Jean Charest en avait fait une promesse solennelle lors de son premier discours inaugural, en 2003: son gouvernement allait mettre fin aux attentes interminables que subissaient les enfants autistes pour obtenir des services de stimulation précoce. Pour les enfants de moins de 4 ans, le temps d'attente pour ces services s'élevait, en 2003, à 144 jours. Après cinq ans de règne libéral, le temps d'attente moyen pour ces mêmes enfants s'élève à 164 jours.

La clientèle des tout petits enfants atteints de troubles envahissants du développement (TED) était pourtant la cible première des libéraux. Le parti de Jean Charest s'était engagé à verser 40 millions pour assurer leur accès aux services de stimulation précoce. Entre 2003 et 2005, 30 millions d'argent frais ont été investis. Le nombre de jours d'attente a chuté de près de moitié entre 2003 et 2004, passant de 144 à 85 jours. Depuis trois ans, les investissements sont plus difficiles à chiffrer, puisque les enveloppes regroupent l'ensemble de la clientèle handicapée. Chose certaine, les montants ont été nettement moins importants.

Résultat: les listes d'attente ont recommencé à grimper. Décourageant? «Oui. On est limités par le développement des budgets qu'on reçoit «, dit Brigitte Bédard, porte-parole de la Fédération québécoise des

centres de réadaptation pour la déficience intellectuelle et les troubles envahissants du développement , qui regroupe 22 centres de réadaptation. De 85 jours en 2004, la liste d'attente est donc passée à 122 jours en

2005, puis à 137 jours en 2006, et enfin, à 164 jours en 2007. Près de six mois d'attente, donc, pour les petits enfants atteints de TED et leur famille. «Non, ça n'est pas très rapide comme prise en charge «, admet Marie-Ève Bédard, attachée de presse du ministre de la Santé. «Mais il y a une pénurie de spécialistes dans ce réseau, comme ailleurs. Et il y a plus de diagnostics de TED chez les tout-petits. «

Avant le début de la campagne électorale de 2003, Jean Charest, alors chef de l'opposition, avait accusé le gouvernement Landry d'avoir sciemment abandonné les enfants autistes à leur triste sort. Il avait fait de cet enjeu une priorité dans son premier discours inaugural. « Je veux confirmer, en cette occasion et devant vous tous, un engagement personnel: nous trouverons, dès le prochain budget, les ressources nécessaires pour mettre en place des services de stimulation précoce destinés aux enfants autistes du Québec. « Force est de constater, cinq ans plus tard, que le dossier stagne. Plus de 200 enfants de moins de 4 ans sont en attente d'un premier service, une augmentation de 300% depuis 2004. Et chez les enfants plus âgés, la situation est encore pire. Près de 896 enfants de 5 à 17 ans attendent pour un premier service. Et ils attendent en moyenne près d'un an et demi. Les enfants de cet âge représentent 75% des personnes sur la liste d'attente globale, qui s'élève, en 2007, à près de 1200 personnes.

L'argent n'a pas suivi

«Le plan d'action élaboré par le gouvernement péquiste en 2003 a été implanté. Mais l'argent n'a pas suivi. Seuls les enfants de moins de 5 ans ont obtenu des services. Si votre enfant a plus de 6 ans, il n'y a plus de services. Certains parents se sont fait dire : vous pouvez vous mettre sur la liste d'attente, mais au bout, il n'y a rien», s'insurge Jo-Ann Lauzon, porteparole de la Fédération québécoise de l'autisme et des troubles envahissants du

développement. C'est que le plan d'action avait été conçu en fonction d'une prévalence de l'autisme beaucoup trop basse, croit M me Lauzon. «Le plan prévoyait 23 cas pour 10 000, alors que les chiffres réels s'élèvent plutôt à 60 cas pour 10 000 «, dit-elle. Ces chiffres représentent près de 45 000 personnes au Québec.

Le gouvernement libéral a manqué à sa parole? «Avant 2003, les services de stimulation précoce n'existaient que dans le privé. Ça coûtait une fortune. Oui, on a avancé. Mais beaucoup trop de familles sont en attente. On trouve qu'on n'avance pas vite «, dit Mme Lauzon. Car cette attente que subissent plusieurs parents à l'étape des services de réadaptation a, la plupart du temps, été précédée d'une attente tout aussi longue pour obtenir un diagnostic. Tout ce processus peut parfois s'échelonner sur deux ou trois ans, témoigne Mme Lauzon. Après ce délai, les enfants admis reçoivent autour de 20 heures par semaine de traitements de stimulation. En septembre dernier, le gouvernement libéral a soumis un nouveau plan d'action pour ces services. Il promet maintenant qu'un cas jugé urgent, quel que soit l'âge de l'enfant, sera vu en réadaptation dans les 72 heures. Mais les critères de l'urgence sont assez restrictifs. La situation du patient doit être «critique» et une absence d'intervention compromettrait «de façon immédiate « son développement, peut-on lire au plan d'action. En novembre 2010, promet le ministère de la Santé, tous les cas d'autistes, quelle que soit l'urgence de leur situation, seront vus en réadaptation dans les 90 jours suivant une demande. «La volonté est là. Le plan d'action est là. Il donnera des résultats dans les prochaines années «, conclut l'attachée de presse du ministre de la Santé.