Deux groupes environnementaux demandent à la Cour supérieure du Québec de stopper les travaux de prolongement d’un boulevard à Longueuil qui sont réalisés dans l’habitat essentiel d’une espèce menacée. L’audience est prévue mercredi prochain.

Rappelons que la Ville de Longueuil procède à des travaux pour le prolongement du boulevard Béliveau dans l’arrondissement de Saint-Hubert. Or, ces travaux ont déjà détruit une partie de l’habitat essentiel de la rainette faux-grillon, une espèce menacée dont l’habitat est légalement protégé par la Loi sur les espèces en péril (LEP).

Ces travaux ont été autorisés par Québec en vertu de simples déclarations de conformité, une procédure moins contraignante qu’une demande d’autorisation ministérielle.

Le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et la Société pour la nature et les parcs (SNAP) ont déposé vendredi une demande d’injonction en Cour supérieure afin « d’obtenir la suspension des travaux et activités susceptibles d’altérer l’habitat essentiel de la rainette [faux-grillon de l’Ouest] ».

Le porte-parole de Longueuil, Hans Brouillette, a indiqué que la ville allait attendre d’avoir plus d’informations avant de commenter la nouvelle. La municipalité plaide par ailleurs qu’elle a obtenu l’appui des autorités gouvernementales pour ses travaux, dont un financement de 280 000 $ du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) pour son projet de « corridor faunique ». Le MFFP a cependant émis un avis défavorable au projet par la suite.

Ottawa renvoie la balle à Québec

Dans l’intervalle, le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a demandé à son homologue provincial Benoit Charrette de « mettre en place des mesures de protection et de conservation de l’espèce, en particulier à Longueuil à court terme, et en général au Québec à long terme », a rapporté Le Devoir vendredi.

Selon des informations obtenues par La Presse, dans l’éventualité où Québec ne bougerait pas, Ottawa aurait deux scénarios sur la table : un premier décret pour intervenir à Longueuil, et un deuxième qui aurait une portée plus large pour protéger l’espèce à l’échelle de la province.

La SNAP et le CQDE ont aussi déposé vendredi un recours en Cour fédérale, comme ils s’étaient engagées à le faire la semaine dernière si Jonathan Wilkinson ne recommandait pas l’adoption d’un décret avant le 20 octobre.

Une demande similaire avait été faite en en 2014 par Nature Québec et la SNAP afin de forcer l’ancienne ministre de l’Environnement, Leona Agglukkaq, à recommander un décret pour protéger l’espèce et son habitat à La Prairie, sur la Rive-Sud du Montréal. Par la suite, la Cour fédérale avait sévèrement blâmé l’ancienne ministre conservatrice lui donnant alors six mois pour recommander un décret d’urgence, qui a finalement été adopté par le nouveau gouvernement libéral de Justin Trudeau en 2016.

Par ailleurs, plusieurs documents obtenus par La Presse démontrent que Québec connaissait depuis 2003 l’importance de ce secteur pour la rainette faux-grillon. Dans une lettre datant du 20 mars 2003, le ministère de l’Environnement du Québec écrivait à la Ville de Longueuil qu’il « ne voyait pas d’un bon œil le remblayage des zones humides et la relocalisation des espèces fragiles et menacées ».

Le 14 avril 2003, Québec écrivait à la ville que « compte tenu de l’état d’avancement de votre projet et que les milieux humides seraient enclavés par les prolongements des boulevards Béliveau et Roberval, et malgré tout l’intérêt que présentent ces milieux, nous sommes prêts à accepter de recevoir une demande de l’autorisation en vue de vous permettre de réaliser des travaux dans le secteur indiqué ».

25 %

Selon un récent rapport, moins du quart des populations de rainettes faux-grillon qui subsistent à ce jour « seraient capables de se maintenir à moyen terme si les conditions demeuraient telles quelles ».

Source : ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs