Ils étaient des centaines de partisans verts réunis lundi soir sur l'île de Vancouver. Quand un homme au micro a invité Elizabeth May à monter sur scène tard en soirée, l'ovation qui a retenti dans la salle était digne d'une rock star.

Pour la première fois de l'histoire canadienne, le Parti vert sera représenté à la Chambre des communes. La chef Elizabeth May a réussi son pari, se faisant élire par les électeurs de Saanich-Gulf Islands par une importante majorité.

Elizabeth May a largement battu le député sortant, le conservateur Gary Lunn. Alors que les sondages prédisaient une lutte serrée, la chef des verts a obtenu 46% des voix et 7000 votes de plus que M. Lunn.

«On a mené une campagne non-partisane, on est restés loin des attaques négatives et les électeurs nous ont récompensés, a déclaré la chef à l'annonce de sa victoire. Je suis aujourd'hui la première députée de l'histoire du Parti vert.»

«Les cartes ont été brassées ce soir. Les chefs qui étaient supposés se faire élire ont été battus et ceux qui devaient perdre ont été élus, a dit Mme May. Michael Ignatieff et Gilles Duceppe ont perdu et moi j'ai gagné. C'est incroyable.»

Il s'agit d'un succès énorme pour la chef, qui avait quitté la Nouvelle-Écosse pour s'installer en Colombie-Britannique dans le but express d'être élue. Le Parti vert avait mené plusieurs sondages qui ont conclu que la circonscription juste au nord de Victoria était la plus écolo au pays.

À l'issue des élections de 2008, la stratégie du Parti vert du Canada avait été changée en profondeur. Malgré des résultats historiques- près d'un million de voix -, les verts avaient alors échoué à faire élire un député. «On a réalisé qu'on pourrait aller chercher 15% des voix au pays et encore être absents du Parlement, expliquait Elizabeth May à La Presse la semaine dernière. Alors on a décidé de changer la priorité.»

La chef s'est cette fois-ci concentrée sur sa circonscription, limitant ses déplacements à travers le pays. Mme May a été appuyée par plus de 2000 bénévoles à Saanich-Gulf Islands. Elle les a longuement remerciés hier, mentionnant que c'est en grande partie grâce à eux qu'elle avait fait mentir toutes les prédictions. Jusqu'à hier, les sondages prédisaient une lutte très serrée dans la circonscription. Certains accordaient même la victoire au député sortant.

La stratégie a eu les effets escomptés : les verts ont réussi à obtenir un siège, mais leurs résultats nationaux en ont souffert. Eux qui avaient récolté 6,8% des voix en 2008 n'en ont gagné que 3,9% lundi.

La chef, qui n'avait pas écarté la possibilité de démissionner dans le cas d'une défaite, a blâmé le consortium des télédiffuseurs. Mme May avait participé au débat des chefs en 2008, mais en a été exclue cette année. Elle estime que les candidats verts à travers le pays ont souffert de cette décision qui a du coup privé le parti d'une importante vitrine.

La majorité conservatrice assombrit la soirée

Par ailleurs, la première députée du Parti vert n'a pas caché sa déception devant les résultats pancanadiens. Elle a notamment dénoncé une «fausse majorité» pour les conservateurs, alors «qu'une minorité des électeurs a élu une majorité de sièges».

«Mon travail commence réellement aujourd'hui, a-t-elle dit, alors que je devrai prouver aux Canadiens qu'une seule députée du Parti vert peut faire la différence à Ottawa.»

Les partisans présents au quartier général des verts avaient aussi des sentiments ambivalents. «Je me sens tellement heureux pour le Parti vert, mais les résultats au pays me rendent triste», a admis Doug Storey, 26 ans, déçu que les conservateurs aient obtenu une majorité.

Carly Sable, 27 ans, parlait quant à elle de victoire douce-amère. «J'espère qu'elle pourra apporter de la notoriété au Parti vert, a-t-elle expliqué. J'espère qu'on entendra parler un peu plus d'environnement à Ottawa. C'est le seul aspect positif dans ma soirée!»

Le plus connu des militants du Parti vert au Québec, l'ancien hockeyeur Georges Laraque, a lui aussi envoyé une flèche aux conservateurs. «Même avec l'élection de May, je suis dévasté, a-t-il écrit en anglais sur son compte Twitter. Une majorité? Vraiment? C'est ainsi que le Canada récompense un menteur?»