Le Québec s’éloigne de ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre. Les données les plus récentes publiées lundi démontrent que la hausse des émissions a été plus importante que prévu en 2017, surpassant largement la faible réduction enregistrée en 2018. Et le ministre de l’Environnement ne prévoit pas de baisse significative à court terme.

Stagnation

Le Québec a généré 80,6 millions de tonnes (Mt) d’équivalent dioxyde de carbone (CO2), en 2018, une baisse de 0,1 % par rapport à l’année précédente. C’est ce que révèle l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’année 2018, publié lundi, qui constitue les plus récentes données provinciales disponibles. « Les émissions stagnent alors qu’elles devraient diminuer », a commenté Patrick Bonin, responsable de la campagne climat-énergie de Greenpeace Canada. « La science dit qu’il faut réduire de 7,6 % par année d’ici 2030 », a-t-il précisé. Québec reconnaît que cette diminution n’est pas « significative ».

Révision à la hausse

L’élément le plus marquant de l’inventaire 2018 concerne en fait l’année 2017, dont les émissions ont été revues à la hausse pour s’établir à 80,7 Mt, plutôt que les 78,6 Mt estimées dans l’inventaire précédent. Cela correspond à une augmentation de 2,6 % par rapport à celles de 2016, « soit l’une des plus fortes hausses observées dans le temps », reconnaît Québec. Par conséquent, le Québec s’éloigne de sa cible de réduction, puisque la diminution de ses émissions s’établit maintenant à 6 % par rapport à celles de 1990. Les secteurs des industries, des déchets et du chauffage des bâtiments ont contribué à cette baisse.

Défi « colossal »

Malgré cette révision à la hausse des émissions de 2017, Québec garde le cap sur sa cible de réduction de 37,5 % d’ici 2030, a déclaré dans un entretien avec La Presse le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette. Il y voit la confirmation que « c’est la bonne cible », puisqu’il serait difficile d’avoir un objectif plus ambitieux. « Si on était à - 20 % aujourd’hui comme on devait l’être [selon la cible du gouvernement libéral précédent], on aurait très certainement pu envisager de rehausser notre cible », a-t-il déclaré, ajoutant que « la marche est d’autant plus haute ».

Hausse dans les transports

C’est essentiellement le secteur des transports qui freine la réduction des émissions de GES du Québec, révèle l’inventaire 2018. La hausse y a été de 0,29 Mt (+ 0,8 %) en 2018, dont plus de la moitié est attribuable au transport routier. « C’est énorme », lance la professeure Annie Chaloux, spécialiste des politiques climatiques canadiennes et québécoises à l’Université de Sherbrooke. « Ça nous montre que les gens n’ont pas changé leurs habitudes de déplacement », dit-elle. Les secteurs de l’agriculture et de l’électricité ont aussi enregistré des hausses de leurs émissions en 2018, de l’ordre de 0,06 Mt (0,8 %) et 0,02 Mt (9 %) respectivement.

Stratégie inchangée

Québec doit passer de la carotte au bâton pour inverser la courbe des émissions du secteur des transports, affirment Annie Chaloux et Patrick Bonin, évoquant notamment une surtaxe sur les véhicules énergivores. Le ministre Charette rejette l’idée : « On demeure fermes dans notre croyance, il ne faut pas à ce moment-ci décourager le citoyen. » D’autres mesures d’écofiscalité existent déjà, comme la Bourse du carbone qui a un impact sur le prix de l’essence, justifie-t-il. Mais cette « méthode indirecte » a ses limites, croit Annie Chaloux. « Si, dès l’achat, les gens comprennent qu’il y a un coût, ils vont aller vers les véhicules moins énergivores ou le transport collectif », dit-elle.

Pas de baisse rapide

Les émissions de GES du Québec devraient continuer à stagner quelques années, prévient le ministre Charette, qui ne s’attend pas « à ce que les chiffres de 2019 et 2020 soient plus encourageants ». Les hausses sont toutefois chose du passé, croit-il, notamment parce que le Québec a maintenant « rattrapé la tendance nord-américaine » aux gros véhicules. Il assure par ailleurs que son plan vert annoncé récemment aura un impact « très rapidement » et se traduira par « une baisse assez significative de nos émissions ». Mais puisque les données prennent deux ans à être calculées, ce n’est qu’à partir de 2022 qu’on le saura.

Comment calcule-t-on une tonne de GES ?

Différents gaz contribuent au réchauffement climatique, mais à des degrés qui varient, en raison de leur durée de vie et de leur potentiel de rétention de chaleur. Le calcul des émissions de gaz à effet de serre utilise le dioxyde de carbone (CO2) comme gaz de référence. Les émissions des autres gaz, comme le méthane (CH4) ou l’oxyde nitreux (N2O), sont converties mathématiquement pour s’équivaloir. C’est pourquoi les émissions de GES se comptent en « millions de tonnes en équivalent dioxyde de carbone », abrégé Mt éq. CO2.