La tension a monté d’un cran lundi entre l’Université McGill et la centaine d’étudiants propalestiniens qui campent depuis samedi sur le terrain de l’établissement. « Nous sommes prêts à toute confrontation », a déclaré un porte-parole de la manifestation.

Ce qu’il faut savoir

Le nombre de tentes dressées sur le campus de McGill a triplé depuis samedi.

Les manifestants, qui réclament de leur université qu’elle coupe tout lien avec Israël, comptent rester « tant qu’il le faudra ».

Selon l’Université McGill, les étudiants ne formulent aucune proposition pour faire avancer le dialogue.

Une marche ralliant l’Université Concordia à l’Université McGill doit avoir lieu mardi.

Près de 80 tentes sont désormais dressées sur le campus de l’université, trois fois plus qu’au début de la mobilisation.

En début de journée, des rumeurs circulaient à l’intérieur du campement au sujet d’un imminent démantèlement : rien pour démotiver les militants.

« Si l’administration veut nous forcer à partir, nous sommes prêts à rester, a assuré Ali, un porte-parole du mouvement.

« Nous avons des stratégies. Nous avons des étudiants qui sont prêts à former des piquets de grève », a-t-il ajouté.

Les protestataires, dont des étudiants juifs et arabes de McGill et de Concordia, réclament de leurs administrations qu’elles coupent tout lien – académique ou financier – avec Israël. Une revendication qui s’inscrit dans une vague de manifestations similaires à travers les campus américains.

« Mes droits de scolarité servent à financer mon éducation, pas des bombes », a dénoncé Zia, qui entendait manifester « tant qu’il le faudra ».

Croisée à l’entrée du campement, elle reprochait à l’Université Concordia d’entretenir « des liens étroits avec Israël », citant un voyage professionnel du recteur, Graham Carr, à Tel-Aviv, en 2022.

« À Gaza, il n’y a plus d’universités », a-t-elle souligné.

Le campement, visible de la rue Sherbrooke, est désormais interdit d’accès. Lors du passage de La Presse en journée, des sympathisants à la cause passaient des bouteilles d’eau à travers les barricades placardées de slogans.

« C’est un moment historique auquel on assiste. On se bat pour la justice, la vérité et la paix », a lancé Leila, venue encourager les campeurs avec des sacs remplis de denrées.

Le soutien de la communauté a été « incroyable » jusqu’à présent, a souligné Ali. « On a reçu beaucoup de dons : eau, matériel, nourriture… »

  • PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

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Ayant eu vent d’une possible intervention policière, l’organisation Solidarity for Palestinian Human Rights de McGill a convoqué lundi un « rassemblement d’urgence » sur le site du campement improvisé.

En début d’après-midi, quelques centaines de manifestants avaient répondu à l’appel, l’ambiance demeurant conviviale.

Vers 21 h, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne rapportait aucun débordement en lien avec la manifestation, mais il confirmait avoir eu une « demande d’assistance » de la part de l’université.

« Comme c’est un lieu privé, la décision [de démanteler le campement] revient à l’université », a précisé la porte-parole du SPVM, Véronique Dubuc.

Injonction déposée mardi

Une injonction contre le campement à l’Université McGill et « certains manifestants » sera par ailleurs déposée mardi après-midi au palais de justice de Montréal. C’est ce qu’a confirmé à La Presse l’avocat Neil G. Oberman, qui représente deux demandeurs dont l’identité est pour l’heure inconnue.

Les détails de la procédure seront révélés au moment de présenter la demande d’injonction, a-t-il fait savoir, refusant de commenter davantage. Il a toutefois expliqué qu’une injonction était une « demande extraordinaire [portée] devant la cour pour exiger de faire quelque chose ou de ne pas faire quelque chose ». Dans le présent cas, il s’agirait d’une mesure temporaire, dont la « durée maximale est de 10 jours ».

Les manifestants se trouvant à l’intérieur du campement ont refusé de commenter le spectre d’une injonction. Au passage de La Presse, en soirée, de nombreuses personnes continuaient d’affluer, offrant pour certaines d’entre elles des denrées en tout genre aux protestants. En appui au mouvement, une centaine de personnes occupaient également une partie de la pelouse du campus.

Du lot, un étudiant de l’Université Concordia qui a estimé qu’une injonction ne changerait en rien « la volonté des gens de se battre contre l’impérialisme ». Une marche doit rallier les deux universités anglophones mardi, à compter de midi, dans l’objectif de démontrer le soutien de Concordia à la cause palestinienne – et à celle des manifestants de McGill.

Des propos antisémites dénoncés

L’Université McGill s’est prononcée sur la situation dans un courriel transmis lundi aux étudiants.

« La nuit dernière, nous avons visionné des preuves sur vidéo sur lesquelles des individus ont un comportement intimidant et tiennent des propos manifestement antisémites, ce qui est tout à fait inacceptable sur nos campus. Nous condamnons avec force et sans réserve ces gestes et ces propos et procéderons incessamment à une enquête », a-t-elle indiqué.

« Je peux affirmer avec certitude qu’il n’y a pas eu d’antisémitisme, et je parle en tant que juif », a répliqué Ezra Rosen, qui a passé la nuit dehors.

La veille, les campeurs ont même partagé un repas de la Pessah, la Pâque juive. « Je me sens en sécurité ici, a ajouté le militant. Tout le monde prend soin l’un de l’autre. »

Selon l’administration, les campeurs n’ont formulé aucune proposition visant « à faire avancer le dialogue ».

« Au lieu de cela, les manifestants ont indiqué qu’ils comptaient demeurer sur le campus pour une période indéfinie », indique le courriel.

« La haute direction de l’Université McGill est présentement réunie afin de discuter des prochaines étapes qu’elle compte entreprendre et fera part de sa décision sous peu. »

Les élus préoccupés

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, s’est dite « très préoccupée » dimanche par « les campements non autorisés » sur le campus de McGill.

« C’est à l’université de prendre les décisions qui s’imposent pour assurer la sécurité des étudiants alors que s’amorce la semaine d’examens », a-t-elle écrit sur X.

Le député libéral fédéral Anthony Housefather a réclamé lundi une « action rapide » des administrateurs universitaires ou des corps policiers pour mettre fin au campement, qui constitue « une violation de la politique universitaire ».

« Nous ne pouvons pas permettre que ce qui se passe aux États-Unis se produise ici », tranchait l’élu dans la même publication.

Le ministre Marc Miller, dont la circonscription abrite McGill, son alma mater, n’a pas voulu dire si une intervention policière était souhaitable ou nécessaire.

« Je ne donne pas d’instructions à la police », a-t-il déclaré en marge d’une annonce, lundi.

Tout en soulignant l’importance du « droit de manifester de façon pacifique », il a noté que cela devait se faire sans violence et propos haineux et de nature antisémite.

Ailleurs au Canada

À Vancouver, les étudiants ont été appelés lundi à installer leurs tentes sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique. Devant la multiplication des campements propalestiniens au pays, l’Université de Toronto a mis en garde ses étudiants contre une telle action, qui constituerait une « violation du droit de propriété ». « Tout étudiant impliqué dans des activités non autorisées ou dans une conduite qui contrevient aux politiques de l’université ou à la loi peut être soumis à des conséquences », a prévenu l’établissement lundi. L’Université d’Ottawa a de son côté rappelé que les campements « ne sont pas tolérés » sur son campus, tout comme les actes islamophobes et antisémites.

Avec Mélanie Marquis et Bruno Marcotte, La Presse