Danse, musique, arts, sciences : au secondaire, les programmes particuliers sont convoités, tant par les élèves que par leurs parents. C’est la voie choisie par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, pour augmenter l’attrait des écoles publiques, mais mettre sur pied de tels programmes n’est pas une mince affaire.

D’ici 2026, Québec souhaite que les trois quarts des élèves qui fréquentent une école secondaire publique soient dans un programme particulier. Actuellement, c’est le cas pour moins de la moitié (44,6 %) des élèves, indique-t-on dans le Plan d’action 2023-2024 du ministère de l’Éducation.

Le ministre Bernard Drainville a récemment invité les parents à « pousser pour qu’il y ait des projets particuliers dans leurs écoles ».

Or, « c’est à peu près l’affaire la plus difficile à faire passer dans un conseil d’établissement », dit Sylvain Martel, président du Regroupement des comités de parents autonomes du Québec (RCPAQ).

Implanter un programme particulier vient « remettre en question toute l’organisation du personnel, de l’enseignement, de la pédagogie au sein de l’école », poursuit M. Martel.

« Quand on rentre des programmes particuliers, on joue dans les heures des matières. On essaie de le squeezer, le fameux basketball, et il y en a qui disent qu’il n’y a plus assez d’arts… ça crée des problèmes », illustre Sylvain Martel, qui rappelle que la collaboration du personnel de l’école est essentielle.

Tous dans un programme particulier à Drummondville

Dans la région de Drummondville, le centre de services scolaire des Chênes (CSSDC) a pris un virage radical : dès l’an prochain, tous les élèves seront dans un programme particulier au secondaire. Par le fait même, presque tous devront retourner dans leur école de quartier.

Exit les critères d’admission. Chaque année, entre 400 et 500 élèves de ce centre de services essuyaient un refus au programme sélectif qu’ils avaient choisi. Désormais, ils feront trois choix et on leur en accordera un.

Le directeur général explique que c’est un écart du taux de réussite variant entre 5 et 28 % en faveur des élèves qui étaient dans un programme particulier, comparativement à ceux qui ne l’étaient pas (et qui se disaient « en rien » parce que dans un programme « régulier »), qui a mené à une prise de conscience. Tous n’avaient pas les mêmes chances.

« L’école de quartier n’était pas privilégiée, ce n’était même pas une préoccupation que nous avions », admet le directeur général du CSSDC, Lucien Maltais.

Il estime qu’au moins la moitié des élèves se déplaçaient chaque jour hors territoire. D’ici quelques années, on souhaite que de 80 à 90 % des élèves soient dans leur école de quartier.

Le changement ne se fait pas sans heurts.

La fille de Caroline (prénom fictif, pour préserver l’anonymat de l’adolescente) devra changer d’école l’an prochain. Elle aura fait deux ans dans un programme de sciences dans lequel elle a été admise après avoir passé des examens.

Le passage au secondaire n’a pas été facile pour la jeune fille, qui a peiné à se faire des amis, explique sa mère. Maintenant qu’elle s’est acclimatée à son école et fait un réseau social, il faudra recommencer dans une autre école, celle plus près de chez elle.

« C’est dur, dit la mère avec émotion. Si elle avait vécu le changement en secondaire 1, ça aurait été correct. Mais ça lui a pris tout son courage pour se faire des amis et l’année prochaine, elle les perd », explique Caroline.

De la grogne

Bien que les parents aient été consultés, il y a eu « de la grogne », dit Marie Pier Bessette, présidente du comité de parents du CSSDC.

Selon le plan initial du centre de services, explique-t-elle, tous les élèves allaient devoir changer d’école, même ceux qui étaient à la dernière année de leur parcours secondaire.

Des programmes pourraient fermer faute d’inscriptions et deux programmes sont en quelque sorte « sauvés » de cette réorganisation : le sport-études et le Programme d’éducation intermédiaire (PEI).

Même si le centre de services adopte une ligne directrice pour toutes ses écoles, il revient aux conseils d’établissement (donc à chaque école) de gérer la « grille-matières », soit l’attribution du nombre de périodes pour chaque matière, soulève Mme Bessette.

Quand il faut amputer des périodes pour en allouer davantage à un programme particulier, des tensions surgissent. « Ça n’a pas tourné rond dans chaque conseil d’établissement, dit Mme Bessette. C’est facile de dire que tu fais un programme de sciences, mais si tu n’ajoutes pas de périodes, c’est du régulier que tu appelles des sciences », dit-elle.

Quand vient le temps de refaire des horaires pour de nouveaux programmes, « tout le monde tire la couverte », confirme Guy Veillette, président du Syndicat de l’enseignement de la région de Drummondville (SERD).

Si tu es un prof d’art, tu aimerais plus de programmes d’art. Si tu es en éducation physique, tu veux plus d’éducation physique. C’est toujours un déchirement, la grille-matières, mais ça devrait se stabiliser.

Guy Veillette, président du Syndicat de l’enseignement de la région de Drummondville

Tant chez le syndicat que chez les parents, on constate que le fait que la volonté d’implanter des programmes particuliers partout soit venue du centre de services a facilité les choses.

« Ça prend une certaine cohésion, une certaine volonté politique », dit le président du SERD. « Ça appartient aux centres de services et au Ministère de donner la chance à tous les élèves d’avoir accès à des programmes et à des activités », explique Guy Veillette.

« Beaucoup de courage et de logistique »

Marie Pier Bessette croit aussi qu’il faut qu’un centre de services « oblige » les écoles à aller vers des programmes particuliers pour que ça se fasse de manière uniforme dans les écoles secondaires.

« Ça demande beaucoup de courage et de logistique, je ne pense pas que ça se fait spontanément [dans chaque école] », dit-elle.

Au CSSDC, on reconnaît que le changement a fait « beaucoup de mécontents », mais aussi « beaucoup de contents ». Il est « difficile » d’aller contre la volonté des élèves et des parents d’avoir des programmes particuliers au secondaire, observe son directeur général, Lucien Maltais.

Le centre de services, dit-il, a choisi son camp : offrir des programmes à tous, en éliminant le plus possible des critères de sélection et en gardant les droits d’admission au minimum.

En savoir plus
  • 300 $
    Somme versée par Québec par élève inscrit pour absorber les coûts liés à la participation aux programmes particuliers