(Ottawa) La militante écologiste Greta Thunberg exhorte les pays insulaires en développement à se servir de la prochaine élection au Conseil de sécurité des Nations Unies comme un levier pour pousser le Canada et la Norvège à intensifier leurs efforts contre le réchauffement planétaire.

L’adolescente suédoise figure parmi les militants pour le climat les plus reconnus sur la scène internationale, depuis que son mouvement de grève scolaire est devenu un phénomène d’envergure mondiale l’an dernier.

La jeune fille de 17 ans est la principale signataire de la lettre adressée aux ambassadeurs de petits États insulaires aux Nations unies. La missive reproche au Canada et à la Norvège de lancer des paroles en l’air à propos de la lutte contre les changements climatiques, tout en restant fermement engagés à accroître leur production de combustibles fossiles et à subventionner les pétrolières.

Trois autres jeunes militants et 22 climatologues ont également signé la lettre, dont Eddy Carmack, un scientifique de Pêches et Océans Canada qui a récemment pris sa retraite et qui a été décoré l’Ordre du Canada pour ses travaux sur les changements climatiques.

Ils demandent aux ambassadeurs à l’ONU de soulever ces questions auprès du Canada et de la Norvège et d’exiger qu’ils « s’unissent derrière la science », ne s’engagent dans aucun nouveau projet d’exploration ou de production pétrolière et gazière et cessent progressivement leurs activités dans cette industrie.

Le Canada est en compétition avec la Norvège et l’Irlande pour les deux sièges qui seront en jeu la semaine prochaine au Conseil de sécurité. Le premier ministre Justin Trudeau a consacré beaucoup de capital politique à l’obtention d’une place au sein de ce prestigieux organe des Nations unies.

Puisque la plupart des pays européens devraient se ranger derrière leurs voisins du Vieux Continent, le Canada a lancé une opération séduction auprès de pays d’Afrique, d’Asie et des Caraïbes, y compris la plupart des pays insulaires visés par la lettre de mercredi. Depuis le mois de février, Justin Trudeau s’est lui-même entretenu ou est allé directement à la rencontre des dirigeants de près du tiers de ces nations.

La Norvège et le Canada ont tous deux des économies fondées sur l’industrie pétrolière et gazière. L’Irlande produit pour sa part très peu de combustibles fossiles et s’est engagée l’an dernier à carrément mettre fin à l’exploration pétrolière et gazière.

Greta Thunberg a d’abord exprimé son mécontentement à l’égard des politiques climatiques du Canada lors d’un face-à-face avec Justin Trudeau à l’automne dernier. Elle était de passage à Montréal à l’occasion de la grève mondiale pour le climat du 27 septembre, qui a vu des centaines de milliers de Canadiens descendre dans la rue.

Les signataires de la lettre de mercredi soulignent que le Canada est loin d’atteindre ses cibles de l’accord de Paris sur le climat. Parmi les 20 pays les plus riches du monde, le Canada est le deuxième plus important fournisseur de subventions aux combustibles fossiles, affirment-ils, et l’aide financière d’urgence débloquée dans le cadre de la pandémie de COVID-19 vient potentiellement offrir des milliards de dollars supplémentaires en prêts à cette industrie.

Si Ottawa souhaitait sérieusement mettre en œuvre l’accord de Paris, il maintiendrait son interdiction d’extraire du pétrole et du gaz dans l’Arctique, annulerait les projets d’oléoducs Trans Mountain et Keystone XL et couperait toutes les subventions à l’industrie pétrolière et gazière, peut-on lire dans la lettre, qui reconnaît néanmoins que le gouvernement canadien a promis de faire des changements climatiques un thème récurrent des discussions du Conseil de sécurité de l’ONU.

Une porte-parole du ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a déclaré que le Canada s’est engagé à éliminer les subventions aux énergies fossiles d’ici 2025 et a contribué 2 milliard à la lutte contre les changements climatiques à l’international, dont un fonds de 60 millions pour les énergies renouvables dans les pays insulaires en développement.

Moira Kelly a rappelé que les engagements du Canada comprennent également l’enchâssement dans la loi de la cible de carboneutralité d’ici 2050.

Cette promesse électorale, de même que les cibles quinquennales de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ne se matérialiseront sans doute pas de sitôt, a récemment admis le ministre Wilkinson en raison de délais liés à la crise sanitaire.

Le plan climatique national donnera néanmoins lieu à « la plus grande réduction d’émissions dans l’histoire canadienne », a ajouté Mme Kelly.