Le gouvernement Legault permettra par décret l’agrandissement du lieu d’enfouissement technique (LET) de Saint-Nicéphore, à Drummondville, contournant un jugement de la Cour supérieure du Québec et allant à l’encontre de la volonté de la Ville et des citoyens.

Une « zone d’intervention spéciale » sera créée à cette fin, indique le projet de décret publié mercredi dans la Gazette officielle du Québec.

Elle permettra « l’aménagement et la poursuite de l’exploitation [du LET] sur certains lots situés sur le territoire de la Ville de Drummondville » pour y enfouir jusqu’à 430 000 tonnes de matières résiduelles par année pour une durée maximale de 10 ans.

La Cour supérieure avait pourtant donné raison à Drummondville, l’hiver dernier, en jugeant que la Ville n’avait pas l’obligation de modifier son règlement de zonage pour permettre l’agrandissement du LET que Québec avait autorisé l’automne précédent.

Le projet avait aussi été rejeté par la population lors d’un référendum, en 2013.

Québec justifie la nécessité de forcer l’agrandissement par décret pour préserver « la salubrité publique » et par la « gravité » de la situation, alors que le LET de Drummondville devrait atteindre sa capacité maximale à la fin de l’été.

Le gouvernement affirme « qu’il n’est pas possible d’acheminer l’ensemble des matières résiduelles présentement éliminées dans le [LET] de Saint-Nicéphore vers d’autres lieux d’enfouissement technique ».

« Triste jour pour la démocratie »

Autoriser « unilatéralement » l’agrandissement du site d’enfouissement est « irrespectueux », déplore Isabelle Melançon, députée de Verdun et porte-parole libérale en matière d’environnement.

« C’est une décision qui va à l’encontre de la municipalité, de la MRC, des citoyens et qui vient contourner une décision du tribunal », a-t-elle déclaré à La Presse.

« C’est un triste jour pour la démocratie », renchérit le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard.

C’est quoi tes recours, après, en tant que citoyen ?

Karel Ménard

La décision de Québec est d’autant plus « illogique et incompréhensible » qu’elle intervient au moment où se déroule la commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) sur la gestion des résidus ultimes, déplorent Isabelle Melançon et Karel Ménard.

« On n’attend pas les conclusions pour avoir une vue d’ensemble, on y va à la pièce », s’insurge la députée.

La Ville « surprise »

Drummondville s’est dite « surprise » du projet de décret, qu’elle a qualifié d’« atteinte à l’autonomie des municipalités », a-t-elle indiqué dans un communiqué.

La Ville « examine les différentes options qui s’offrent à elle ainsi qu’à la MRC de Drummond », ajoute le texte, qui affirme que le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, sera à Drummondville jeudi pour y rencontrer les élus municipaux.

Le cabinet du ministre n’a pas voulu confirmer ou infirmer cette information et n’avait pas répondu aux questions de La Presse au sujet du décret au moment d’écrire ces lignes.

L’entreprise Waste Management, propriétaire du site d’enfouissement, a déclaré à La Presse qu’elle souhaitait obtenir des clarifications de Québec au sujet de « la portée du décret et surtout sa mécanique opérationnelle » avant de faire des commentaires.

« C’est quelque chose [qui ne nous] est pas familier », a indiqué son directeur des affaires publiques au Québec, Martin Dussault.