(Vancouver) Des centaines de milliers de déchets de microbilles de plastique ont été retrouvés dans les proies des bélugas, prouvant du même coup que ces polluants se rendent jusqu’aux baleines nageant dans les eaux les plus reculées de l’Arctique.

Selon une nouvelle étude publiée dans la revue Science of the Total Environment, les chercheurs se sont intéressés à cinq espèces de poissons présents dans l’Arctique et prisées par les bélugas. Ils ont pu observer que 21 % des poissons analysés avaient ingéré des particules de microplastiques.

La chercheuse principale de l’étude, Rhiannon Moore, déduit ainsi que les microplastiques ont remonté la chaîne alimentaire jusqu’au sommet.

C’est inquiétant parce que le plastique, comme on le sait, est partout et on ne connaît pas vraiment les effets à long terme de la présence de ces divers types de plastique dans ces espèces

Rhiannon Moore, chercheuse principale de l’étude

Mme Moore, qui a récemment terminé une maîtrise en sciences à l’Université Simon Fraser et qui collabore avec la Ville de Victoria dans ses efforts vers le zéro déchet, explique que de nombreux animaux nordiques doivent s’adapter à des changements dans leur environnement.

« Alors, on a des espèces qui vivent les effets des changements climatiques, de l’augmentation du transport maritime, des changements d’habitudes migratoires et de tout autre type. Donc, ce cas-ci n’est qu’un autre impact provoqué par l’homme », fait-elle remarquer.

Les microplastiques sont de minuscules contaminants qui font moins de cinq millimètres.

D’après l’étude en question, près de 80 % des particules retrouvées dans l’estomac des poissons nordiques provenaient de matières textiles et de vêtements. Des particules qui se détacheraient des vêtements pour être évacuées dans les eaux de la lessive.

Des preuves scientifiques démontrent que des bactéries se collent à ces fibres de plastique, ce qui les rend encore plus attirantes pour les poissons qui les ingèrent.

L’étude a documenté la présence de microplastiques dans l’estomac de poissons dans les eaux de la mer de Beaufort, au nord du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et de l’Alaska.

Cette nouvelle étude s’appuie sur de précédents travaux réalisés par les mêmes chercheurs qui s’étaient penchés sur les carcasses de bélugas capturés par des chasseurs de la communauté Inuvialuit de Tuktoyaktuk dans l’ouest de l’arctique canadien. Cette recherche avait estimé que les baleines ingèrent plus de 145 000 particules de microplastiques par année.

La chercheuse Rhiannon Moore affirme que les nouvelles données viennent confirmer que les bélugas absorbent fort probablement ces plastiques à travers leurs proies.

« Alors, avant, on faisait des suppositions et des estimations. Maintenant, on sait vraiment qu’il y a du plastique dans la nourriture des baleines et probablement dans d’autres espèces aussi », résume l’experte.

Par ailleurs, l’étude avance que les profondeurs de l’océan arctique seraient une source potentielle d’accumulation de plastique. Les bélugas plongent à des profondeurs de plus de 1000 mètres et passent beaucoup de temps dans les fonds marins.

« On ne sait pas de quelle manière les changements climatiques vont influencer le comportement des bélugas dans les profondeurs de l’océan ainsi que leur exposition aux déchets microplastiques », mentionne le rapport.

De l’avis du scientifique principal de la Fondation Raincoast Conservation et coauteur de l’étude, Peter Ross, les preuves suggèrent que les microplastiques présents dans l’arctique y sont poussés par les courants marins en provenance de l’Atlantique.

« C’est un autre exemple d’un polluant provenant des zones urbanisées et industrialisées du sud qui remonte rapidement dans l’Arctique », note-t-il en ajoutant que pratiquement toutes les eaux de l’Arctique sont déjà contaminées.

Si la chercheuse Rhiannon Moore n’est pas étonnée des résultats de sa recherche, elle dit toutefois espérer que ses conclusions poussent les gens à réagir afin de freiner la pollution des océans par les billes de microplastique.

« Tout le monde aime les baleines et personne ne veut que les baleines soient menacées. Alors, espérons que cela amène les gens à réfléchir aux choix qu’ils font dans leur vie quotidienne », conclut-elle.