(Ottawa) Le Québec se prive d’une « fenêtre sur le monde » en imposant des frais de scolarité plus élevés aux Canadiens qui fréquentent les universités québécoises, croit le ministre fédéral Pablo Rodriguez.

Le lieutenant québécois du premier ministre Justin Trudeau ne s’en est pas caché : il accueille tièdement la mesure annoncée par le gouvernement de François Legault.

« Québec fait ses propres décisions ; je ne pense pas nécessairement que ce soit la meilleure décision », a-t-il affirmé en mêlée de presse avant la rencontre du cabinet, mardi matin.

« Pour moi, les universités, c’est comme une fenêtre sur le monde, et là, j’ai l’impression qu’on ferme un peu nos fenêtres », a-t-il ajouté en réponse à un journaliste qui l’avait invité à se prononcer sur l’enjeu.

Son collègue François-Philippe Champagne ne semblait guère plus enthousiasmé par le projet.

« Je pense que les universités anglophones font partie de l’écosystème. C’est important pour attirer les talents chez nous », a exprimé le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie.

Il y a donc selon lui « des choses à repenser », a-t-il argué.

Car les universités « Concordia, Bishop, McGill font l’envie du monde, alors il faut s’assurer qu’on a les mécanismes en place pour continuer d’attirer les talents », a-t-il complété.

Leur collègue Pascale St-Onge a préféré ne pas s’étendre sur le sujet, mais a tout de même qualifié la décision de « controversée ».

« Ça ne relève en rien d’Ottawa »

Le député bloquiste Mario Simard, qui est issu du monde universitaire, s’offusque de voir les libéraux parler d’un enjeu qui « ne relève en rien d’Ottawa ».

« Je ne vois pas pourquoi les ministres libéraux viendraient faire la leçon à des élus du Québec qui ont pris cette décision-là en pleine connaissance de cause », a-t-il reproché en entrevue.

« Dire que c’est se fermer à une ouverture sur le monde […], c’est symptomatique de leur vision du déclin du français. Pour eux, ça apparaît souvent comme un mythe », a-t-il aussi critiqué.

Joints par La Presse, le Parti conservateur et le Nouveau Parti démocratique n’ont pas fourni de réaction.

Communauté et médias anglophones inquiets

Dès l’automne 2024, les étudiants des autres provinces paieront des droits de scolarité annuels d’environ 17 000 $, pratiquement le double du tarif actuel.

Les étudiants étrangers devront acquitter un minimum de 20 000 $.

Le dossier inquiète la communauté anglophone, et il a fait grand bruit dans les médias anglophones depuis l’annonce faite la semaine dernière par la ministre l’Enseignement supérieur, Pascale Déry.

Mardi, le chroniqueur John Ivison, du National Post, titrait qu’en posant ce geste, François Legault « pétait en direction du Canada » – le titre a été modifié depuis.

« Bien sûr, la vraie raison derrière la décision n’est pas financière, elle est culturelle : le hobgoblin imaginaire du déclin du français au Québec », y analyse-t-il notamment.

Et ultimement, « les efforts de Legault pour bâtir un royaume ermite – une Ruritanie francophone – nuiront à long terme à sa province et à sa population », estime le chroniqueur.

Avec Ariane Krol