Des chercheurs américains ont remarqué que la partie immergée d’un glacier en Alaska fondait de 10 à 100 fois plus vite que prévu, des travaux qui remettent en question le suivi de la fonte de ces géants des mers.

Pour la première fois, des scientifiques ont mesuré le taux de fonte sous-marine d’un glacier de marée, ce mur de glace qui avance dans l’océan. Les chercheurs de l’Université de l’Oregon et de l’Université Rutgers ont étudié le glacier LeConte, dans le sud de l’Alaska. Auparavant, les études sur ce genre de glacier étaient fondées sur des modèles théoriques.

Ces modèles n’avaient jamais été validés sur le terrain, puisque la prise de mesures près de ces glaciers est dangereuse. « Des morceaux de glace se détachent fréquemment, alors on ne peut pas s’approcher en bateau », explique Rebecca Jackson, océanographe à l’Université Rutgers et coauteure de l’étude.

Utiliser les ondes sonores

Pour contourner le problème d’accès aux glaciers de marée, les chercheurs américains ont recyclé une vieille technologie : le sonar. L’appareil est généralement utilisé pour étudier les fonds marins, mais des chercheurs ont décidé de le mettre de côté plutôt que vers le bas.

PHOTO DAVID SUTHERLAND, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ DE L’OREGON

Depuis un bateau de pêche, l’équipe de chercheurs a pris des images du glacier LeConte à six reprises en août 2016 et à cinq reprises en mai 2017. 

« Certaines études montrent ainsi la forme des glaciers sous l’eau. Nous avons poussé plus loin en prenant des mesures répétées pour voir l’évolution de la glace dans le temps », explique la chercheuse. Depuis un bateau de pêche, l’équipe a pris des images du glacier à six reprises en août 2016 et à cinq reprises en mai 2017. Les chercheurs ont publié leurs observations dans la revue Science.

Une fonte plus généralisée

Deux types de fonte se produisent dans les glaciers : la fonte ambiante et la fonte induite par les rejets. Cette dernière survient lorsque la glace sur le haut du glacier fond et descend à travers la structure. L’eau douce ressort ensuite sous le glacier. Moins dense que l’eau salée, elle remonte jusqu’à la surface de l’océan. Ce mouvement modifie le courant océanique et augmente le taux de fonte sur une petite surface du glacier.

En théorie, on s’attendait à des taux de fonte élevés aux endroits où l’eau douce remonte et à des taux beaucoup plus faibles ailleurs. Finalement, la fonte est relativement rapide sur toute la surface du glacier.

L’océanographe Rebecca Jackson

En moyenne, le taux observé est 10 fois plus élevé que ce qui était attendu. « Dans certaines régions du glacier, ça montait même à 100 fois », ajoute-t-elle.

Revoir la théorie

La plupart des études sur les interactions entre la glace et l’océan se concentrent sur la fonte de rejet. La fonte ambiante est souvent négligée, mais ce serait peut-être à tort. « D’autres courants que celui induit par les rejets doivent influencer le taux de fonte du glacier pour qu’il soit élevé sur toute la surface, sinon ce serait localisé », avance Rebecca Jackson.

La chercheuse considère leurs observations comme un pas dans la bonne direction, mais plusieurs questions demeurent sans réponse. « Nous espérons que notre étude va encourager d’autres chercheurs à utiliser la méthode du sonar pour mesurer le taux de fonte ailleurs dans le monde. Nous pourrons ainsi mieux comprendre la mécanique des glaciers et améliorer nos prédictions dans une optique de changements climatiques. »