C'est la «campagne de peur» menée par Gilles Duceppe qui a permis au Bloc de rafler 50 sièges au scrutin de mardi, ont affirmé hier des députés qui ont remis en question la pertinence du parti à Ottawa au début des élections.

À la mi-septembre, une semaine après le début de la campagne, cinq ex-députés bloquistes se sont insurgés contre leur ancienne formation, invitant les Québécois à passer à autre chose. Le Bloc est devenu un groupe d'intérêts qui défend surtout les besoins des syndicats, dénonçaient Odina Desrochers, Louise Thibault, Nic Leblanc, Ghislain Lebel et Richard Bélisle.

 

Ils joignaient leur voix à l'ex-ministre péquiste Jacques Brassard, qui affirmait que le Bloc est devenu un clone du NPD depuis que la souveraineté a été mise en veilleuse.

Un mois plus tard, le Bloc a remporté 50 sièges aux élections. Pendant toute la durée de la campagne, le chef Gilles Duceppe a présenté son parti comme le seul à pouvoir empêcher Stephen Harper de former un gouvernement majoritaire et d'imposer ses visions conservatrices au Québécois.

«Je dois admettre que M. Duceppe a bien joué ses cartes, concède Ghislain Lebel. Il a fait passer M. Harper pour une espèce de bonhomme Sept-Heures et ça a marché dans la population.»

L'ancien député de Chambly, qui portera les couleurs du Parti indépendantiste lors des prochaines élections provinciales, persiste à croire que le Bloc n'a plus sa place à Ottawa. Et ce, même si plusieurs «hommes de valeur» continuent d'y militer. «C'est bien beau de se présenter comme le défenseur des consensus québécois, a-t-il dit. Mais ce n'est pas pour cela que le Bloc avait été envoyé à Ottawa à l'origine.»

Victoire «par défaut»

Membre fondateur du Bloc en 1991, Nic Leblanc ne cache pas ses sympathies pour le Parti conservateur. Il s'étonne du verdict des Québécois. Car le chef conservateur avait «mis sa tête sur le billot» en reconnaissant la nation québécoise et en haussant les transferts fédéraux, au risque de s'aliéner sa base dans les provinces de l'Ouest.

M. Leblanc estime que la «campagne de peur» menée par Gilles Duceppe a nui au PC. Même si Stephen Harper a fait preuve de «négligence» en sous-estimant la grogne provoquée par ses compressions en culture et sa réforme des peines pour les jeunes contrevenants.

«C'est un peu par défaut que le Bloc gagne, affirme-t-il. On vote souvent contre quelque chose au lieu de voter pour.»

Après avoir quitté le Bloc à cause d'un différend avec M. Duceppe, l'an dernier, Louise Thibault a mordu la poussière dans la circonscription de Rimouski-Neigette-Témiscouate-Les Basques, mardi. Elle tentait de conserver son siège, même si elle se présentait comme indépendante.

Louise Thibault s'insurge contre la stratégie de Gilles Duceppe, qui n'a pas mâché ses mots pour dénoncer ses adversaires durant la campagne. Il a traité Stephen Harper de «menteur», de «tricheur» et de «rétrograde», en plus de qualifier ses ministres québécois de «béni-oui-oui» et le député Luc Harvey d'«imbécile».

Le fort score du Bloc mardi prouve-t-il sa pertinence à Ottawa? «Ça ne confirme pas la pertinence du Bloc à Ottawa. Ça confirme que les gens se sont laissé prendre par un faux argumentaire qui est négatif.»