Les émissions d’arsenic de la Fonderie Horne, à Rouyn-Noranda, ont augmenté en 2021 par rapport à 2020 et continuent de dépasser largement la norme légale, montrent les données du gouvernement québécois.

Le niveau d’arsenic dans l’air mesuré à la station d’échantillonnage du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), située en face de la fonderie, dans la 6Rue, a été en moyenne de 100 nanogrammes par mètre cube (ng/m3) en 2021.

Il s’agit d’une hausse par rapport à l’année 2020, durant laquelle les émissions avaient été de 69 ng/m3, selon la fonderie, dont les données proviennent de la station d’échantillonnage légale, située aux limites de son terrain – les deux stations d’échantillonnage sont distantes de 4 mètres.

Un pic de 1170 ng/m3 d’arsenic dans l’air a même été enregistré le 22 janvier 2021, à la station de la 6Rue, montrent les données du MELCC, prises tous les trois jours.

Sur 107 journées mesurées en 2021, 39 ont dépassé la moyenne de 69 ng/m3 de 2020.

La quantité d’arsenic dans l’air ne doit pas dépasser 3 ng/m3, selon la norme québécoise, qui est aussi celle de l’Organisation mondiale de la santé – la fonderie est toutefois autorisée à la dépasser parce que cette norme est entrée en vigueur en 2011, bien après le début de ses activités, en 1927.

La fonderie rejette la faute sur les vents

La Fonderie Horne calcule quant à elle que ses émissions de 2021 ont été en moyenne de 87 ng/m3, soit 26 % de plus que les 69 ng/m3 de l’année précédente.

L’entreprise attribue ce résultat « légèrement plus élevé » à une « plus grande proportion de vents vers la station d’échantillonnage légale », a-t-elle affirmé dans un communiqué publié jeudi.

La Fonderie Horne a tenu jeudi une séance d’information à l’intention des médias, à laquelle La Presse n’a pas été conviée et n’a pu assister ; l’entreprise a aussi décliné la demande d’entrevue de La Presse.

« Nos représentants ne sont pas disponibles », a affirmé dans un courriel la porte-parole de la Fonderie Horne, Cindy Caouette, affirmant que seuls les « médias locaux » avaient été conviés à la séance d’information.

La comparaison des résultats de 2021 à la moyenne des cinq dernières années démontre une réduction de 30 % de la quantité d’arsenic dans l’air mesurée à la station légale, souligne la porte-parole, refusant toutefois de divulguer les données de cette station d’échantillonnage, affirmant que cette information « n’est pas d’ordre public ».

« Les résultats présentés aujourd’hui sont encourageants, et nous en sommes satisfaits », a-t-elle indiqué.

Résidants inquiets

Tant les données du Ministère que celles de la Fonderie Horne inquiètent le comité Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda (ARET), qui regroupe des parents et des résidants du quartier Notre-Dame, voisin de l’entreprise.

« On est très loin de la norme », s’exclame Nicole Desgagnés, l’une des responsables du groupe, appelant à « des actions qui soient efficaces pour vrai » pour que la baisse des émissions s’accélère.

Les émissions de la Fonderie Horne démontrent l’inefficacité de son plan d’action pour les réduire, approuvé par Québec, estime le comité ARET.

LISEZ « Contamination à l’arsenic à Rouyn-Noranda : Québec approuve les propositions de la fonderie Horne »

Les parents d’enfants s’inquiètent en outre des émissions mesurées près de l’école du quartier, qui ont été de 24 ng/m3 en 2021, montrent les données du MELCC, avec un pic à 230 ng/m3 le 15 juin.

À 15 nanogrammes, les recherches disent qu’on peut avoir des troubles neurologiques chez les enfants.

Nicole Desgagnés, coresponsable du comité Arrêt des rejets et émissions toxiques de Rouyn-Noranda

Le comité ARET réclame que la fonderie réduise l’utilisation de « concentré complexe », soit le minerai à plus faible teneur en cuivre, qui contient davantage d’arsenic, et fasse preuve d’une plus grande transparence concernant ses intrants.

« Peut-être que leur action n’a pas été efficace, l’année passée, ou peut-être qu’elle a été efficace, mais qu’ils ont utilisé plus de matériaux contaminés, lance Nicole Desgagnés, mais il faut avoir l’information pour le savoir. »

Le groupe de résidants déplore que les mesures de l’arsenic dans l’air soient prises tous les trois jours et montrent une moyenne sur 24 heures, pour un polluant dont la quantité dans l’air peut fluctuer énormément d’une journée à l’autre, d’un moment à l’autre de la journée.

Il voudrait aussi davantage de stations d’échantillonnage, notamment dans des secteurs de la ville qui en sont dépourvus.

Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, s’est dit « évidemment déçu de voir que les émissions de la fonderie Horne ont augmenté en 2021 », affirmant suivre de près l’application du plan d’action de l’entreprise, selon une déclaration transmise par son cabinet.