Cette année, des centaines de pancartes des élections fédérales et municipales ont une deuxième vie : direction Louiseville, en Mauricie, où elles séparent des pots de terre entreposés.

« Ils ne font rien avec ça », s’est dit l’horticulteur André Carbonneau en regardant des pancartes de candidats fédéraux, après les élections de septembre dernier. C’est ainsi qu’il a eu l’idée d’utiliser ces morceaux de Coroplast (un polypropylène ondulé, plastique utilisé dans les pancartes électorales) pour séparer les étages de pots de fleurs qu’il cultive. Cela évite que ceux du haut viennent compacter la terre du dessous. Après un appel au député de sa circonscription, Yves Perron, pour lui demander la permission, l’affaire était réglée.

Dans la chaleur de la serre des Jardins André Carbonneau, le propriétaire désigne une pile de pancartes du Bloc québécois qui attendent d’être placées.

Yves-François Blanchet est beaucoup mieux avec un pot de terre dessus que dans un centre de récupération.

André Carbonneau, plaisantant

L’initiative n’est pas partisane : l’horticulteur est preneur de l’ensemble des affiches électorales, tous partis confondus.

En réutilisant ces pancartes, le propriétaire des Jardins André Carbonneau explique faire d’une pierre deux coups : il épargne de l’argent tout en faisant un geste pour la planète. Le fait de préparer ses pots de terre à l’automne, alors que le nombre d’employés est réduit, permet à M. Carbonneau de sauter cette étape au printemps, avec l’équipe agrandie, et commencer plus vite à planter. Ce qui n’est pas négligeable, en raison de la pénurie de main-d’œuvre qui touche sa jardinerie.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Pile de pancartes du Bloc québécois qui attendent d’être placées

Pour faire fleurir sa serre – désormais presque vide, hormis quelques pots de Noël –, André Carbonneau pense réutiliser les pancartes au moins cinq ans d’affilée. « [Justin] Trudeau va faire des élections aux trois ans, s’esclaffe l’horticulteur. Je devrais être bon pour fournir. »

Le fait de récupérer, de réutiliser et de réparer n’est pas nouveau pour M. Carbonneau : son père, qui a ouvert le centre il y a près de 50 ans, avait cette philosophie. « Mon père récupérait les clous », dit en rigolant l’horticulteur.

Croire « aux petits gestes »

Selon M. Carbonneau, toutes les petites jardineries pourraient se servir des pancartes comme il le fait. « En plus, ça ferait juste améliorer leur production », souligne-t-il. Il suffit de prendre le temps de le faire, ajoute l’horticulteur. Outre les jardineries, il existe sans doute d’autres industries qui ont besoin de Coroplast, estime-t-il.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Une deuxième vie se prépare pour ces pancartes.

À la maison, les jardiniers peuvent-ils réutiliser eux aussi les pancartes électorales ? Probablement, avance M. Carbonneau. « Pour les bacs de jardin à la mode, ils peuvent couvrir le contour à l’intérieur de Coroplast pour empêcher le bois de pourrir », suggère-t-il.

Pour M. Carbonneau, prendre soin de la planète se manifeste « dans les petits gestes ».

Une grosse compagnie annonce 12 ans d’avance qu’elle va faire quelque chose. J’aimerais mieux qu’elle fasse quelque chose aujourd’hui.

André Carbonneau

La fin des pancartes

S’il salue le « petit » geste de M. Carbonneau pour récupérer les pancartes, le mieux serait que les politiciens cessent totalement d’en utiliser, estime Maurice Cloutier, professeur à l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Il y a assez d’outils numériques pour s’afficher », fait-il valoir.

M. Cloutier craint que les politiciens se déresponsabilisent en donnant leurs pancartes, plutôt que de changer leurs façons de faire à long terme. Surtout qu’à Montréal, les pancartes électorales sont nombreuses. « Il pourrait y avoir plus de contrôle sur ce plan », estime le professeur.

D’accord pour la fin des pancartes électorales, mais pas tout de suite, fait valoir André Carbonneau. « Donne-moi 12 ans, dit-il. Je ne sais pas si on est rendus là. [Les pancartes] font partie de notre folklore. »