Les chefs de partis Jean Charest (PLQ), Pauline Marois (PQ), François Legault (CAQ) et Françoise David (QS) ont participé dimanche soir traditionnel débat des chefs.

Le débat en résumé

22h22: «J'ai besoin de vous», dit Charest

Jean Charest a conclu son débat en lançant un cri du coeur aux Québécois.

« J'ai besoin de vous le 4 septembre prochain, a lancé le chef libéral pour clore sa déclaration finale. J'ai besoin de tous les Québécois pour que nous puissions mettre l'accent sur la bonne priorité et continuer à faire progresser le Québec. »

M. Charest a profité de son temps de parole pour mettre les électeurs en garde contre ses adversaires, qu'il accuse de fomenter « de la chicane ».

Le Parti québécois cherche avant tout à provoquer un référendum et des accrochages avec Ottawa, a-t-il affirmé. Quant à la Coalition avenir Québec de François Legault, son programme de compressions mènera à un affrontement avec les syndicats.

Pauline Marois s'est pour sa part présentée comme une première ministre en attente, mettant de l'avant son expérience au gouvernement et la force de ses convictions. »

« On a vu ce soir M. Legault s'inscrire dans la continuité que M. Charest, adopter ses mêmes politiques fédéralistes, renoncer à ses convictions. Vous savez, il y a une autre façon de faire. »

Le chef de la CAQ, François Legault, s'est présenté comme le seul à pouvoir enrayer la corruption qui s'est « infiltrée » au gouvernement sous les libéraux, selon lui.

« Pour la première fois, les gens vont avoir l'opportunité de voter pour un nouveau parti, a-t-il affirmé. Ils n'auront pas le choix entre la corruption et le référendum. Ils vont pouvoir voter pour un vrai changement. »

« Le printemps érable nous a montré ce qu'un peuple peut accomplir, forcer la tenue d'une élection précipitée, a pour sa part déclaré la co-chef de Québec Solidaire, Françoise David. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin. »

22h17: la question nationale

Accusés autant par Pauline Marois que Jean Charest d'avoir subitement fait volte-face sur la question nationale, François Legault s'est retrouvé sur la défensive. L'heure n'est plus à la « chicane entre souverainistes et fédéralistes », a-t-il répliqué.

« Ça fait 30 ans qu'on est divisé sur la question nationale. Il faut un gouvernement nationaliste », a-t-il plaidé. « On n'a pas besoin d'une chicane. On ne fera jamais la promotion de la souveraineté. »

Jean Charest a cependant insisté sur les années que M. Legault a passées à défendre la souveraineté. « Vous avez été le plus agressif des souverainistes, vous disiez que c'était urgent. Vous avez défendu ça pendant 40 ans et en 4 secondes vous changez d'idée », a-t-il lancé.

« Comme beaucoup de Québécois, j'ai cheminé. La priorité, c'est de relancer le Québec », a répondu M. Legault. Il a accusé Jean Charest d'avoir « trahi l'héritage » des Lesage et Bourassa au sujet de la défense de la langue.

Pauline Marois a reproché à François Legault d'aborder bien peu souvent le sujet de la langue. « C'est la première fois qu'il en parle ! », a-t-elle tonné.

Pour M. Legault, « on n'a pas besoin d'être souverainiste pour être amoureux de notre langue et de notre culture ». « Vous n'avez pas le monopole là-dessus », a-t-il insisté.

Dans un échange avec Françoise David, il a plaidé que « personne ne réclame un référendum sur le terrain. Je ne vois personne se battre dans les autobus pour ça ».

Du tac au tac, la porte-parole de Québec solidaire a répliqué : « je prends beaucoup l'autobus, et je ne vois pas de bataille ».

Sur le thème de l'identité, Jean Charest a connu un moment difficile, alors qu'il a refusé de condamner le maire de Saguenay, Jean Tremblay, pour ses propos controversés sur la candidate péquiste Djemila Benhabib. Pauline Marois l'a talonné à ce sujet.

21h52: Legault au coeur des échanges sur la santé

François Legault s'est retrouvé au coeur des échanges portant sur les politiques sociales, lorsque sa promesse de fournir à chaque Québécois un médecin de famille a été dénoncée en choeur par ses rivaux. Un segment dans lequel Françoise David a connu ses meilleurs moments du débat.

S'il est élu, François Legault se donne un an pour que chaque Québécois puisse être suivi par un médecin de famille. Pour y parvenir, il souhaite mieux payer les omnipraticiens et forcer certains d'entre eux à accepter davantage de patients.

