Le Canada et le Québec sont aux premières loges avec un climat qui se réchauffe deux fois plus vite.

La planète se dirige vers un réchauffement moyen de 2,7 degrés d’ici la fin du siècle, un scénario qui pourrait avoir de graves répercussions au Canada et au Québec où le climat se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale.

Dans un rapport dévoilé vendredi, l’Organisation des Nations unies (ONU) a indiqué que les émissions de gaz à effet de serre (GES) vont augmenter de 16 % d’ici 2030. Une trajectoire qui nous conduirait vers un réchauffement « catastrophique » de 2,7 degrés d’ici 2100, très loin de l’objectif de 1,5 degré fixé par l’accord de Paris.

Au Canada, les températures moyennes seront nettement supérieures à 2,7 degrés si la tendance se maintient. Dans le pire des scénarios, elles pourraient grimper jusqu’à 6,3 degrés d’ici la fin du siècle, selon un rapport publié par Environnement Canada en 2019.

À Montréal, par exemple, la température moyenne annuelle augmenterait de 6,7 degrés d’ici 2100 dans un scénario où les émissions de GES demeureraient élevées, estime de son côté le consortium québécois Ouranos.

Les journées où la température sera supérieure à 32 degrés deviendraient pratiquement la norme pendant l’été. Les précipitations annuelles seraient aussi en forte hausse dans la métropole, augmentant les risques d’inondations et les pressions sur le réseau d’aqueduc et d’égouts.

La santé, principale victime des changements climatiques

« Je ne suis pas surprise, mais ça reste très choquant », a lancé la présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, au sujet de ce nouveau rapport de l’ONU.

La situation est choquante, estime-t-elle, parce que les changements climatiques constituent la principale menace à la santé des Canadiens. Un enjeu qui a été complètement occulté pendant cette campagne électorale fédérale, ajoute-t-elle.

« Un réchauffement planétaire de 2,7 degrés, ça va être catastrophique pour la santé de la population. Quelles seront les conséquences sur les prestations de soins de santé ? Aura-t-on assez de ressources ? » La Dre Pétrin-Desrosiers se pose la question quand elle constate à quel point le réseau de la santé peine à faire face à l’actuelle pandémie.

Un rapport de l’Institut canadien pour les choix climatiques dévoilé en juin sonnait d’ailleurs l’alarme sur les conséquences appréhendées sur la santé des Canadiens, invitant les décideurs à investir davantage dans l’adaptation et non seulement dans la lutte contre les changements climatiques.

À deux jours du scrutin fédéral, le responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, Patrick Bonin, estime de son côté que ce nouveau rapport montre l’urgence de mettre de côté la partisanerie des partis politiques à Ottawa sur la question des changements climatiques. « On se dirige fort probablement vers un gouvernement minoritaire et les partis devront collaborer. »

Aucun des quatre principaux partis au Canada ne propose des cibles suffisamment ambitieuses et des plans crédibles [pour réduire nos émissions]. Comme pays riche, le Canada a une énorme responsabilité et il doit devenir un leader.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada

La question de la responsabilité des grandes économies en matière de climat fait d’ailleurs partie des tensions récurrentes sur la scène diplomatique, tout comme la question de l’aide financière. Les pays du Nord se sont engagés en 2009 à porter à 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 l’assistance climat aux pays du Sud. Selon les chiffres de l’OCDE publiés vendredi, cette aide n’atteignait en 2019 que 79,6 milliards.

Comme jouer à Jenga

À l’image du jeu Jenga, où les participants doivent tour à tour retirer un bloc sans que la tour s’effondre, Claudel Pétrin-Desrosiers se demande pendant combien de temps les dirigeants pourront se permettre de proposer des mesures insuffisantes.

Pour elle, chaque occasion manquée est en quelque sorte un bloc qu’on retire du jeu. « Nous nous dirigeons vers un monde que nous ne sommes pas capables de définir. Nous serons dans un scénario où il faudra constamment réagir avec peu de temps pour le faire. »

Consultez le site du consortium québécois Ouranos Consultez le rapport Les coûts des changements climatiques pour la santé de l’Institut canadien pour les choix climatiques

Mauvaise direction

Le rapport de l’ONU a évalué les engagements nationaux de 191 pays qui ont été soumis en date du 30 juillet. Les émissions de 113 d’entre eux, qui ont soumis de nouvelles cibles, seraient réduites de 12 % pour ces nations qui représentent 49 % des émissions mondiales de GES. Le hic, c’est que les émissions globales augmenteraient néanmoins de 16 % d’ici 2030 par rapport à 2010 si l’on tient compte des 78 autres pays qui n’ont pas adopté de nouvelles cibles. Selon la responsable climat de l’ONU Patricia Espinosa, « les chiffres des émissions de gaz à effet de serre vont dans la mauvaise direction ». Elle dit espérer de nouveaux engagements d’ici la prochaine conférence internationale sur le climat, la COP26, prévue au début du mois de novembre.

Les coûts du réchauffement

246 milliards

Coûts de santé annuels au Canada en 2100 liés à la hausse du smog urbain.

102 %

Le taux d’hospitalisation lié à la chaleur pourrait augmenter de 102 % au Canada d’ici 2100.

14,9 milliards

Pertes annuelles estimées de productivité liées à la chaleur d’ici 2100 au Canada.

Source : Institut canadien pour les choix climatiques

Ils ont dit :

L’échec à respecter cet objectif se mesurera à l’aune du nombre de morts et de moyens de subsistance détruits.

António Guterres, secrétaire général des Nations unies

Nous devons agir, nous tous, nous devons agir maintenant.

Le président américain Joe Biden au début d’un sommet virtuel avec neuf dirigeants étrangers.

Il est plus que temps qu’ils [les pays du G20] soient à la hauteur et qu’ils traitent cette crise comme une crise.

Sonam P. Wangdi, président du groupe des pays en développement