(Québec) Les universités anglophones du Québec ont offert au premier ministre François Legault de franciser au moins 40 % de leurs étudiants non francophones venant du reste du Canada et de l’étranger, notamment avec l’instauration de cours obligatoires.

Elles veulent en contrepartie que son gouvernement renonce à doubler les droits de scolarité pour les étudiants des autres provinces et abandonne la nouvelle tarification pour les étudiants étrangers.

Les recteurs des universités McGill, Concordia et Bishop’s ont rencontré François Legault à ses bureaux de Montréal en fin d’avant-midi lundi.

Ils lui ont fait une proposition pour convaincre le gouvernement de reculer sur son nouveau modèle de tarification annoncé le 13 octobre.

La ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, entend faire passer de 9000 $ à 17 000 $ les droits de scolarité des étudiants canadiens non-résidents du Québec pour la rentrée de l’an prochain, ce qui représenterait 110 millions de dollars. Elle veut fixer un tarif plancher à 20 000 $ pour les étudiants étrangers, montant sur lequel le gouvernement entend percevoir 3000 $. Les sommes amassées serviraient à augmenter le financement des universités francophones. Ces mesures s’inscrivent dans le plan d’action du gouvernement sur l’avenir de la langue française.

Les trois universités anglophones condamnent cette décision et prévoient une baisse du nombre d’étudiants venant d’ailleurs. Selon leurs recteurs, la survie de Bishop’s est en jeu, alors que McGill et Concordia pourraient essuyer des pertes combinées de plus de 100 millions par an selon des « scénarios prudents ».

« Nous reconnaissons par ailleurs que le français demeure menacé au Québec, en particulier à Montréal, et réaffirmons que toutes les universités sont les alliées naturelles du gouvernement dans la protection, la promotion et le rayonnement du français au Québec et ailleurs dans le monde », peut-on lire dans leur proposition.

« Il est primordial de protéger la langue française ; nous en sommes profondément convaincus. Toutefois, nous croyons qu’il vaut mieux franciser les personnes étudiantes venant de l’extérieur du Québec quand elles arrivent ici, plutôt que de les écarter d’emblée par l’entremise de politiques tarifaires prohibitives », ajoute-t-on.

Ainsi, « les universités de langue anglaise du Québec se mobiliseront pour accroître l’intégration linguistique et culturelle de leurs personnes étudiantes non francophones ». Elles prennent « l’engagement » de déployer « une gamme complète de nouvelles initiatives visant la promotion du français et une meilleure connaissance de la société québécoise ».

Les universités Concordia et McGill « s’engagent à instaurer, dans un délai de trois ans, des cours et des activités obligatoires de français langue seconde, en vue de soutenir efficacement l’intégration professionnelle au sein de la métropole. » Un étudiant qui aurait un tel cours obligatoire dans son cheminement devrait le réussir pour obtenir son diplôme, selon des précisions que nous avons obtenues.

« Certes, l’objectif est ambitieux, mais témoigne d’une volonté résolue : viser qu’au moins 40 % des personnes étudiantes non francophones inscrites dans les programmes de premier cycle atteignent un niveau de français 6 de l’Échelle québécoise, équivalent à un niveau B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues, lors de l’obtention de leur diplôme », ajoutent les trois universités. Le niveau 6 est le stade intermédiaire de connaissance du français dans l’échelle comprenant 12 niveaux.

Pour arriver à atteindre l’objectif, les recteurs proposent d’introduire, « avec la collaboration du gouvernement », des « incitatifs considérables » comme des bourses récompensant les étudiants qui « parviennent à certifier officiellement ce niveau de maîtrise du français ».

Les universités se disent prêtes à augmenter l’offre de cours de français langue seconde adaptée aux compétences des étudiants, à multiplier les stages en français, à élaborer des initiatives pour assurer la réussite des examens des ordres professionnels et pour favoriser l’arrivée sur le marché du travail, à organiser des activités de promotion de la culture québécoise.

Elles demandent au gouvernement de maintenir le statu quo dans la tarification des étudiants canadiens non-résidents du Québec (9000 $). Elles réclament également l’abandon de la nouvelle tarification pour les étudiants étrangers et « la mise en place de solutions de rechange pour équilibrer le financement des universités […] afin de s’assurer qu’elles soient durables et équitables pour l’ensemble du réseau ».

La ministre Pascale Déry, qui était de la rencontre avec M. Legault et les recteurs, affirme que les discussions ont été « franches » et elle se réjouit que les recteurs aient « reconnu le déclin du français ». Si elle salue leur volonté de franciser davantage les étudiants anglophones, elle reste « ferme » sur l’augmentation des droits de scolarité pour les étudiants d’autres provinces. « On va poursuivre nos discussions avec les universités et trouver une solution spécifique à la réalité de Bishop’s », ajoute-t-elle dans une déclaration écrite.