« Oui, si on organise bien nos affaires, en 12 mois, chaque Québécois va avoir son médecin de famille et j'ai la meilleure personne, la plus déterminée pour faire ça, c'est le Dr Barrette. »

Pauline Marois et Jean Charest ont tiré à boulets rouges sur cette pièce de résistance de la plateforme électorale de la Coalition avenir Québec (CAQ).

La chef péquiste a accusé son adversaire caquiste d'avoir pris le même engagement que Jean Charest, lorsqu'il a pris le pouvoir en 2003. Le chef libéral s'était alors engagé à faire de la santé sa priorité numéro 1.

Or, souligne la chef péquiste, le gouvernement libéral n'a jamais livré la marchandise. L'attente aux urgences s'est allongée d'une heure en neuf ans, et bien davantage en dehors des centres urbains.

« C'est de la pensée magique, a-t-elle dénoncé. Si vous pensez que payer plus les médecins de famille - peut-être qu'il faut les payer plus -, mais est-ce que ça va leur donner une heure de plus pour soigner les malades ? Nous, ce qu'on propose, c'est réaliste. Ça a du bon sens, on ne ment pas aux Québécois. »

Jean Charest a pour sa part rejeté le blâme sur le gouvernement péquiste de Lucien Bouchard. Il en a profité pour renvoyer dos à dos Mme Marois et M. Legault, rappelant qu'ils étaient tous deux ministres dans le gouvernement de Lucien Bouchard, qui a coupé les dépenses en santé pour éliminer le déficit.

« C'est assez suave pendant la campagne de voir M. Legault attaquer les médecins de famille, Mme Marois, il y a quelques jours, attaquer les médecins spécialistes, alors que nous, depuis les neuf dernières années, on répare leurs dégâts et on s'attaque aux problèmes en santé avec des vrais résultats. »

Françoise David a profité de ces échanges pour interpeller le premier ministre sortant. Elle lui a donné raison en convenant que le gouvernement Bouchard a commis une erreur majeure d'arriver à déficit zéro en sabrant dans la santé.

« Mais M. Charest, vous ne vous en sortirez pas à si bon compte, a-t-elle dénoncé. Parce que depuis que vous êtes premier ministre du Québec, la privatisation s'est installée en douce dans le système de la santé. »

Le chef libéral a rétorqué en vantant le système de santé public, mais Mme David l'a coupé.

« Il n'est plus universel, a-t-elle dénoncé, ce n'est pas vrai M. Charest. »

21h26: la corruption

Jean Charest a essuyé de multiples attaques de ses adversaires sur le thème de la corruption.

Au cours d'un débat à quatre, François Legault et Pauline Marois étaient à ce point à l'offensive qu'ils en sont venus à parler en même temps. « M. Tomassi a donné des places en garderie » à des donateurs libéraux, a lancé Mme Marois. Michelle Courchesne a reçu deux blâmes de la part du Vérificateur général, sur l'octroi de places en garderie et sur la gestion du fonds sur les infrastructures sportives, a renchéri M. Legault.

Le chef caquiste a accusé M. Charest de faire du favoritisme dans l'octroi de contrats. « La seule fois que vous avez parlé des écoles », c'était pour permettre à un « ami » du parti de vendre des tableaux interactifs, a-t-il lancé.

« Il est urgent de se débarrasser de ce mauvais gouvernement et de la corruption », a affirmé Mme Marois. Elle a talonné M. Legault pour qu'il reconnaisse qu'au PQ, «on n'a jamais fait de financement sale ».

Françoise David a aussi ciblé le chef libéral. « Un rapport qu'on a remis à la Commission Charbonneau montre qu'en 2010 et 2011, pas mal de firmes de génie-conseil donnaient de l'argent au PLQ et dans une moindre mesure au PQ. Dans une même firme, 56 personnes donnent au même parti au même moment », a-t-elle lancé.

Jean Charest a affirmé qu'« il n'y a pas de lien » entre les dons politiques et l'octroi de contrats. « Ça reste à prouver ça. La Commission Charbonneau se penche là-dessus », a-t-elle répliqué. Jean Charest a reproché à Québec solidaire de faire du « financement pyramidal ».

Dans une pointe en direction de Mme Marois, M. Charest, visiblement agacé, a dit que le 4 septembre, tous les Québécois vont pouvoir s'exprimer, et non plus seulement « ceux qui portent le carré rouge et qui font du bruit ».

