(Ottawa) La plus récente étude annuelle du Lancet sur la santé humaine et les changements climatiques souligne notamment que plus de Canadiens que jamais sont confrontés à de graves risques pour la santé liés aux vagues de chaleur et aux incendies de forêt.

L’étude annuelle Lancet Countdown examine 44 marqueurs des impacts du changement climatique sur la santé humaine à l’échelle mondiale.

L’autrice principale, Marina Romanello, biochimiste à l’Institute for Global Health de Londres, rappelle que bien des gens dans le monde ont souffert cette année de vagues de chaleur intenses, d’inondations mortelles et d’incendies de forêt. Pour elle, il s’agit là de sinistres avertissements qui devraient nous pousser à agir sans tarder.

Au Canada, notent les auteurs, le « dôme de chaleur » qui a recouvert la Colombie-Britannique et certaines parties des Prairies en juin et juillet « aurait été presque impossible sans le changement climatique d’origine humaine ».

Cette vague de chaleur a duré plusieurs semaines et la petite ville de Lytton, en Colombie-Britannique, a été rasée par un incendie, alors que la veille, on y avait enregistré une température de 49,6 °C, un record au Canada.

L’étude du Lancet indique que les vagues de chaleur ont été responsables d’au moins 570 décès au Canada et de centaines d’autres aux États-Unis.

Ces aînés qui meurent de la chaleur

Un peu partout au Canada, le risque de décès chez les personnes âgées dus à la chaleur accablante a augmenté de plus de 50 % au cours des quatre dernières années, comparativement aux années 2000 à 2004, indique le rapport.

L’exposition aux incendies de forêt a augmenté de près de 20 % au cours de cette période, mais pas uniformément : les communautés autochtones courent un risque beaucoup plus élevé. Les Autochtones qui vivent dans une réserve sont 33 fois plus susceptibles d’être forcés d’évacuer en raison d’un incendie de forêt que les personnes vivant hors réserve, selon le rapport du Lancet.

Les auteurs soulignent par ailleurs qu’en 2020, la chaleur a causé la perte de plus de 22 millions d’heures de travail au Canada, nuisant à la fois à la santé humaine et à la productivité.

À l’échelle mondiale, le changement climatique a laissé près de 20 % de la surface émergée de la planète dans une sécheresse extrême en 2020 ; entre 1950 et 1999, cette valeur n’avait jamais dépassé 13 %. L’impact qui en a résulté sur les cultures a entraîné une diminution de 2 à 6 % de la production de riz, de soja, de blé et de maïs.

Un lobbyisme puissant

La docteure Courtney Howard, urgentologue à Yellowknife et ancienne présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement, a participé à la rédaction du « Compte rendu à l’intention du Canada », tiré des conclusions mondiales du Lancet Countdown.

Elle explique que cette année, l’accent a été mis davantage sur la nécessité de s’adapter au fait que le changement climatique n’est pas seulement réel : il cause déjà des torts à la santé humaine. « Alors, comment allons-nous nous sortir de ces vagues de chaleur et de ces épisodes d’incendies de forêt d’une manière aussi saine que possible ? »

Le Compte rendu à l’intention du Canada énonce plusieurs demandes politiques, notamment d’accroître et de préserver les espaces verts dans les centres urbains. On recommande aussi d’établir et de financer adéquatement un nouvel organisme national qui travaillerait « entre les silos » en vue d’élaborer une stratégie nationale globale d’adaptation climatique, « incluant des évaluations du risque et des plans d’adaptation ».

Les auteurs critiquent par ailleurs sévèrement le gouvernement fédéral pour s’être laissé fortement influencer par le lobbyisme de l’industrie pétrolière et gazière. Ils estiment qu’en 2020, première année de la pandémie de COVID-19, les industries des combustibles fossiles et leurs associations ont rencontré des fonctionnaires du gouvernement fédéral à 1224 reprises, « soit plus de 4,5 fois par jour ouvrable ».

Comparativement, les groupes environnementaux ont rencontré des fonctionnaires fédéraux 303 fois — quatre fois moins souvent —, selon le compte rendu. « La politique de transition énergétique doit être élaborée sans cette pression démesurée de l’industrie », concluent les auteurs.

Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, estime que « nous devons non seulement nous adapter rapidement et efficacement, mais amorcer de toute urgence l’abandon des combustibles fossiles ».