(Montréal) Devant la montée « irréversible » des eaux et la hausse des tempêtes menaçant les berges et des municipalités, un groupe d’experts appelle le Canada à mieux planifier la protection de ses côtes et à inclure des solutions fondées sur la nature.

Le Centre Intact d’adaptation au climat (CIAC) de l’Université de Waterloo a publié jeudi un guide présentant des actions pour protéger les zones côtières de l’est et de l’ouest contre les inondations et l’érosion « que les changements climatiques rendront de plus en plus fréquentes et importantes ».

Dans l’est, les communautés côtières comprennent notamment les régions de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent ainsi que les provinces des Maritimes. Dans l’ouest, il s’agit des régions situées à l’extrémité de la Colombie-Britannique. Il est estimé que plus de 4,7 millions de Canadiens habitent à 10 km ou moins des côtes, soit 13,5 % de la population totale.

Le rapport, appuyé par le le Conseil canadien des normes, le Conseil national de recherches du Canada et Infrastructure Canada, parle d’une « urgence d’agir » et « presse de préparer les collectivités » avant la venue d’un désastre.

« Ce qu’on voit depuis six ans, c’est qu’on parle d’adaptation climatique quand il y a quelque chose qui se passe, mais après on perd le momentum et on ne prend pas action sur le terrain », soutient la directrice générale aux Infrastructures résilientes au climat du CIAC, Joanna Eyquem.

Le rapport invite le Canada à se doter d’une planification stratégique pour la protection des côtes, comme en Angleterre. Celui-ci a identifié des approches durables pour atténuer les risques d’érosion et d’inondations sur les 20, 50 et 100 prochaines années.

« Sans planification adéquate, le fait d’intervenir pour réduire les inondations ou l’érosion en un endroit précis risque de créer de l’instabilité ailleurs sur la côte et d’entraîner la dégradation d’écosystèmes dont dépendent les populations », signale le guide.

« Travailler avec la nature »

Il est également suggéré de considérer des solutions fondées sur la nature comprenant entre autres la restauration de marais salés, la stabilisation des dunes, la revégétalisation des falaises ou le rechargement des plages.

Ces options « améliorent la biodiversité, la séquestration et le stockage du carbone, le bien-être des populations et l’offre d’activités récréatives », souligne-t-on.

Les mesures naturelles demeurent cependant sous-utilisées au Canada, contrairement aux solutions « grises » telles que les murs de protection, des barrages anti-tempêtes ou des digues.

« Une étude du Conseil national de recherches a démontré qu’il y avait un manque de confiance dans ces méthodes. Le fait qu’il y ait peu d’exemples, ça ne montre pas l’évidence que ça marche », indique Mme Eyquem.

La directrice générale du Conseil canadien des normes, Chantal Guay, estime qu’il faut tenter de « travailler avec la nature » plutôt qu’essayer de « se battre contre » les rivières et les inondations. Un virage essentiel et nécessaire pour le développement durable, selon elle.

« Je pense que c’est le message principal du rapport qui dit qu’il y a des solutions naturelles qui vont nous permettre d’utiliser la sagesse de la nature pour développer des ouvrages qui vont nous protéger et augmenter en même temps la biodiversité, par exemple », soutient Mme Guay.

Le rapport du CIAC cite différents cas où les solutions naturelles ont été adoptées, dont à Percé, en Gaspésie. La municipalité a opté pour la réhabilitation de la plage du littoral de l’Anse du sud pour résister à la mer, au lieu d’un mur de béton.

Le consortium Ouranos avait mené une analyse coûts-avantages qui a recommandé la régénération des berges. Cette étude a permis « de considérer à la fois le coût de réalisation de cette mesure et aussi les impacts indirects, notamment sur la vitalité touristique et l’achalandage du village », explique la cheffe d’équipe en analyses socio-économiques pour l’adaptation aux changements climatiques, Ursule Boyer-Villemaire.

En redonnant accès aux berges, l’analyse a prévu des retombées économiques de plusieurs dizaines de millions de dollars sur les 50 prochaines années.

Selon Mme Boyer-Villemaire, les aménagements fondés sur la nature ont un impact positif sur plusieurs plans : social, économique et environnemental. « Ce sont des solutions qui ont des retombées multiples et qui sont difficiles à chiffrer, mais qui nous apparaissent de plus en plus clairement. Elles ont toutes avantage à être considérées avec autant de sérieux que des solutions technologiques », soutient-elle.

Pour accroître le recours aux solutions vertes, le rapport invite le Canada à se doter de normes nationales fixant les meilleures pratiques et permettant de tenir compte de leurs avantages. Elles pourraient également servir à évaluer la performance des projets.

Le CIAC croit aussi que le secteur privé pourrait être mis à contribution dans le déploiement et le financement de mesures naturelles.

Les solutions « grises » restent toujours pertinentes, mentionne le rapport. Ces mesures et celles basées sur la nature ont chacun leurs bons et mauvais côtés, et peuvent même être combinées dans certains cas.

Outre la protection des côtes, le guide fait également état que d’autres approches sont possible face à la montée des eaux. Il pourrait être nécessaire dans certains cas de relocaliser des bâtiments et des infrastructures ou d’accommoder des installations en surélevant, par exemple, des maisons.

« On ne va pas renverser l’érosion et les inondations. On doit gérer notre utilisation des terrains », affirme Mme Eyquem.