Les émissions de gaz à effet de serre du Canada ont baissé de près de 9 % en 2020, première année de la pandémie, montre l’inventaire annuel des émissions du Canada publié jeudi par Ottawa. Celles du Québec ont diminué dans une proportion similaire. Aperçu.

672 millions de tonnes

Le Canada a émis 672 millions de tonnes (Mt) de gaz à effet de serre (GES) en 2020. C’est 66 Mt de moins qu’en 2019, ce qui correspond à une baisse de 8,9 %. Par rapport aux émissions de l’année 2005, la diminution est de 9,3 %. Le Canada s’est engagé à réduire de 40 à 45 % d’ici 2030 ses émissions par rapport à leur niveau de 2005. La baisse observée en 2020 est en grande partie attribuable aux effets de la pandémie de COVID-19, reconnaît Ottawa, qui prévient que les émissions « sont susceptibles de rebondir » avec la reprise de l’activité économique.

Baisse dans les transports

Le secteur des transports est responsable à lui seul de plus du tiers de la baisse des émissions de GES du Canada en 2020, avec une diminution de 26 Mt (12 %). La baisse est particulièrement marquée dans les sous-secteurs du transport routier (22 Mt, soit 14 %) et du transport aérien (3,8 Mt, soit 44 %). Avec des émissions totalisant 190 Mt, le secteur des transports est le deuxième contributeur canadien au réchauffement du climat mondial, derrière le secteur pétrogazier, à 300 Mt, en baisse de 22 Mt (7 %).

Tendance à la baisse

Une première et modeste baisse de 2 Mt avait été observée il y a un an dans l’inventaire des émissions de 2019, avant la pandémie, et Ottawa estime que cette tendance à la baisse se serait poursuivie même sans la pandémie. Le gouvernement fédéral en veut pour preuve la réduction de 7 Mt dans le secteur de la production d’électricité, en raison de l’élimination progressive du charbon en 2020, notamment en Alberta, de même que la chute de 16 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) des émissions de méthane provenant du secteur pétrogazier, soit 24 %.

Les Canadiens demeurent parmi les pires pollueurs

La baisse des émissions totales du Canada a conséquemment entraîné une baisse des émissions par habitant, qui se sont établies à 17,7 tonnes, en 2020, contre 19,6, en 2019. En 2005, les émissions canadiennes par habitant étaient de 23 tonnes. Malgré cette baisse, les Canadiens et les Canadiennes demeurent parmi les pires pollueurs de la planète, avec des émissions par habitant se comparant à celles de l’Arabie saoudite (18,9 tonnes) et des États-Unis (17,7 tonnes), d’après le site de données ouvertes Climate Watch (données de 2018).

Baisse de « l’intensité des émissions »

L’économie canadienne a connu une croissance plus rapide que ses émissions de GES, de 1990 à 2020, indique l’inventaire, qui souligne ainsi une « baisse de l’intensité des émissions » de 39 %. Cette façon de calculer l’empreinte carbone de l’économie consiste à comparer les émissions au produit intérieur brut (PIB). « Autrement dit, le Canada montre au monde comment nous pouvons faire plus tout en polluant moins », a déclaré dans un communiqué le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Baisse similaire au Québec

Les émissions de GES du Québec sont passées de 84 à 76 Mt de 2019 à 2020, montrent les données de l’inventaire fédéral, ce qui équivaut à une baisse de 9,5 %. Le Québec publie son propre inventaire environ huit mois après celui du gouvernement fédéral, avec des résultats généralement similaires. Le Manitoba est la seule province dont les émissions n’ont pas baissé en 2020, stagnant à 22 Mt. L’Ontario est quant à lui passé de 166 à 150 Mt, une baisse de 9,6 %, tandis que l’Alberta est passée de 279 à 256 Mt, une baisse de 8,2 %.

Une baisse « circonstancielle » selon des experts

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

Ce n’est pas aussi optimiste que ça en a l’air parce que les baisses ne sont pas structurelles, elles sont juste circonstancielles. Une bonne partie de la réduction se trouve dans l’exploitation pétrolière, mais elle est liée aussi au fait que le prix du pétrole s’était effondré au début 2020, et on a rattrapé ça depuis quelques mois. [Les émissions vont] rebondir tout de suite.

Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal

Un constat consternant se trouve dans les secteurs agricole et des déchets : il n’y a aucun déclin dans les cinq dernières années, et même une augmentation des GES en agriculture de 2019 à 2020. Ces secteurs qui échappent complètement à la tarification du carbone sont les oubliés de la lutte contre les changements climatiques. Mais à 12 % des émissions du Canada, on ne peut pas se permettre de les oublier.

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques d’Équiterre

Une grande partie de la diminution des GES enregistrée en 2020 est attribuable aux effets de la première année pandémique. Elle ne durera vraisemblablement pas. Si on se fie à presque tous les indicateurs environnementaux, qui sont repartis dans la mauvaise direction en 2021, nos émissions devraient normalement suivre la même tendance, même si on espère le contraire. Quiconque serait donc bien malvenu de se pavaner en brandissant ce résultat.

Émile Boisseau-Bouvier, analyste des politiques climatiques d’Équiterre

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada

Il est particulièrement inquiétant de constater que le pourcentage des émissions en provenance du secteur du pétrole et du gaz est passé de 26 % en 2019 à un nouveau sommet de 27 % en 2020, confirmant par le fait même son titre de secteur le plus polluant au pays. […] Le gouvernement Trudeau ne peut plus approuver de projets pétroliers et gaziers et doit respecter son engagement à plafonner immédiatement les émissions de ce secteur.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace Canada

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre

Les importantes réductions observées dans le secteur des transports en raison de la pandémie sont un exemple probant de ce qu’on peut faire lorsque l’on réduit les distances parcourues et le nombre de véhicules en circulation. Il est possible de repenser notre aménagement du territoire et notre mobilité pour que cette baisse des GES se reproduise et se concrétise à long terme.

Andréanne Brazeau, analyste en mobilité chez Équiterre

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES REUTERS

Kyle Seeback, porte-parole du Parti conservateur en matière d’environnement et de changements climatiques

La seule fois où les émissions ont diminué sous le gouvernement libéral de Trudeau, c’était pendant la pire pandémie du siècle […] La façon dont le gouvernement libéral présente ces réductions involontaires comme une source de fierté prouve son ignorance face à la dévastation économique et aux dommages subis par les Canadiens au cours de la première année de la pandémie.

Kyle Seeback, porte-parole du Parti conservateur en matière d’environnement et de changements climatiques

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Kristina Michaud, porte-parole du Bloc québécois en matière de lutte contre les changements climatiques

Une telle baisse, bien que presque exclusivement attribuable à la pandémie, confirme qu’il est possible de réduire nos émissions de GES, si la volonté y était. Les libéraux doivent toutefois comprendre que ce n’est pas en approuvant de nouveaux projets pétroliers comme Bay du Nord ou en prévoyant une augmentation de la production de pétrole qu’ils parviendront à faire perdurer cette baisse.

Kristina Michaud, porte-parole du Bloc québécois en matière de lutte contre les changements climatiques

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique

Il aura fallu une pandémie mondiale et un arrêt de l’activité économique pour que les libéraux baissent enfin les GES. Ce n’est pas sérieux.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique