Les anglophones ont une expression parfaite pour décrire Stéphane Dion: a very decent guy.

Cela pourrait se traduire, quoique imparfaitement, par l'expression «un gars honnête». «Honnête» autant dans le sens d'intègre que de respectable. Dans le sens de bon gars, aussi.

 

Mais bon gars, en politique, ça sonne aussi souvent comme naïf ou candide, ce qui décrit aussi assez bien le chef libéral.

On dira aussi de lui que c'est un decent guy parce qu'il refuse de frapper ses adversaires en bas de la ceinture ou même de les attaquer, point. La contrepartie, c'est que plusieurs, y compris dans son parti, le qualifient de mou pour cette raison.

Stéphane Dion le politicien s'est amélioré, c'est évident. Mais ses habits de chef politique le serrent encore souvent, ça crève les yeux.

M. Dion prononce de meilleurs discours, il est plus énergique, plus combatif. Mais parmi ses militants, il semble encore souvent figé, comme lors d'un arrêt à Saint-Lambert, en début de campagne, quand il avait demandé aux agents de la GRC s'il pouvait aller serrer la main de partisans réunis près de son autocar de campagne.

En politique, Stéphane Dion n'est pas un «naturel», comme on dit dans le jargon sportif. Parfois, il essaye trop de plaire, ce qui donne lieu à des moments pénibles.

Son anglais s'est amélioré, mais, on l'a vu encore cette semaine, il lui reste du chemin à faire.

Cet incident de l'entrevue ratée à CTV démontre à la fois ses lacunes dans l'autre langue officielle et son manque de réflexes politiques. Cette question (qu'auriez-vous fait face à la crise financière si vous aviez été premier ministre à la place de Stephen Harper?) était, comme on dit en termes journalistiques, une balle à circuit. Il lui suffisait de critiquer le manque d'empathie de M. Harper et de vanter son propre plan.

Au lieu de ça, Stéphane Dion le chef de parti a laissé Stéphane Dion le prof d'université reprendre le dessus et il a buté sur la formulation de la question.

Pour le décoincer dans cette campagne, pour le rendre plus accessible, l'entourage de Stéphane Dion a misé sur l'humour. Cela donne parfois de bons résultats. Le chef libéral raconte en effet des trucs drôles (comme la fois où un groupe de scientifiques riaient de lui, dans un discours, parce qu'il parlait des polar beers au lieu des polar bears...). Ce que l'on remarque aussi, c'est que Stéphane Dion est capable de rire de lui-même, une qualité rare chez les politiciens.

«Il faut le lui rappeler, mais on ne lâche pas. On lui répète: garde ton sens de l'humour, Stéphane! On essaye comme ça de transformer le gars de politiques en politicien», disait cette semaine un membre de son équipe.

M. Dion n'est pas nécessairement doué, comme l'étaient Brian Mulroney ou Jean Chrétien, mais il est acharné.

Son pari de faire une campagne sur fond de taxe sur le carbone était peut-être téméraire politiquement, mais il n'a jamais reculé.

«M. Dion, c'est un drôle de moineau. Ce n'est vraiment pas un politicien comme les autres. Il en est décourageant, parfois, mais il est intègre», dit un de ses conseillers au Québec.