Services gouvernementaux, économie, environnement, démocratie, institutions, place du Canada dans le monde; Le Grand débat de ce soir, organisé par La Presse et Radio-Canada, le premier en français de la campagne, embrasse large. Voici quelques clefs pour mieux cerner les grands enjeux.

Autochtone

Depuis l'émergence du mouvement Idle No More, il y a deux ans, les enjeux liés aux Premières Nations sont plus que jamais au coeur du débat politique canadien. Le premier ministre Stephen Harper s'est attiré de nombreuses critiques en refusant de déclencher une enquête sur les centaines de femmes autochtones assassinées ou disparues. Les conservateurs disent vouloir combattre le crime plutôt que de l'étudier. Dans un autre registre, le chef libéral Justin Trudeau s'est engagé à verser 2,6 milliards sur quatre ans pour favoriser l'éducation dans ces communautés.

Courrier à domicile

Postes Canada a annoncé en décembre 2013 son intention de mettre fin à la livraison du courrier à domicile d'ici à 2019. Les 5 millions d'adresses qui recevaient encore leurs lettres directement à leur porte, soit le tiers des gens desservis par la société d'État, devront désormais se rendre à une boîte postale communautaire. Ce virage pourrait permettre des économies potentielles de près de 900 millions par an. Tant le Parti libéral que le Nouveau Parti démocratique ont annoncé qu'ils comptaient rétablir la livraison du courrier à domicile.

Impôts

Pour les particuliers, les libéraux proposent à la fois des baisses (pour les revenus entre 45 000$ et 90 000$) et des hausses d'impôts (pour les revenus supérieurs à 200 000$). Le NPD veut plutôt hausser le taux d'impôt des grandes entreprises de 15% à 17%. D'autres sujets fiscaux sur lesquels les chefs de partis ne s'entendent pas: le plafond de cotisation au CELI, le sort de la Prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE) et le fractionnement du revenu des parents/contribuables avec des enfants mineurs.

Migrants

La photo du petit garçon syrien retrouvé mort sur une plage turque et, surtout, le fait que sa famille ait tenté, en vain, de trouver refuge au Canada a fait entrer la crise des migrants dans la campagne électorale fédérale. Accusé de ne pas en faire assez, pas assez vite, le gouvernement conservateur a annoncé samedi qu'il devançait à la fin de l'année 2016 l'accueil de 10 000 Syriens fuyant la guerre civile. L'an dernier, Ottawa avait promis d'accueillir 11 300 réfugiés syriens d'ici la fin de 2017. En date du 8 septembre, 2406 d'entre eux étaient arrivés au pays. Le gouvernement fédéral s'est par ailleurs engagé à traiter d'ici la fin de l'année les dossiers de quelque 2000 personnes qui souhaitent s'établir au Québec, répondant ainsi aux demandes du gouvernement québécois.

Paris

Tout de suite après son élection, le nouveau gouvernement mettra le cap sur Paris pour la 21e conférence des Nations unies sur le climat. L'enjeu est colossal: les pays de la planète tenteront de s'entendre sur un nouvel accord visant à limiter le réchauffement climatique. Sous le règne de Stephen Harper, le Canada a été dépeint comme un mauvais élève à ces conférences. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a même sermonné le pays. Les partis ont tous annoncé des cibles de réduction des gaz à effet de serre. Mais celles-ci devront être négociées avec les autres pays. Surtout: les partis devront avoir un plan pour atteindre ces cibles et éviter l'échec de Kyoto, un accord signé par le Canada, puis complètement ignoré.

Pétrole

Acheminer le pétrole de l'Alberta vers les plus grands marchés du monde. Puis faire du Canada une superpuissance énergétique. C'était le plan du gouvernement conservateur, annoncé en grande pompe en 2008. Sept ans plus tard, le bilan est mitigé. Que ce soit Northern Gateway vers la Colombie-Britannique, Keystone XL vers les États-Unis ou Énergie Est vers le Québec, les projets de pipelines censés sortir le pétrole de l'Alberta battent de l'aile. Au Québec, le Bloc québécois s'oppose à Énergie Est. Les conservateurs défendent les pipelines pourvu que l'Office national de l'énergie les approuve. Le NPD et les libéraux ne sont pas contre... mais exigent des évaluations environnementales plus rigoureuses.

