Plaidant la crise climatique et le déclin de la biodiversité, une cinquantaine de groupes de citoyens à l’échelle de la province demandent au gouvernement Legault de mettre sur pause la transformation d’anciens terrains de golf en quartiers résidentiels. Leur conservation est « une occasion à ne pas manquer », affirment-ils.

Moratoire sur les changements de zonage

Dans une lettre transmise le 7 mars à la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, plus de 50 groupes de citoyens demandent au gouvernement d’adopter un moratoire sur le changement de zonage et d’affectation des anciens terrains de golf. « Les crises du climat et de la biodiversité jointes à la pandémie amènent de nouvelles réflexions importantes concernant l’aménagement du territoire. La conservation des anciens golfs devient désormais une occasion à ne pas manquer », écrit Olivier Laforme, président du Comité des citoyens de Laval-Ouest. « Il n’y aura pas de retour en arrière possible si nous permettons la destruction de ces précieux milieux naturels encore végétalisés offrant de nombreux services écosystémiques », ajoute-t-il.

Le golf de moins en moins populaire

Au cours des dernières années, plusieurs clubs de golf ont cessé leurs activités, faute de joueurs pour assurer leur rentabilité. Dans le Grand Montréal seulement, 12 clubs ont fermé boutique depuis 2010, selon une compilation réalisée par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

CARTE FOURNIE PAR LA COMMUNAUTÉ MÉTROPOLITAINE DE MONTRÉAL

Pas moins de 12 clubs de golf ont fermé boutique depuis 2010 dans le Grand Montréal.

Ces 12 terrains occupaient 657 hectares, soit presque trois fois la superficie du parc du Mont-Royal. La plupart de ces fermetures ont fait place à des projets de lotissement résidentiel. Le phénomène n’est pas uniquement régional. Au Canada, 158 clubs de golf ont cessé leurs activités entre 2010 et 2015, alors que 21 nouveaux parcours de 18 trous ont vu le jour.

Très prisés des promoteurs immobiliers

Dans l’arrondissement de Saint-Laurent, le club de golf Le Challenger a cessé ses activités en 2011. Depuis, tout un quartier a été érigé sur une bonne partie des 83 hectares de l’ancien parcours qui était enclavé entre le boulevard Cavendish et la route 117.

  • Club de golf Le Challenger, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, en 2007

    IMAGE TIRÉE DE GOOGLE EARTH

    Club de golf Le Challenger, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, en 2007

  • Quartier érigé à l’emplacement de l’ancien club de golf Le Challenger, en 2020

    IMAGE TIRÉE DE GOOGLE EARTH

    Quartier érigé à l’emplacement de l’ancien club de golf Le Challenger, en 2020

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À Carignan, une partie du club de golf Le Riviera a fait place à un projet de lotissement résidentiel. Plus récemment, une partie du terrain de golf Le Cardinal, à Laval, a été vendu à un promoteur immobilier qui prévoit y construire 700 logements. Dans plusieurs autres municipalités cependant, le sort d’anciens terrains de golf est toujours en suspens. C’est le cas notamment à Rosemère, à Terrebonne et à Chambly.

En attendant la prochaine stratégie sur l’aménagement du territoire

La coalition Les terrains de golf en transition, le Comité des citoyens de Laval-Ouest, Mères au front et plusieurs autres groupes demandent à la ministre Laforest qu’on suspende les changements de zonage et d’affectation des anciens golfs le temps notamment que la nouvelle Stratégie nationale d’urbanisme et d’aménagement des territoires soit adoptée. Les citoyens aimeraient aussi que la Loi sur l’expropriation soit revue afin qu’« il soit possible pour les municipalités d’acquérir les anciens golfs à une juste valeur marchande ». Rien n’indique cependant que la ministre donnera suite à la demande de moratoire. Son attachée de presse, Bénédicte Trottier Lavoie, a indiqué par courriel que « la modification de zonage est une prérogative des conseils municipaux. Ces derniers ont la latitude pour recevoir, ou encore pour refuser, toute modification demandée par un tiers ».

Des élus demandent aussi à Québec d’intervenir

Les groupes de citoyens ne sont pas les seuls par ailleurs à demander une intervention provinciale. La MRC de Thérèse-de-Blainville, dans la couronne nord, vient de décider d’« interpeller le gouvernement du Québec pour une stratégie nationale visant la protection des espaces verts, dont la transition des anciens terrains de golf ». Le conseil des maires a aussi statué qu’il ne donnerait pas suite à la demande de changement d’affectation pour l’ancien golf de Rosemère. Rappelons cependant que le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation a refusé l’automne dernier une première demande en ce sens déposée par la MRC. La Ville de Rosemère a néanmoins rejeté un projet de lotissement soumis par les nouveaux propriétaires de l’ancien terrain de golf. Un regroupement de citoyens de Rosemère demande à la Ville qu’au moins 88,5 % du golf soit transformé en parc.

Règles « strictes » demandées

D’ici 2031, la CMM doit en principe avoir protégé 17 % de son territoire terrestre. Or, la superficie protégée stagne autour de 10 % depuis plusieurs années. Une étude récente de Statistique Canada a d’ailleurs révélé que la majorité des grandes villes canadiennes, dont Montréal, avaient perdu des espaces verts entre 2001 et 2019 au profit de l’urbanisation. Dans leur lettre à la ministre Laforest, les groupes de citoyens signalent que « dans bien des municipalités, les friches commerciales et industrielles disponibles pour le redéveloppement sont amplement suffisantes pour combler les projections démographiques des prochaines décennies. Ces sites doivent être priorisés afin de protéger nos derniers espaces verts. Sans règles strictes pour les préserver, plusieurs municipalités, en quête de nouveaux revenus de taxes, vont permettre la construction sur les anciens golfs avant de considérer d’autres endroits plus propices au développement durable », concluent-ils.

Précision :
Une version précédente de ce texte faisait référence au président du Comité de citoyens de Laval-Ouest, Olivier Delorme. Or, il s’agit plutôt d’Olivier Laforme. Nos excuses.

En savoir plus
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    Sur les 12 clubs de golf qui ont fermé leurs portes depuis 2010, 11 étaient situés dans le périmètre d’urbanisation du Grand Montréal. Selon la Communauté métropolitaine de Montréal, « la plupart des reconversions impliquent du redéveloppement résidentiel ». Par ailleurs, sur les 65 golfs toujours en activité, 30 sont situés dans le périmètre d’urbanisation. 
    Source : Communauté métropolitaine de Montréal
    46 %
    Presque la moitié des clubs de golf toujours en activité en 2017 étaient déficitaires.
    Source : Statistique Canada