurs habitats ne soient restaurés.

Plus inquiétant encore, le taux d’extinction des espèces s’accélère, ce qui provoque de graves conséquences sur les populations humaines et risque d’éroder les fondements mêmes de nos économies, la sécurité alimentaire et la santé, avait rappelé le président de l’IPBES, Robert Watson, lors de la publication du rapport.

Avec La Presse Canadienne

Protéger 30 % des terres et des océans

La biodiversité se détériore rapidement dans le monde entier et ce déclin va s’aggraver si rien n’est fait pour freiner son érosion. La Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP15) vise à rallier les gouvernements de 196 pays autour d’un plan commun pour protéger la biodiversité au cours des prochaines décennies. Le texte au cœur des négociations permettrait de protéger 30 % des terres et des océans d’ici à 2030 au niveau mondial, en hausse par rapport aux objectifs de 2020 (17 % de la surface terrestre et 7 % des zones marines et côtières). À l’heure actuelle, cet objectif est soutenu par plus de 90 pays.