Pourquoi s’éreinter année après année à arracher l’herbe à poux, ou à utiliser des herbicides, quand on peut laisser des plantes nous en débarrasser ?

De grandes monardes mauves, des bouquets d’échinacées et de rudbeckies, ou encore quelques plants d’asclépiades parsèment les fosses de plantation qui bordent la 5Avenue, dans Rosemont–La Petite-Patrie, à Montréal.

Pourtant, il y a deux ans à peine, c’est l’herbe à poux qui dominait le paysage, ici.

Plutôt que de simplement l’arracher, ce qu’il faut invariablement recommencer année après année, l’arrondissement a opté pour l’implantation d’un « couvert végétal compétitif » afin de combattre la plante qui fait éternuer 1 Québécois sur 10.

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Mélissa Larochelle, agente de recherche en développement durable à l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie

« Si tu fais juste arracher, les graines sont encore dans le sol [et la plante va repousser], ça ne sert à rien », explique Mélissa Larochelle, agente de recherche en développement durable à l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

Car même si elle est une plante annuelle, l’herbe à poux renaît chaque année grâce aux quelque 3000 graines que chaque plant peut produire… et qui peuvent survivre dans le sol pendant 40 ans.

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L’herbe à poux est la plus importante cause d’allergies saisonnières dans le nord-est de l’Amérique du Nord.

De sa floraison vers la mi-juillet jusqu’au gel automnal, un seul plant produit des millions de grains de pollen, ce qui fait de cette plante la plus importante cause d’allergies saisonnières dans le nord-est de l’Amérique du Nord.

En plantant des végétaux qui vont empêcher l’herbe à poux de repousser, en prenant racine avant elle, en accaparant la lumière, on donne ainsi « un coup de pouce à la nature », dit Mélissa Larochelle.

« Le but, c’est de l’empêcher d’avoir la luminosité qu’il faut pour germer », résume Camille Lamontagne-Bluteau, coordonnatrice en verdissement à la Coopérative Miel Montréal, qui participe au projet de l’arrondissement.

100 km de rues

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Nature-Action Québec a aidé à cartographier les secteurs à prioriser, à partir des signalements d’herbe à poux faits par la population.

Rosemont–La Petite-Patrie est intervenu sur 75 km de rues en deux ans avec la méthode du couvert végétal compétitif, un projet pour lequel l’arrondissement a obtenu une subvention du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Quelque 3000 végétaux sont ainsi montés au front contre l’herbe à poux.

L’organisation Nature-Action Québec a poussé à la roue pour cartographier les secteurs à prioriser, à partir des signalements d’herbe à poux faits par la population, et Miel Montréal a conseillé l’arrondissement pour le choix des plantes.

Tant qu’à planter, créons donc de l’habitat pour les pollinisateurs !

Mélissa Larochelle, arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie

D’ailleurs, une partie des interventions ont été réalisées par Miel Montréal, tandis que d’autres l’ont été par des citoyens et citoyennes.

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Ce projet de lutte contre l’herbe à poux a été couronné d’un prix du Conseil régional de l’environnement de Montréal, au printemps dernier.

L’arrondissement prévoit intervenir sur 25 km de rues supplémentaires l’an prochain en remettant une cinquantaine de trousses de 60 plants à des citoyens pour poursuivre cette bataille contre l’herbe à poux, qui a d’ailleurs été couronnée d’un prix du Conseil régional de l’environnement de Montréal, au printemps dernier.

L’idée est d’aider les plantes vivaces, que la fragmentation des espaces verts empêche de se multiplier, à occuper les espaces de prédilection de l’herbe à poux que sont les zones sans couvert végétal, fortement piétinées, ou encore les grandes friches sans entretien, expliquent Mélissa Larochelle et Camille Lamontagne-Bluteau.

Nombreux avantages

Les plantes choisies pour faire partie de cette escouade végétale sont toutes indigènes – c’est-à-dire qu’on les retrouve naturellement ici – et, comme l’herbe à poux avec qui elles rivalisent, résistent aux conditions difficiles.

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Camille Lamontagne-Bluteau, coordonnatrice en verdissement à la Coopérative Miel Montréal

« Elles sont adaptées à des climats un peu plus secs, plus arides, des sols pauvres, elles sont aussi résistantes à toutes les perturbations », explique Camille Lamontagne-Bluteau.

Elle note que leur implantation a d’ailleurs pour effet d’améliorer la qualité des sols, ce qui contribue à augmenter leur capacité d’absorption de l’eau.

Ces plantes indigènes sont aussi particulièrement prisées des pollinisateurs sauvages du Québec, qui ont une meilleure capacité de pollinisation que les abeilles d’élevage et sont « indispensables à certains de nos végétaux », ajoute-t-elle.

On trouve par exemple au Québec 350 espèces différentes d’abeilles sauvages, dont 175 sont répertoriées dans l’île de Montréal, sans même compter les papillons, coléoptères et autres pollinisateurs, illustre Camille Lamontagne-Bluteau.

La stratégie du couvert végétal compétitif s’est avérée très efficace, autant dans les fosses entretenues par Miel Montréal que dans celles prises en charge par les citoyens, affirment l’organisme et l’arrondissement.

« Avec un faible entretien et un amendement vraiment de base, juste du compost, les végétaux réussissent à bien s’implanter et à bien survivre à l’hiver », constate Camille Lamontagne-Bluteau.

Cette simplicité est un avantage considérable, explique Mélissa Larochelle, puisque l’arrondissement souhaite que le projet soit « totalement transférable aux citoyens éventuellement ».