Ni cercueil, ni urne, ni même pierre tombale ; le repos éternel à l’impact écologique quasi nul est maintenant possible.

Ce sont des arbres qui serviront de sépulture aux défunts dans le tout nouveau Boisé du souvenir, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, sur le mont Royal, à Montréal.

« Il y a une certaine clientèle qui aimerait avoir des méthodes d’inhumation qui soient plus écologiques, plus respectueuses de l’environnement », explique la contremaîtresse Lamia Baniyahya.

Le cimetière a envisagé et testé différentes façons de réduire l’empreinte écologique de ses méthodes d’inhumation, mais ce n’était pas suffisant, dit-elle.

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Lamia Baniyahya, contremaîtresse au cimetière Notre-Dame-des-Neiges

Là, ça va répondre aux besoins de ces clients-là.

Lamia Baniyahya, contremaîtresse au cimetière Notre-Dame-des-Neiges

Sans outils mécaniques

L’idée était de réduire les « efforts mécaniques » requis pour une inhumation, explique le directeur des opérations, Alain Dussault.

L’enterrement d’un cercueil nécessite une excavatrice, un camion, un véhicule pour transporter les travailleurs et l’équipement, et ce, avant et après la cérémonie, illustre-t-il.

« C’est énormément d’énergie qu’on dépense », dit-il, ajoutant que même l’enfouissement d’une urne exige un équipement mécanique.

Dans le Boisé du souvenir, les cendres des morts seront placées dans un contenant biodégradable, dans un trou peu profond creusé à la pelle, dans lequel on ajoutera un peu de compost avant de planter un arbre au-dessus.

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Le directeur des opérations du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Alain Dussault

Pas de pépine, pas de tracteur, pas d’essence, rien de ça.

Alain Dussault, directeur des opérations du cimetière Notre-Dame-des-Neiges

Seul le « jeton de crémation » de la taille d’un médaillon pour chien et affichant les informations sur la personne incinérée n’est pas biodégradable.

« Tu ne peux pas avoir moins que ça », assure Alain Dussault.

Augmenter la biodiversité

Choisir un arbre plutôt qu’une pierre tombale contribuera aussi à améliorer la biodiversité des lieux, indique Lamia Baniyahya.

Même si le cimetière compte déjà 12 300 arbres.

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Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, sur le mont Royal, à Montréal

« Ce n’est jamais perdu d’avoir un arbre de plus », dit-elle, évoquant la nourriture pour les insectes et les oiseaux, de même que l’oxygène qu’ils produisent, alors qu’un urubu à tête rouge survole les lieux, attiré par la grande population de marmottes qui habitent le secteur.

Le mont Royal, c’est le poumon de Montréal. Rajouter des arbres, ça rajoute des bienfaits.

Lamia Baniyahya, du cimetière Notre-Dame-des-Neiges

Une première inhumation a eu lieu à la mi-juillet : la défunte, d’origine sud-américaine, a opté pour un érable à sucre, symbolisant la terre d’accueil que le Canada fut pour elle, raconte Alain Dussault.

Ce sont d’ailleurs des espèces indigènes qui composeront le Boisé du souvenir.

Seule une stèle avec les noms des personnes inhumées et un numéro indiquant l’emplacement de leur arbre est installée sur le site.

« On bétonne moins la montagne », explique Alain Dussault.

Le cimetière s’engage d’ailleurs à remplacer tout arbre qui mourrait, comme il le fait déjà pour l’ensemble de ses arbres.

Impact positif

Le simple fait de renoncer à une pierre tombale fait une différence sur l’impact écologique d’une inhumation, observe François Saunier, analyste au Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG).

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Les cendres des défunts seront placées dans un contenant biodégradable, dans un trou peu profond creusé à la pelle.

« Le fait de devoir extraire la pierre de la carrière, de la mettre en forme, de la transporter jusqu’au cimetière, ça a un impact environnemental ; donc si on l’évite, c’est sûr qu’on va améliorer la situation », dit-il.

Ça me paraît effectivement une direction dans laquelle aller pour revoir une pratique millénaire qu’on pourrait faire autrement.

François Saunier, du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services

L’ingénieur en génie chimique souligne cependant que l’inhumation n’est pas ce qui a le plus grand impact environnemental lors d’un décès.

« Toutes les cérémonies autour de la mort ont quasiment plus d’impact que de juste disposer du corps en tant que tel », explique-t-il.

Plus de 2000 arbres

Les 15 premiers espaces du Boisé du souvenir rendus disponibles, sur la centaine que comptera la première phase, ont déjà tous été réservés.

Le site, situé sur la grande plaine qui longe le chemin cérémonial, face à l’oratoire Saint-Joseph, peut cependant en accueillir beaucoup plus.

« C’est plus de 2000 arbres qu’on pourrait mettre », affirme Alain Dussault.

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Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges a cessé de couper le gazon sur la grande plaine qui jouxte le nouveau Boisé du souvenir. Des plantes indigènes seront semées l’an prochain pour transformer cet espace en « zone de restauration écologique ».

En attendant, le cimetière a une autre idée « verte » pour cet espace : il le transformera en « zone de restauration écologique » en retirant le gazon pour semer une douzaine de plantes indigènes – des tests sont en cours pour déterminer les choix exacts.

Cette idée, réalisée avec les autres grands propriétaires institutionnels du mont Royal, comme l’Université de Montréal, a pour objectif de rehausser les habitats et la biodiversité de la montagne.

Lamia Baniyahya souligne qu’au-delà de son apport écologique, ce nouveau couvre-sol qui ne nécessitera ni coupe ni entretien sera « beaucoup plus intéressant esthétiquement » qu’une immense plaine gazonnée.