Après l'interview accordée à La Presse par Jack Layton la semaine dernière, c'est maintenant au tour du chef du Parti conservateur, Stephen Harper, de nous donner une entrevue exclusive. L'actuel premier ministre a partagé son désir de faire une place aux nationalistes et a remis en question les calculs de son rival libéral, Stéphane Dion.

Depuis qu'il est à la tête du Parti conservateur, Stephen Harper dit avoir un objectif principal en tête: ramener son parti à ses racines premières en faisant une place aux nationalistes du Québec.

Et même s'il avoue s'être méfié à un certain moment du nationalisme québécois, notamment à la suite de l'échec de l'accord du lac Meech, qui a presque mené à la rupture du Canada au référendum de 1995, le premier ministre croit qu'il est «normal d'être nationaliste lorsqu'on fait partie d'une nation», comme il l'a affirmé à Chicoutimi mercredi soir.

Dans une entrevue exclusive accordée à La Presse lors de son passage à Trois-Rivières, cette semaine, Stephen Harper a tenu à rappeler que le tout premier ministre du Canada, John A. Macdonald, s'est allié à GeorgeÉtienne Cartier, un conservateur du Québec qui était avant tout nationaliste, pour mener à bien le projet de confédération.

«Historiquement, les nationalistes étaient la vraie base du Parti conservateur au Québec. Ceux et celles qui appuient un gouvernement centralisateur très fort, ce sont des libéraux. Ceux qui veulent l'indépendance du Québec appuient le Bloc et le Parti québécois au provincial. Mais ceux et celles qui veulent avoir un Québec fort, un Québec qui tient très fort à son identité, mais en même temps qui garde sa place importante au Canada sont historiquement des conservateurs», a affirmé le premier ministre.

Au Québec, le Parti conservateur a recruté plusieurs candidats ouvertement nationalistes durant la présente campagne, dont le maire de Saint-Eustache, Claude Carignan, dans Rivière-des-Mille-Îles. Avocat de formation, M. Carignan est l'un des membres fondateurs de l'ADQ et a participé aux négociations avec les représentants du Parti québécois pour rédiger la question référendaire de 1995.

Depuis son arrivée au pouvoir, en 2006, le chef conservateur a aussi beaucoup courtisé le Québec. Son gouvernement a fait adopter à la Chambre des communes une motion reconnaissant que «les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni». Il a conclu un accord avec Québec lui donnant une voix à l'UNESCO, et a augmenté les transferts aux provinces pour régler le déséquilibre fiscal.

Ce faisant, M. Harper tente de recréer l'alliance entre les conservateurs de l'Ouest et les nationalistes du Québec, une alliance qui a permis à Brian Mulroney de remporter deux élections de suite, en 1984 et en 1988, avant d'éclater après l'échec de Meech.

Pour Stephen Harper, il est tout à fait «naturel» d'être nationaliste quand on fait partie d'une nation. Il a affirmé que les Canadiens anglais doivent respecter ce fait historique et cela explique pourquoi il évoque la nation québécoise dans ses discours dans le reste du Canada. Dans le passé, le chef conservateur s'est même montré intéressé à enchâsser cette reconnaissance dans la Constitution canadienne, mais seulement quand le terrain sera fertile, selon son expression.

En ent revue, le premier ministre s'est dit convaincu que les Québécois choisiront de rester dans la fédération canadienne s'ils se sentent accueillis et respectés.

«John A. MacDonald () a dit que les francophones du Canada sont une nation. Si on traite cette nation comme nation, cette nation va réagir d'une façon généreuse. Si on traite une nation comme une faction, cette nation va agir comme une faction. () J'ai lu (cette citation) il y a longtemps, mais c'est seulement, je suis franc, c'est seulement dans les années récentes, surtout comme premier ministre, que j'ai bien apprécié cette citation», a dit M. Harper.

Le premier ministre a d'ailleurs dit avoir «apprécié» que les Québécois élisent 10 députés conservateurs dans la province même si le Parti conservateur est dirigé par un anglophone de l'Alberta. Sans ces 10 sièges remportés aux dépens du Bloc québécois, en grande partie dans la région de Québec, Stephen Harper ne serait probablement jamais devenu premier ministre. Le Parti conservateur a remporté en tout 124 sièges contre 103 aux libéraux.

«Historiquement, les nationalistes étaient la vraie base du Parti conservateur au Québec», a dit Stephen Harper.