Tandis qu’une vague de froid balaie le centre et l’est de l’Amérique du Nord, les records de chaleur s’accumulent dans l’hémisphère Sud, de l’Australie à l’Argentine, en passant par l’Uruguay et le Paraguay. La crise climatique n’y est pas étrangère.

Le mercure refuse de descendre, à Perth, en Australie, où la température a dépassé les 40 °C pour la sixième journée de suite, dimanche.

L’été austral est particulièrement chaud, cette année, dans tout l’ouest du pays-continent, où les records tombent les uns après les autres.

Le nombre de jours où la température a dépassé les 40 °C s’élevait déjà à onze, dimanche, du jamais-vu en une année, alors que le mois qui est généralement le plus chaud de l’été, février, n’est pas encore commencé.

À Onslow, un peu plus de 1000 km au nord, la température a grimpé à 50,7 °C, le 13 janvier dernier, fracassant un record de température pour l’État d’Australie-Occidentale et égalant le record absolu pour l’Australie entière, enregistré en 1960 à Oodnadatta, dans l’État d’Australie-Méridionale.

Ce record est d’autant plus étonnant qu’Onslow est une ville côtière, tempérée par la brise océanique, contrairement à Oodnadatta, située dans le cœur aride du pays, a souligné dans un entretien avec La Presse Omar Baddour, chef de la section de la surveillance et des politiques climatiques à l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

PHOTO FOURNIE PAR L’ORGANISATION MÉTÉOROLOGIQUE MONDIALE

Omar Baddour, chef de la section de la surveillance et des politiques climatiques à l’Organisation météorologique mondiale

Cette année, avec une vague de chaleur maritime, la température a grimpé sur la côte. Il y a des endroits où les eaux ont été relativement très chaudes.

Omar Baddour, chef de la section de la surveillance et des politiques climatiques à l’Organisation météorologique mondiale

Amérique du Sud

La chaleur extrême s’abat aussi sur différents pays d’Amérique du Sud, depuis le début de l’été austral.

Les températures ont frôlé leurs maximums historiques, jeudi, à plusieurs endroits au Brésil et en Argentine, où les vagues de chaleur perdurent, dans certains cas depuis plus de deux semaines.

« Ça, c’est assez exceptionnel, la durée de cette vague de chaleur, surtout dans la partie nord de l’Argentine », a déclaré à La Presse Alejandro Di Luca, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), spécialiste des extrêmes climatiques.

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Des Uruguayens profitaient de la rive du Rio de la Plata pendant une vague de chaleur à Montevideo, le 15 janvier dernier.

Plus tôt ce mois-ci, l’Uruguay a égalé un record vieux de 70 ans, le 14 janvier : la température a grimpé à 44 °C à Florida, ville située à une centaine de kilomètres au nord de la capitale, Montevideo.

Le Paraguay a de son côté établi un nouveau record de chaleur le 1er janvier, soit 45,6 °C, enregistré à Sombrero Hovy, dans le nord du pays.

Ces températures extrêmes sont causées par des dômes de chaleur, comme celui responsable du record canadien de 49,6 °C, l’été dernier, à Lytton, en Colombie-Britannique, explique Alejandro Di Luca.

PHOTO FOURNIE PAR ALEJANDRO DI LUCA

Alejandro Di Luca, professeur au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal

Ce sont des anticyclones qui restent bloqués au même endroit plusieurs jours, et c’est ça qui contribue à faire monter la température sans qu’il y ait de changement.

Alejandro Di Luca, spécialiste des extrêmes climatiques

Chaleur normale, fréquence anormale

Les chaleurs extrêmes enregistrées dans l’hémisphère Sud n’ont rien de « surnaturel », observe Omar Baddour, de l’OMM. C’est leur multiplication et leur intensité qui sont hors normes.

PHOTO JORGE SAENZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Des gens se rafraîchissaient dans un ruisseau lors de la vague de chaleur à Paraguari, au Paraguay, le 16 janvier dernier.

« On commence à enregistrer des records non pas dans un seul endroit, mais pratiquement sur tous les continents, où on a des valeurs de presque 50 °C, dit-il. Ce n’est pas tout à fait naturel. »

Il y a une tendance à la hausse de ces extrêmes de température de manière générale. […] On ne peut pas nier l’effet du changement climatique.

Omar Baddour, chef de la section de la surveillance et des politiques climatiques à l’Organisation météorologique mondiale

Les vagues de chaleur surviennent maintenant dans un contexte plus chaud, à cause du réchauffement de la planète, ajoute Alejandro Di Luca.

« Ces vagues de chaleur, qui seraient survenues quand même, sont superposées à un réchauffement général, explique-t-il. On ajoute 1 ou 2 °C, et elles deviennent des vagues de chaleur qui battent des records. »

L’été austral pourrait bien se poursuivre comme il a commencé, soutient Alejandro Di Luca : « On n’est quand même qu’au milieu de l’été. Il y a de fortes chances qu’il y ait d’autres vagues de chaleur. »

Surtout, cet été hors norme risque de se répéter, prévient le professeur.

« Le changement climatique va continuer jusqu’à ce qu’on arrive à la neutralité carbone à l’échelle mondiale, ce qui n’est pas pour demain, dit-il. Ces tendances vont continuer et vont probablement s’exacerber. »

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Furnace Creek, dans la vallée de la Mort, en Californie, en août 2020

Des chaleurs plus extrêmes dans l’hémisphère Nord

Les records de chaleur qu’enregistre l’hémisphère Sud font encore pâle figure à côté de ceux de l’hémisphère Nord. Le record mondial de chaleur sur Terre a été enregistré le 10 juillet 1913 à Furnace Creek (le ruisseau de la fournaise), dans la vallée de la Mort, en Californie ; le mercure avait grimpé à 56,7 °C. L’hémisphère Sud est plus tempéré parce qu’il est dominé par les océans, contrairement à l’hémisphère Nord, explique Omar Baddour, de l’OMM. Il n’y a d’ailleurs pas de corrélation entre le froid qui sévit actuellement au Nord et la chaleur qui afflige le Sud, explique le scientifique. « Il n’y a pas de pénétration des systèmes météorologiques entre le nord et le sud », contrairement au « phénomène d’ondulation est-ouest » qui est parfois observé.

32,5 °C

Température enregistrée à 9 h du matin, dimanche, à Perth

0 mm

Quantité de pluie tombée à Perth pendant le mois, en date du 23 janvier

Source : Bureau de météorologie d’Australie