À quand des stages rémunérés en psychoéducation, en travail social, en soins infirmiers et dans tant d’autres domaines à prédominance féminine ? Après avoir donné 920 heures de travail gratuit à l’État au fil de ses stages, Naïmé Daoust-Zidane, qui étudie en psychoéducation, pose la question et continue le combat auprès des autres jeunes.

Conférences de presse, lettres aux médias, actions à l’Assemblée nationale : sous l’impulsion de l’Union étudiante du Québec, différentes associations étudiantes retournent au bâton cet automne et réclament une fois pour toutes que les stages obligatoires soient rémunérés.

Naïmé Daoust-Zidane note que pour les stages obligatoires de 360 heures au baccalauréat, « la très grande majorité des étudiants sont dirigés vers les centres jeunesse pour diminuer [les effets de] la pénurie de main-d’œuvre ».

C’est ce qu’elle a fait, en 2020, travaillant surtout le soir et les fins de semaine, « moments où les quarts sont difficilement [pourvus] ».

À la maîtrise, poursuit-elle, « nous sommes pleinement autonomes. Les 560 heures de stage que nous devons alors faire sont à 95 % des heures pendant lesquelles nous travaillons de façon autonome ».

On fait des évaluations, des plans d’intervention. On vient soulager le système.

Naïmé Daoust-Zidane, étudiante en psychoéducation

Peut-on penser que les stages en cause sont non rémunérés parce qu’ils sont surtout faits dans le système public ? « Ma sœur, qui a étudié en génie industriel, a fait son stage dans le secteur public, au CHUM. Elle y a gagné 22 $ l’heure », répond Mme Daoust-Zidane.

« La psychoéducation est un programme qui attire beaucoup les femmes, poursuit-elle. Plusieurs sont des mères, plusieurs effectuent des retours aux études. Mais quelle que soit notre situation, on a des factures à payer. »

Avant ses stages, Naïmé Daoust-Zidane avait un travail à temps partiel tout en faisant ses études. Pendant le stage, ce n’était pas possible.

Des domaines à forte prédominance féminine

Tout cela est derrière elle. Ses stages ont été faits, bénévolement. Si elle continue de s’impliquer, dit-elle, c’est notamment parce que « c’est une cause importante pour les femmes ».

L’Assemblée nationale l’a reconnu en mars. La motion déposée par le député péquiste Pascal Bérubé (99 votes pour, aucun vote contre, aucune abstention) précise entre autres que l’Assemblée nationale prend acte des revendications étudiantes « dénonçant la non-rémunération de plusieurs stages du secteur public », qu’elle « partage leur constat que ces stages non rémunérés touchent majoritairement des métiers à prédominance féminine » et qu’elle « demande au gouvernement de reconnaître le statut de salarié aux étudiants stagiaires du secteur public ».

La bourse Perspective Québec, créée par le gouvernement Legault en 2021, offre 2500 $ aux étudiants par session, « mais c’est loin d’être suffisant pour subvenir aux besoins fondamentaux d’un étudiant à l’université », plaident dans une lettre à La Presse Marie-Estelle Quennevile, membre fondatrice du Comité pour la rémunération des stages de l’Université de Montréal, de même que les futurs psychoéducateurs Alexanne Poulin, Mélika Saïdane et Francis Poisson.

C’est à peine si la bourse « couvre les frais de scolarité. Que faire du loyer ? Des déplacements et de l’épicerie. Et c’est sans compter l’inflation que nous vivons présentement au Québec », peut-on lire dans la lettre.

Jacob Fontaine, vice-président aux affaires externes de la Fédération étudiante de l’Université de Sherbrooke, soutient que « sans rémunération, certaines personnes doivent s’endetter pour faire leur stage. Dans un contexte d’augmentation du coût de la vie, on ne réglera jamais la pénurie de main-d’œuvre si les personnes quittent ou encore retardent leurs études faute de moyens financiers pour terminer leurs études ».

Annabelle Berthiaume, professeure adjointe à l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke, estime que « les stagiaires partagent avec les salariées de l’enseignement, des services de santé et des services sociaux le manque de reconnaissance de leur travail, un travail de soin ou de prendre soin, qui a historiquement et socialement été attribué aux femmes. C’est ça, le cœur de l’enjeu ».

« La revendication pour la rémunération des stages, c’est donc une revendication pour reconnaître ce travail de soin, auquel participent des milliers de stagiaires au Québec qui mérite d’être rémunéré, insiste Mme Berthiaume. Un salaire permettrait à ces étudiantes, en grande majorité, une plus grande autonomie financière par rapport à leur famille, leur conjoint et même les banques, en raison de l’endettement. »

Où en est le gouvernement dans ce dossier ? Simon Savignac, attaché de presse au cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur, répond que la ministre Pascale Déry « s’est engagée à rémunérer certains stages à temps plein dans le secteur public. Différents scénarios sont présentement à l’étude, nous ferons les choses dans l’ordre ».

Un horizon n’a pas été précisé.

Ce qu’il faut savoir

Depuis 2016, les étudiants en éducation et en santé se battent pour que leurs stages d’études obligatoires – qui comptent parfois plusieurs centaines d’heures – soient rémunérés.

Cette mobilisation a mené à la création par Québec de bourses qui demeurent largement insuffisantes aux yeux des jeunes qui reprennent la lutte cet automne, alors que le coût de la vie explose.

Forts d’une motion de l’Assemblée nationale en leur faveur, les étudiants demandent une réelle rétribution pour ces stages dans des domaines à nette prédominance féminine.