Québec

C'est lors du débat organisé par le magazine Maclean's- sans Gilles Duceppe, le principal intéressé - que la question de la clarté référendaire a fait son entrée dans la campagne. Et le conflit oppose les fédéralistes. Depuis la mi-août, Justin Trudeau et Thomas Mulcair s'affrontent sur la ferveur de leur profession de foi envers l'unité canadienne. En cause: la «Déclaration de Sherbrooke» du NPD, qui reconnaît que la barre des 50% plus une voix serait suffisante pour entamer des négociations sur la souveraineté du Québec. De son côté, Justin Trudeau s'appuie sur l'héritage de son père et défend la Loi sur la clarté, en refusant de donner «son chiffre», l'appui minimal au Oui pour négocier.

Récession

Le Canada est-il en récession? Techniquement, oui. En pratique, la récession est probablement déjà terminée. Comment est-ce possible? C'est qu'on connaît seulement avec plusieurs mois de retard le début et la fin d'une récession technique. Le verdict est tombé le 1er septembre dernier: l'économie canadienne était officiellement en récession entre janvier et juin 2015 (- 0,8% au premier trimestre, - 0,5% au deuxième trimestre). Mais voilà, le consensus des économistes prévoit toujours une croissance économique de 1,1% pour l'ensemble de 2015. Traduction: la récession se terminera en juin si leurs prédictions s'avèrent exactes.

Scientifiques

Selon l'Institut de la fonction publique du Canada, 7500 postes de scientifiques auront été éliminés en 2017 au sein des 10 principales agences scientifiques fédérales si la tendance n'est pas renversée. Les coupes de budget atteindraient 2,6 milliards. Les détracteurs du gouvernement actuel plaident que ces coupes minent la compréhension des enjeux environnementaux. Mais alors que les millions ne pleuvent pas, les partis sont-ils prêts à réinvestir pour embaucher des scientifiques? Le Parti libéral a promis de rétablir un financement de 40 millions pour un programme de recherche sur les océans. Le NPD a répondu à La Presse que le financement de la recherche est «essentiel» à la prise de décisions, mais n'a pas chiffré les réinvestissements.

Sénat

Si la réforme du Sénat fait depuis longtemps partie du débat politique canadien, ce sont les scandales d'allocations de dépenses des dernières années qui font aujourd'hui les manchettes. Mike Duffy est actuellement inculpé au criminel, alors que les procès de Patrick Brazeau et de Mac Harb sont imminents. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) est peut-être la formation politique la plus directe: il prône l'abolition pure et simple de la Chambre haute, au sein de laquelle il ne compte aucun parlementaire. Le chef libéral veut au contraire conserver une Chambre haute au Parlement. Celle-ci devrait toutefois être moins partisane, selon Justin Trudeau, qui a d'ailleurs exclu les sénateurs libéraux du caucus de son parti. Stephen Harper prône une réforme en profondeur de la Chambre, à défaut de quoi l'abolition pourrait constituer une solution. Du côté du Québec, Gilles Duceppe veut faire disparaître le Sénat en réalisant la souveraineté du Québec.

Surplus

Le gouvernement du Canada vient d'enregistrer son premier surplus - 1,9 milliard en 2014-2015 - après six ans de déficits budgétaires résultant notamment de la crise financière de 2008, de la récession de 2008-2009 et de la baisse du fardeau fiscal. Les conservateurs et les néo-démocrates promettent d'équilibrer le budget à chacune des années financières du prochain mandat, tandis que les libéraux, qui veulent doubler les investissements en infrastructures, promettent des déficits d'environ 10 milliards par année pendant trois ans avant de revenir à l'équilibre budgétaire en 2019.

Terrorisme

Le Canada s'est joint en octobre 2014 à la coalition multinationale luttant contre le groupe armé État islamique, la Force de stabilisation au Moyen-Orient (FSMO). La mission, baptisée opération Impact, devait initialement durer six mois, mais elle a été prolongée d'un an en mars dernier, si bien qu'elle devrait prendre fin le 30 mars 2016.

34 milliards

Ottawa a revu en 2007 la formule pour les transferts en santé afin que ceux-ci soient désormais établis en fonction d'une somme égale par habitant. La formule a quelque peu désavantagé le Québec. Alors que la province recevait 24,9% des transferts en santé en 2005-2006, elle en reçoit désormais 23,1%, selon les données du ministère des Finances du Canada. Les transferts fédéraux ont augmenté de 68% depuis 10 ans, contre 56% au Québec, où ils représentent tout de même 7,9 milliards. Le gouvernement s'est engagé à augmenter les transferts en santé de 6% par année jusqu'en 2016-2017, puis d'un minimum de 3%, selon la croissance du produit intérieur brut.