Pour que les glaciers de l’Antarctique cessent de fondre, il ne suffira pas que la température de la Terre soit stabilisée. Il faudrait pour cela qu’elle devienne encore plus froide qu’elle ne l’était avant la révolution industrielle.

« L’Antarctique reçoit davantage de neige avec les changements climatiques, mais au total, sa masse de glace diminue parce que les océans se réchauffent et minent les ancrages des glaciers sur le sol », explique Anders Levermann, de l’Institut de Potsdam, en Allemagne, qui est l’un des coauteurs de l’étude publiée mercredi dans la revue Nature. « C’est un processus irréversible, même si les émissions de gaz à effet de serre cessent d’augmenter et que la température se stabilise. Il y aura une perte de masse de glace antarctique, avec une fonte dans les décennies et les siècles à venir. »

Si la température mondiale cessait magiquement d’augmenter aujourd’hui, de la glace antarctique fondrait encore jusqu’à ce que le niveau de la mer augmente de près de 1,5 mètre par rapport à l’ère préindustrielle. Pour contrer cette fonte des glaciers antarctiques, il faudrait diminuer la température mondiale de 2 °C, soit un degré en dessous de la moyenne du début de l’ère industrielle, en 1750. Si la hausse de la température mondiale se stabilise à 2 °C par rapport à la moyenne de 1750, la fonte de la glace antarctique fera augmenter le niveau de la mer de deux mètres ; pour contrer cette augmentation de deux mètres du niveau de la mer, il faudrait diminuer la température moyenne mondiale de 3 °C sous celle de 1750.

PHOTO FOURNIE PAR L’INSTITUT DE POTSDAM

On appelle cet effet l’hystérèse. C’est la même chose qui se produit quand on magnétise un métal. Quand on enlève l’aimant, le métal reste magnétique.

Anders Levermann, climatologue allemand

Les climatologues allemands ont modélisé la hausse du niveau de la mer lié à la fonte de la glace antarctique pour les quatre scénarios d’évolution du climat du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU. Le pire scénario (RCP 8,5), qui prévoit que les progrès dans les énergies renouvelables cessent complètement, que la consommation de charbon explose et que les pays pauvres restent pauvres et continuent une croissance démographique exponentielle, mènerait à une augmentation du niveau de la mer de sept mètres, seulement à cause de la fonte des glaciers antarctiques.

« Nous avons modélisé jusqu’à 12 °C d’augmentation de température parce que c’est ce qui arrivera si on brûle tout le charbon qui est disponible dans les sols », dit M. Levermann.

Petit Âge glaciaire

Durant le Petit Âge glaciaire, du XIVe siècle au milieu du XVIIIe siècle, les températures mondiales étaient plus basses à cause d’une combinaison de facteurs encore mal compris. Au XVIIIe siècle, ce refroidissement a été accentué par un « grand minimum solaire », avec des températures de 0,3 à 0,4 °C plus basses qu’au début de la révolution industrielle, selon une étude publiée en 2001 dans la revue Science par des chercheurs de la NASA. Dans l’Atlantique Nord, cette baisse temporaire du mercure a été de trois à cinq fois plus forte en hiver, ce qui a fait geler plusieurs cours d’eau et suscité des tableaux de scènes d’hiver de Brueghel.

PHOTO TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Chasseurs dans la neige, de Pieter Brueghel l’Ancien, 1565

L’étude de Science de 2001 montrait que le « grand minimum solaire » de la Renaissance a un impact six fois moins grand que les émissions humaines de gaz à effet de serre. Si le phénomène se reproduit, il ne pourrait donc contrer les changements climatiques actuels.

Les chercheurs de Potsdam veulent maintenant se pencher sur des modélisations plus locales de chaque glacier antarctique et sur la durée de leur fonte. « On parle de millénaires, mais combien exactement, et qu’est-ce qui se passera dans les prochaines décennies ? », dit M. Levermann.

Le niveau de la mer en chiffres

• 21 cm

Augmentation du niveau de la mer depuis 1900

• 0,25 mm

Contribution annuelle, en moyenne, de l’Antarctique à la hausse du niveau de la mer entre 1993 et 2005

• 0,42 mm

Contribution annuelle, en moyenne, de l’Antarctique à la hausse du niveau de la mer de 2005 à 2015

Source : NASA