De grands acteurs de l’éducation réfléchissent aussi à des façons de réduire les pénuries d’enseignants et ne s’opposent pas à l’idée que le baccalauréat en enseignement dure trois ans au lieu de quatre.

Ce qu’il faut savoir

• Depuis 1994, le baccalauréat pour former des étudiants durait quatre ans.

• Le programme était alors contingenté et les emplois d’enseignants, difficiles à trouver. Tout a changé.

• Vu les pénuries, l’idée de revenir à un baccalauréat de trois ans, assorti de stage ou d’une résidence, fait son chemin.

La Presse a annoncé vendredi que le gouvernement Legault réfléchissait à l’idée d’écourter le baccalauréat en enseignement. Selon un des scénarios à l’étude, la formation pourrait être condensée et les stages, raccourcis.

Cela n’a pas manqué de faire réagir.

« Nous ne sommes pas contre l’idée, ce sont des solutions intéressantes », commence Kathleen Legault, présidente de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire qui couvre les centres de services scolaires francophones de l’île de Montréal.

Elle insiste cependant : les universités devront continuer de superviser leurs étudiants pour que toute cette responsabilité ne retombe pas sur le personnel des écoles déjà débordé.

Mme Legault est ouverte à diverses options, mais elle rappelle que sur le terrain, la présence importante « de gens non qualifiés amène déjà beaucoup de pression sur les enseignants ».

Les professeurs expérimentés doivent beaucoup aider ceux qui n’ont ni brevet ni formation adéquate, explique-t-elle, de sorte qu’il serait difficile pour eux d’avoir à accompagner en plus les jeunes en stage.

Estime-t-elle réaliste que le cursus soit resserré, que quelques cours peut-être barbants puissent être éliminés et que le baccalauréat se fasse en trois ans ? « Effectivement, répond Mme Legault, il faut analyser le contenu des cours […]. Est-il toujours adéquat en 2023 ? Tient-il compte du profil des étudiants ? Faut-il aller plus loin dans la reconnaissance des acquis pour permettre que les gens aient moins l’impression de perdre leur temps dans les cours ? »

Bientôt un avis du Conseil supérieur de l’éducation

Le Conseil supérieur de l’éducation, dont la mission est depuis 1964 de veiller au développement de l’éducation au Québec et de conseiller le ministre, est sur le point de publier un avis sur la question de la formation des futurs enseignants, explique en entrevue sa présidente, Monique Brodeur.

« Plusieurs avenues sont considérées, toujours dans un souci de qualité et de flexibilité », dit-elle, soulignant être sensible aussi bien aux pénuries qu’à la nécessité d’une bonne formation pour les futurs enseignants.

Les conclusions de l’avis du Conseil supérieur de l’éducation ne peuvent pas être dévoilées tout de suite puisque le rapport doit d’abord être envoyé au ministre et déposé à l’Assemblée nationale. Cela prendra encore quelques semaines.

Néanmoins, note-t-elle, « les fonctionnaires l’ont déjà entre les mains » alors qu’ils sont en train de se pencher sur ce dossier.

Une « dévaluation » de la profession

De son côté, Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, s’est dite étonnée d’apprendre par La Presse le scénario qu’envisage le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

« La tentation de réduire la durée de la formation vient ajouter à des années de dévaluation de notre profession, alors que la durée du baccalauréat avait justement été allongée pour permettre une meilleure formation », a réagi Mme Scalabrini.

Néanmoins, la FSE-CSQ est bel et bien déjà en réflexion sur la question.

« La FSE mène présentement des travaux sur les voies d’accès à la qualification autant pour les non légalement qualifiés que pour celles qui voudraient compléter un bac en enseignement. On aura prochainement des solutions concrètes à lui [le ministre Bernard Drainville] présenter qui auront été réfléchies en profondeur avec les enseignants », a poursuivi Brigitte Bilodeau, première vice-présidente de la FSE-CSQ et responsable des dossiers pédagogiques.

L’an dernier, la FSE-CSQ a consulté ses membres quant à l’idée de transformer la quatrième année du baccalauréat en enseignement en année de résidence. La vaste majorité des personnes répondantes, soit 88,3 %, se sont dites favorables. « C’est un point de départ pour notre travail d’analyse qui vise à maintenir la qualité et la valorisation de la formation, tout en facilitant l’accès à la profession. Nous invitons le ministre à se mettre en mode écoute des enseignants et à discuter avec nous », a conclu Mme Scalabrini.