Le chef libéral a avancé qu'un cas de corruption a été prouvé, au Parti québécois, par la commission du juge Moisan. « Il y en a eu des cas au Parti québécois », a-t-il insisté.

« C'est faux M. Charest, et vous le savez », a répondu Mme Marois. Jean Charest a promis de mettre en ligne sur le site Web de son parti le rapport Moisan.

« Je ne fanfaronnerais pas trop à votre place », a glissé Mme David alors que M. Charest tentait de répondre aux salves de Mme Marois et de M. Legault.

21h02: Marois pilonne Charest sur l'éthique

Pauline Marois a talonné Jean Charest lors d'un débat sur la gouvernance, exigeant que le chef libéral explique aux Québécois pourquoi il a refusé pendant deux ans d'instituer une commission d'enquête sur la corruption et la collusion dans l'industrie de la construction.

La chef péquiste a profité d'un face-à-face avec le premier ministre sortant pour le pilonner sur le dossier de l'éthique.

« Pourquoi vous avez refusé, pendant si longtemps, pendant deux ans et demi, de tenir une commission d'enquête ? On vous a posé 600 questions à l'Assemblée nationale. La population à 80% souhaitait qu'il y ait une commission d'enquête. »

Elle a également sommé son rival de dénoncer la manière dont l'ex-ministre de la Famille, Tony Tomassi, a octroyé des permis de garderie à des donateurs libéraux.

« Il faut des preuves avant de faire des enquêtes, a répliqué le premier ministre sortant. On a mis sur pied l'Unité permanente anticorruption avec 30 millions, 200 personnes qui sont là. Revenu Québec a 350 personnes qui travaillent. On a fait une loi que vous avez appuyée, en passant. »

« Une loi pleine de trous », a répondu Mme Marois.

La chef péquiste a promis d'instituer une politique de « tolérance zéro » face aux manquements à l'éthique.

Le chef libéral s'est présenté comme une victime « d'insinuations » et de « salissage » de la part de ses adversaires. Il a brandi le Rapport Moisan, un document qui a révélé que le gouvernement péquiste a octroyé des contrats à des donateurs.

« Quand des problèmes ont été soulevés... Ces problèmes de corruption et de collusion dans le domaine de la construction existaient avant qu'on soit au pouvoir. Ça existe ailleurs dans le monde. »

Dans leurs déclarations d'ouverture sur ce thème explosif, les quatre chefs ont assuré qu'ils n'ont jamais été témoins, ou fermé les yeux, sur des gestes répréhensibles dans leurs partis respectifs.

« Deux souverainistes »

Jean Charest a profité d'un échange sur les ressources naturelles pour renvoyer dos à dos Pauline Marois et François Legault, les qualifiant tous deux de souverainistes.

Au terme d'un débat musclé entre la chef du Parti québécois et son rival de la Coalition avenir Québec, le chef libéral s'est moqué de ses adversaires.

« Je constate la chicane entre nos deux souverainistes », a-t-il raillé.

« C'est le seul argument que vous avez, a rétorqué le chef de la CAQ. Vous roulez dans les vieilles chicanes. »

François Legault a concentré ses attaques sur Pauline Marois lors de ce segment du débat portant sur les enjeux économiques, la questionnant à plusieurs reprises sur la manière dont elle compte s'attaquer à la dette. Le chef caquiste souhaite affecter 100% des redevances minières au remboursement de la dette, qui dépasse actuellement les 250 milliards.

Mme Marois a promis d'affecter la moitié de ces redevances qui seront affectées au remboursement de la dette.

20h44: l'économie

Le premier thème de la soirée, l'économie, a donné lieu à des face-à-face particulièrement corsés. C'est le sujet de prédilection de Jean Charest, le thème phare de sa campagne, mais il a fait face à une Françoise David coriace au sujet de la place des femmes sur le marché du travail.

Le chef libéral a fait valoir que les femmes occupent davantage un emploi depuis l'instauration des congés parentaux et de l'augmentation des places en garderie à 7$. « On n'essaiera pas de nous faire croire qu'on est le paradis sur Terre ! » a répliqué Mme David, soulignant que les femmes occupent beaucoup des emplois à temps partiel et qu'elles gagnent globalement 75% du revenu des hommes. « Pendant que vous investissez des milliards dans le Nord, combien vous mettez dans l'économie sociale, dans les services sociaux ?», a-t-elle lancé. Jean Charest a répliqué que sa candidate, la mairesse de Fermont, Lise Pelletier, vante les mérites du Plan Nord. « Dans la vraie vie, M. Charest », ce ne sont pas les femmes qui travaillent dans la construction, mais des hommes à 80%, a dit Mme David.

