Que diriez-vous d’être enterré dans un « cercueil vivant » après votre mort ? Un cercueil qui permettrait à votre corps de se décomposer rapidement, tout en enrichissant le sol ?

Farfelu ? Non. Cet étrange cercueil existe bel et bien. Il a été créé par Bob Hendrikx, un Néerlandais de 26 ans, en collaboration avec des chercheurs de l’Université de technologie de Delft et du musée d’histoire naturelle Naturalis.

Le 12 septembre, le corps d’une personne morte a été enterré pour la toute première fois dans un cercueil de ce type, baptisé Cocon vivant, à La Haye, aux Pays-Bas. Composé de fibres de mycélium, un champignon qui pousse normalement sous terre, ce cercueil contribue au processus de compostage. « Nourrissez la terre avec vos propres nutriments et devenez une source précieuse pour une nouvelle vie », peut-on lire sur le site de Loop, l’entreprise en démarrage fondée par M. Hendrikx.

PHOTO FOURNIE PAR LOOP

Le cercueil est composé de fibres de mycélium.

À ce jour, 10 cercueils de mycélium ont été fabriqués par Loop. Prix ? Environ 1250 euros (1950 $). Alors qu’un cercueil traditionnel peut mettre autour de 10 ans pour se décomposer, le Cocon vivant sera absorbé dans le sol au bout d’un mois, avant de se désintégrer entièrement après deux ou trois ans.

Pourra-t-on se le procurer au Québec ?

« Oui, donnez-moi un an, s’il vous plaît ! Nous sommes en plein essor », nous a répondu Bob Hendrikx par courriel.

Le processus de production nécessite plusieurs semaines : le mycélium est cultivé en forme de boîte, puis séché naturellement, ce qui interrompt sa croissance. Lorsqu’il est mis sous terre, le mycélium reprend vie et le processus de compostage se déclenche. « Ce n’est pas un produit, mais un organisme », assure M. Hendrikx.

On pourrait croire qu’un contenant fait à partir de champignons n’est pas très solide. Mais même s’il est léger, il peut supporter jusqu’à 200 kg.

De l’avis de Julia Duchastel, vice-présidente de la maison funéraire Alfred Dallaire Memoria, cette pratique funéraire est beaucoup plus écologique que la crémation, qui est de loin l’option la plus populaire, mais pas la plus verte, quand vient le temps de disposer du corps d’un défunt, au Québec. Plus de 70 % des Québécois choisissent en effet la crémation.

C’est vraiment l’idée la plus écologique, la moins interventionniste, celle qui dégage le moins de gaz à effet de serre, qui a le moins d’empreinte et d’impact. Le corps humain va être composté comme quand un animal meurt dans la nature et disparaît rapidement.

Julia Duchastel, vice-présidente de la maison funéraire Alfred Dallaire Memoria

Mais encore faut-il que ce soit permis ici, ce qui n’est pas certain. Mme Duchastel se demande même si les cimetières le permettraient. La loi québécoise sur les inhumations et les exhumations précise qu’il faut un contenant rigide pour enterrer le corps d’une personne décédée. Le cercueil vivant est-il assez rigide ?

« Dès qu’on est dans quelque chose d’un peu décomposable, ce n’est même pas sûr que le nouveau cadre législatif le permettrait », explique-t-elle.

Par ailleurs, les familles qui optent pour un enterrement plutôt qu’une crémation veulent généralement se recueillir devant la dépouille de leur proche avant que le cercueil ne soit mis en terre. La loi québécoise oblige d’embaumer le corps pour qu’il soit exposé. Mais pour accélérer la décomposition dans un contenant en mycélium, le corps ne doit pas être embaumé.

PHOTO RAFAEL WILLITTS, FOURNIE PAR ALFRED DALLAIRE MEMORIA

L’urne de glace permet la dispersion en douceur des cendres sur l’eau.

En attendant, il existe d’autres produits écologiques pour disposer d’une dépouille. Alfred Dallaire Memoria propose une urne de glace pour la dispersion des cendres sur l’eau, de même qu’une urne biodégradable qui permet de planter un arbre pour faire honneur à l’être cher. Il y a aussi des cercueils faits au Québec avec du bois récolté de façon durable, du tissu non traité et aucune pièce en métal. On propose même des cortèges funèbres en Tesla !

De son côté, Éric Le Sieur, président du Complexe funéraire Le Sieur, à Granby, offre depuis cinq ans l’aquamation, qui consiste à plonger le corps dans une solution alcaline chaude pour dissoudre les chairs. Les os sont ensuite recueillis et réduits en poussière. Ce procédé requiert beaucoup moins d’énergie que la crémation et ne produit pas de gaz à effet de serre. « On est les seuls, présentement, qui font quelque chose qui ne pollue pas », affirme-t-il.

M. Le Sieur ajoute que les gens qui optent pour l’aquamation, tout comme pour la crémation, choisissent ces procédés parce qu’ils ne veulent surtout pas être « mangés par des vers ».

« Nous, dans le fond, on fait la même chose que le procédé à base de champignons, mais dans l’eau chaude alcaline, la décomposition du corps est encore plus rapide », dit-il.