(Calgary) Un nouveau crédit d’impôt pour la capture et le stockage du carbone, qui devrait être dévoilé dans le budget fédéral de la semaine prochaine, suscite un débat entre ceux qui disent qu’il aidera le Canada à atteindre ses objectifs de réduction des émissions et ceux qui le considèrent comme une subvention à peine voilée pour l’industrie pétrolière et gazière.

Ottawa devrait annoncer son crédit d’impôt à l’investissement pour la capture du carbone dans le budget fédéral de la semaine prochaine. Même si les détails n’ont pas encore été précisés, le plan de réduction des émissions du gouvernement fédéral, publié mardi, indiquait que l’avancement des projets de capture et de stockage du carbone figurait dans la combinaison de « toutes les voies crédibles » pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050, incluant des scénarios établis par les États-Unis, les Nations unies et l’Agence internationale de l’énergie.

« Nous ne devrions pas voir cela comme une solution miracle. Cela ne devrait pas être le point de départ de notre stratégie sur les changements climatiques », a affirmé le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, lors d’une entrevue le 27 mars. « Mais (la capture du carbone) va être une composante parmi plusieurs autres, et l’un des outils de notre coffre à outils. »

La technologie de capture et de stockage du carbone (CSC) permet de capter les émissions de gaz à effet de serre provenant de sources industrielles et de les stocker profondément dans le sol pour éviter qu’elles ne soient rejetées dans l’atmosphère.

Il s’agit d’une technologie coûteuse qui a mis du temps à se développer, bien qu’elle existe depuis des décennies. Seulement une poignée de projets de CSC sont actuellement exploités au Canada, mais les propositions sont nombreuses, y compris celles d’Enbridge, d’ATCO, de TC Énergie, de Capital Power et de Pembina Pipeline.

En outre, l’Initiative pour des sables bitumineux carboneutres – une alliance de Canadian Natural Resources, Cenovus Energy, ConocoPhillips, la Pétrolière Impériale, MEG Energy et Suncor Énergie – propose la mise en place d’une ligne de transport qui capterait le dioxyde de carbone des installations de sables bitumineux et le transporterait vers une installation de stockage près de Cold Lake, en Alberta.

Ce projet à lui seul pourrait permettre de réduire les émissions d’environ 10 millions de tonnes et pourrait être opérationnel d’ici la fin de la décennie, a fait valoir Mark Cameron, conseiller principal de l’Initiative, qui travaille pour MEG Energy.

Mais il a ajouté que les entreprises avaient besoin de l’aide d’un crédit d’impôt pour rendre le projet économiquement viable.

« Nous sommes en concurrence pour des capitaux internationaux pour ces projets », a souligné M. Cameron. « Et des juridictions comme les États-Unis, comme les Pays-Bas, comme la Norvège, ont des conditions financières très, très généreuses pour la capture et le stockage du carbone. »

Selon l’Institut Pembina, un groupe de réflexion environnemental, la capture et le stockage du carbone provenant des installations de sables bitumineux, des raffineries et des usines à gaz pourraient réduire les émissions du Canada de 15 millions de tonnes d’ici 2030.

Le plan de réduction des émissions déposé par le gouvernement fédéral mardi prévoit que les émissions totales du secteur pétrolier et gazier – y compris la production, le raffinage et le transport par pipelines – diminueront pour atteindre 110 millions de tonnes d’ici 2030, comparativement à 191 millions de tonnes en 2019.

« La capture du carbone joue un rôle important dans la décarbonisation de l’industrie pétrolière et gazière », a estimé Simon Dyer, directeur exécutif adjoint de l’Institut Pembina. « Nous ne connaissons pas encore de détails sur le crédit d’impôt à l’investissement. Mais nous ne nous opposons pas à ce type d’investissements pour, en quelque sorte, relancer cette industrie. »

Une autre forme de subvention

Cependant, d’autres organisations environnementales demandent au gouvernement Trudeau d’abandonner le crédit d’impôt promis. Elles font valoir que le financement de projets de capture et de stockage du carbone n’est qu’une autre façon de subventionner l’industrie pétrolière et gazière.

« Je comprends que le gouvernement subit beaucoup de pression de la part de l’industrie, en particulier du pétrole et du gaz naturel, qui continue d’espérer qu’il existe une sorte de solution technologique qui n’implique pas de réduire la quantité de pétrole et de gaz naturel que nous extrayons », a affirmé Sven Biggs, du groupe Stand. Earth. « Mais jusqu’à présent, la science n’appuie tout simplement pas ce point de vue. »

M. Biggs a expliqué que son organisation préférerait que l’argent fédéral soit consacré à l’avancement des technologies des énergies renouvelables et à la transition des travailleurs du pétrole et du gaz naturel dans les communautés touchées, plutôt que d’offrir un crédit d’impôt aux pétrolières qui engrangent actuellement des profits records en raison des prix élevés des matières premières.

« Accélérer l’électrification des choses, comme notre flotte de camions et de poids lourds, ferait plus pour réduire les émissions et réduire notre dépendance au pétrole et au gaz naturel à long terme », a-t-il fait valoir.