La porte-parole de Québec solidaire a ensuite croisé le fer avec Pauline Marois au sujet de l'exploitation du pétrole. Elle a accusé la chef péquiste d'avoir une position imprécise sur le sujet, elle qui privilégie les énergies vertes. Des évaluations environnementales seront faites à Anticosti et pour le projet Old Harry, a dit Mme Marois. « On ne prendra pas de risques. On exploitera le pétrole de façon sécuritaire, si tant est qu'on l'exploite », a-t-elle ajouté. Elle a plaidé pour l'indépendance énergétique, être moins dépendant du pétrole. « Vous ne dites pas ça ! » a accusé Mme David.

François Legault a accusé Jean Charest d'avoir un bilan désastreux en matière économique. « Vous n'avez pas livré la marchandise », a-t-il lancé. Le Québec est passé de la quatrième position parmi les provinces pour le revenu disponible à la neuvième depuis 2003. « Il y a juste l'Ile-du-Prince-Édouard qui est plus pauvre. Vous n'êtes pas gêné ? »

Jean Charest a fait valoir que le revenu disponible des ménages a augmenté depuis 2003. « Le reconnaissez-vous », a-t-il demandé ? « Oui », a répondu M. Legault. « Merci », a dit Jean Charest. « Oui, mais pendant que le Québec marche, les autres provinces courent », a répliqué M. Legault.

Pauline Marois a ensuite reproché à François Legault de vouloir créer de la chicane, de préconiser « la pensée magique » avec es 94 engagements. « Vous n'êtes pas gênée, vous qui n'avez pas présenté de cadre financier », a répliqué le chef caquiste. « Vous avez les mains attachées avec les syndicats, vous n'allez pas réduire les dépenses. Nous on a les mains libres.» La chef péquiste a affirmé que la CAQ veut hausser les tarifs d'hydroélectricité. « Il n'y aura pas de hausse de tarif », a dit M. Legault. « Allez voir votre cadre financier, je n'en reviens pas », a laissé tomber Mme Marois.

20h22: Charest se dit victime « d'accusations et d'insinuations non fondées »

Avant même de débuter les échanges avec ses rivaux, Jean Charest affirme qu'il a été victime « d'accusation et d'insinuations non fondées », en levée de rideau du débat des chefs, dimanche soir.

Le chef libéral, accusé de diriger un gouvernement corrompu par ses rivaux depuis le début de la campagne, a profité de sa déclaration d'ouverture pour aller au-devant des coups de ses rivaux.

« Le contexte politique a été très dur dans les dernières années. Et Dieu sait qu'on a été victimes d'accusations et d'insinuations non fondées. »

Selon lui, les Québécois doivent se prononcer sur deux enjeux fondamentaux : l'économie et le « type de société » qu'ils veulent, dénonçant le « climat de violence et d'intimidation » qui a marqué le conflit étudiant.

La chef du Parti québécois, Pauline Marois, a mis l'accent sur « l'espoir » dans sa déclaration d'ouverture. Elle s'est présentée comme une première ministre en attente, capable de « nettoyer la corruption » et ayant la « volonté » de réaliser son programme.

Elle a également envoyé un jab au gouvernement Harper : « Il faut garder le cap, il ne faut jamais baisser les bras, surtout devant Ottawa. Moi, je ne laisserai jamais Stephen Harper choisir à notre place. »

François Legault a martelé le même message qui a marqué sa campagne : il s'est engagé à faire du « ménage » le thème central de sa campagne.

La co-chef de Québec Solidaire, Françoise David, s'est présentée non pas en chef de parti, mais en « porte-parole des travailleuses précaires, des étudiants endettés, des retraités pris à la gorge et des familles en quête de temps ».

Elle a également pris soin de mentionner qu'elle souhaite aussi défendre la création « d'un pays nommé Québec », un clin d'oeil à l'électorat souverainiste.

« Pour la première fois, vous entendrez un parti politique parler franchement et clairement, un parti politique qui a des idées et qui va les exprimer. »

Relisez le clavardage avec les journalistes Sara Champagne, Pascale Breton, Vincent Brousseau-Pouliot, Maxime Bergeron, Stéphanie Grammond et Émilie Bilodeau pour une analyse complète du débat et une vérification des faits.